Les salariés ont, de tout temps, été les premiers à payer les pots cassés de la mauvaise gestion des gouvernants et de l'incivisme des riches de ce pays. Complètement lessivés, ils ne peuvent plus rien donner ni sacrifier ! Dans les coulisses du pouvoir, plusieurs propositions sont à l'étude pour tenter de trouver des moyens de financement supplémentaires pour réduire un tant soit peu le déficit budgétaire. Toutes les idées versent comme par hasard dans un même sens, celui d'accabler encore plus les consommateurs, et notamment les salariés : augmentation de la TVA, une ou deux journées de salaire prélevées sur les émoluments de ceux qui touchent dix mille dinars ou plus par an ! Il n'y a pas plus facile que cela à faire, puisque la TVA fait partie intégrante du produit qu'on achète et le prélèvement s'effectue à la source et de manière directe pour ce qui est des journées de contribution des salariés à la résorption du déficit budgétaire qui a atteint, il est vrai, des chiffres qui menacent l'Etat d'une faillite prochaine. Tout en étant conscient de la gravité de la situation et du désarroi dans lequel se trouvent les gouvernants qui peinent à trouver de quoi boucler un budget par trop ambitieux dès le départ, on est en droit de se demander si telles sont vraiment les solutions qui vont sortir le pays de l'impasse ? Ne faudrait-il pas prospecter d'autres voies menant à de réels et solides remèdes que ceux du replâtrage auquel on assiste? Mais pour ce faire, faut-il encore qu'on ait le courage et le sens de la responsabilité qu'impose la gravité de l'état des finances publiques du moment et qui menace d'hypothéquer l'avenir économique du pays et la paix sociale. Se rabattre sur les salariés, c'est d'emblée faire fausse route car ces derniers sont saignés à blanc et ils ont perdu au cours des deux dernières années tout ce qu'ils avaient acquis pendant des décennies de labeur et de privation, parce qu'ils ont toujours été sur les premières lignes quand il s'agit de sacrifices à faire. Ils sont les seuls à s'acquitter de l'impôt, ils sont les premiers à payer les prêts contractés auprès de leurs banques, le tout est prélevé à la source. Ils sont aussi les plus en règle avec tous les prestataires de service (Steg, Sonede, téléphonie, etc.). Les factures récentes de ces dernières ont toutes été revues à la hausse. Rien que pour le gaz de ville, le prix du m3 est passé de 301 millimes à 355 millimes quand la consommation va au-delà de 100 m3. Et ce n'est pas là la première hausse, car au cours des trois dernières années, il y en a eu au moins trois : de 257 millimes en 2011 (le mois 5) on est passé à 276 millimes en 2013 (le mois 1er) et à 301 millimes à la fin de la même année pour enfin atteindre le prix actuel (au mois 4) de 2014. Les factures sont disponibles pour ceux qui veulent en avoir le cœur net. Bref, cet exemple à lui seul atteste des difficultés dans lesquelles vivent les citoyens honnêtes qui ne peuvent fermer l'œil sans s'acquitter de leurs dus envers tout le monde, y compris l'Etat. Assez payé donc pour, et que messieurs les gouvernants fassent l'effort qu'il faut pour que d'autres catégories sociales, celles notamment qui vivent dans une opulence qui frôle l'indécence et dont l'ostentation était pour l'essentiel dans le soulèvement qu'a connu la Tunisie en 2010, payent tout ce qu'elles doivent à la communauté nationale. Faire payer ceux qui ne payent rien Nous ne sommes pas ennemis de la richesse ni non plus envieux des riches. Tout ce que nous demandons, c'est de voir tout Tunisien s'acquitter de ses devoirs envers le pays. Est-il logique qu'un médecin exerçant pour son propre compte déclare 5 mille ou 10 mille dinars de revenus ? Ou qu'un avocat déclare 2 mille ou trois mille dinars ? La logique veut que si cela était vraiment leurs cas, ne serait-il pas mieux et plus rémunérant pour eux d'aller exercer leurs talents dans un organisme public ou même privé ? Ils auraient certainement été mieux payés. Les hommes d'affaires dont une nouvelle race est née après 2011, qui étalent leurs richesses, en limousines, voyages d'agrément, mobiliers de tous genres, payent-ils vraiment ce qu'ils doivent à l'Etat, s'acquittent-ils de leur devoir d'imposition? Rares sont ceux qui peuvent réellement se faire prévaloir d'un tel esprit patriotique, car payer ses impôts c'est faire preuve de patriotisme et mériter la citoyenneté tunisienne. Il est grand temps de trancher dans le vif et de faire régner un minimum de justice sociale, surtout si on croit vraiment avoir fait une révolution pour que tout Tunisien vive dans la dignité et se montre fier de sa «tunisiannité». Les salariés du plus haut au plus bas palier de l'échelle ont toujours été au rendez-vous pour répondre au devoir; aujourd'hui, ils ne peuvent plus rien donner, tellement ils sont lessivés et usés jusque dans leurs âmes, payant pour ceux qui ne payent pas et qui vivent en véritables bandits, jouissant d'une immunité dont la source sont la faiblesse des pouvoirs publics et le populisme des hommes politiques qui, par leur comportement irresponsable, mènent le pays vers l'inconnu. La Steg parle de centaines de milliards d'impayés, son déficit va en s'aggravant, et l'Etat se voit contraint de lui venir en aide pour assurer ses différents services. Quelles mesures ont été prises pour arrêter cette hémorragie? Rien n'a été bien sûr fait, avec toujours ces arguments revoltants (ceci un cas social, celui-là son entreprise fait travailler et vivre des familles entières et...) Et la barque va à la dérive, sans que l'on daigne tout mettre sur la table et tout le monde face à ses responsabilités. Cela ne peut continuer éternellement car la vache à lait ou la poule aux œufs d'or que sont les salariés sont à genoux et ne peuvent être d'aucun secours ni pour l'Etat ni pour les entreprises qu'on peut accuser de mauvaise gestion et de dilapidation des deniers publics, parce que leurs dirigeants n'ont pas su s'élever à la hauteur des missions dont ils sont investies, faisant de ces mêmes entreprises des fardeaux supplémentaires pour l'Etat et pour les citoyens contribuables et qui, aujourd'hui, n'en peuvent plus, et se demandent jusqu'à quand ils vont continuer à payer pour les bandits et pour les mauvais gestionnaires. Pour cette catégorie sociale qui constitue le socle de la nation et sa véritable conscience, il est temps pour que les hommes au pouvoir corrigent et mettent fin à ces maux qui minent les assises mêmes d'une Tunisie qui mérite mieux qu'un tel mépris de la part de la frange la plus cossue de sa population et de nombre de ses dirigeants grisés par le pouvoir.