Comme un vaisseau qui arrive doucement à quai après une longue traversée, votre supplément parvient avec le présent numéro au terme de son périple : pendant deux mois, on s'affairera, loin des regards, à laver la cale et le pont, à remettre à neuf ce qui peut l'être dans les salles des machines comme dans les cuisines, de manière à être enfin prêts, le moment venu, pour un nouveau départ. Mais, diriez-vous, l'été n'est-il pas une saison propice aux découvertes littéraires et aux réflexions partagées ? N'est-ce pas précisément en cette période particulière qu'il conviendrait au contraire d'être présent avec des pages où la longueur et la relative difficulté des articles – que d'aucuns ont parfois reprochés – se laisseraient enfin tranquillement dévorer, sans crainte que cela soit au détriment d'autres obligations ? C'est vrai, mais il ne faudrait pas oublier que ces quelques feuilles que nous proposons chaque semaine cherchent surtout à aiguiser l'appétit du lecteur et à lui ouvrir des pistes, afin qu'il aille de son côté explorer des lectures et se faire son propre parcours. Que cette période soit donc celle des incursions hardies dans les textes de nos littérateurs, proches et lointains. Quelques titres, selon l'usage, sont suggérés ici, où l'on insiste aussi sur le besoin qu'il y a de lire tunisien : non pas que la littérature du cru soit supérieure à d'autres, mais c'est la nôtre et nous y trouvons un reflet de notre existence solitaire et sociale. Cela nous aide à mettre des images et des mots sur un réel qui, sans cela, nous échappe comme une ombre. De plus, cette littérature a besoin de nous pour exister et se faire plus audacieuse : il faut donc y investir de la manière dont un homme d'affaires sagace détecte dans un projet aux allures parfois modestes un filon qui peut devenir durablement juteux moyennant un coup de pouce au départ... Il ne suffit cependant pas de lire : il faut le faire avec un sens aigu et une exigence affirmée de la qualité. C'est la condition pour corriger un phénomène assez général dans le monde littéraire, dont nous avons eu l'occasion de parler dans des éditions précédentes, et qui se rapporte au fait que la profusion des parutions peut avoir un effet d'étouffement sur les titres qui mériteraient tout particulièrement d'être remarqués. Un tel phénomène ne nous épargne pas. Et puis les aventures les plus belles ont besoin de marquer parfois un temps d'arrêt et de reprendre du souffle. C'est la condition pour se prémunir contre le risque d'une certaine usure et pour renouer avec la fraîcheur d'une nouvelle ambition... En attendant, les pages culturelles du quotidien prennent la relève pour vous tenir informés des nouveautés. A quoi s'ajoutent des suppléments conçus spécialement pour la période estivale et qui auront, eux aussi, à coeur de ne pas laisser les lettres et la pensée sans échos, quitte à ce que cela soit sur un ton plus léger.