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Les avatars de la vie
Jahimon fil'janna de Abbes Slimen
Publié dans La Presse de Tunisie le 30 - 06 - 2010


Par Saloua RACHDI
Enfer au paradis est le quatrième roman de Abbes Slimen, qui a déjà publié: L'oubli, D'autres jours supplémentaires, puis Le voyage de l'égarement (prix de La Médina 2008). Abbes Slimen est également nouvelliste. Il a déjà à son compte quatre recueils de nouvelles.
Enfer au paradis est l'histoire de quatre serveuses, menées par la vie qui leur fait souvent la grimace en guise de sourire. Souad, Saaida, Leïla et Faten travaillent au bar de Si Abdallah Lahmar et son fils Mansour, dans une ville du Sud tunisien. Elles sont logées au- dessus de leur lieu de travail, dans deux chambres voisines fournies par leur employeur généreux qui leur garantit aussi une paie fixe et leur permet de bénéficier des dons des clients. La générosité de ces derniers est en fait une avance ou une récompense pour des faveurs que les filles leur accordent discrètement et de plein gré. Le patron et son fils ont eux aussi droit à ces faveurs quand ils en ont envie.
C'est le compromis qui règne entre ces deux groupes de sexes opposés. L'auteur résume cette vie dans cette description : «entre les tables et les lits … entre de nombreux yeux ou une paire d'yeux qui les fixent… entre plusieurs mains ou seulement deux mains tremblantes … entre des sommes d'argent rassemblées destinées à la caisse de Si Abdallah et d'autres qui leur sont offertes en contrepartie d'un refuge momentané dans leurs corps… entre tout ceci et tout cela balance la vie du quatuor du bar ».
Une grande amitié se crée entre ces filles que le besoin rassemble autour de ce travail. Elles se soutiennent, se confient les unes aux autres, se remplacent au boulot…
Un sentiment de compassion les unit, renforcé par un lien évident d'appartenance de classe. Chacune de ces filles a derrière elle un passé peu valorisant qu'elle fuit sans toutefois y parvenir, car elle en garde les séquelles. Chacune a une histoire propre à elle qu'on découvre au fur et à mesure qu'on avance dans le récit. La narration alterne entre leurs histoires respectives, unies par un présent commun. Le roman profite ici des techniques des feuilletons qui découpent l'histoire en séquences, qui se déplacent d'un personnage à l'autre, permettant ainsi de visionner plusieurs récits en parallèle qui affluent dans une même histoire maîtresse.
Un va-et-vient entre le passé et le présent tente de dégager le récit de l'emprise de ces deux époques et de permettre l'évolution de l'action vers un avenir plus brillant ou, du moins, plus équilibré pour ces filles.
Le passage au bar est fructifiant d'abord par son apport matériel, puisqu'il assure un revenu et même des extras à nos protagonistes qui ne manquent pas de bouches à nourrir ni de besoins à satisfaire. Il l'est aussi par son apport relationnel puisqu'il offre des occasions de rencontres dont certaines aboutissent à des relations durables en amitié et en amour. Pour toutes ces raisons, ce milieu pourrait être qualifié de « paradis », par opposition à leur milieu d'origine caractérisé par l'indigence, le mépris et l'hostilité. Cependant, la présence de ces filles dans ce lieu les expose à la convoitise des hommes et les pousse à faire des concessions importantes qui diminuent leur estime pour elles-mêmes. Ceci est aggravé par la maltraitance qu'elles subissent de temps à autre de la part de certains clients imbus de préjugés sociaux et confiants dans leur supériorité physique et pécuniaire. Tout cela donne à ce « paradis » illusoire des couleurs d'enfer : «Saaida est consciente de l'amertume du fait d'être la femme de plusieurs hommes… il n'y a pas pire qu'une femme qui devient un pont qu'on traverse en passant… il n'y a pas pire qu'un corps de femme qui devient accessible aux propres et aux impropres… à celui à qui l'ivresse a fait perdre la raison et à celui qui garde encore un soupçon de bon sens… à celui qui l'aborde avec la fougue de l'adolescence et celui qui y vient accablé par le fardeau des années… à celui qui vient y chercher le plaisir et celui qui y vient par vexation… celui emporté par le désir ardent et celui pris par l'envie de l'humilier…celui qui le prend avec un semblant de respect et celui qui le prend à coup de pied… il n'y a pas plus horrible pour une femme que d'être à la portée de toutes les mains ou d'être une vulgaire chaussette que n'importe quel pied peut mettre pour un temps, puis s'en débarrasser d'un simple geste.»p.127.
Par une description subtile du vécu de ces personnages tourmentés, l'auteur nous mène à des réflexions profondes sur la vie, sur l'évolution des mœurs dans une société en pleine mutation, tiraillée entre une mentalité encore attachée à des valeurs conservatrices conformistes, une société patriarcale qui accorde de l'importance à des questions telles que la réputation, la sacralisation de l'institution du mariage… et, d'un autre côté, le développement rapide qui crée sans cesse de nouveaux besoins à satisfaire, qui réclame plus de libertés individuelles, plus de sacrifices à faire… Et il devient de plus en plus difficile de trouver un équilibre et de se réaliser. Ces contradictions donnent lieu à des comportements sociaux masqués, hypocrites : des tricheries, des mensonges, des trahisons, des relations adultères et même des violences et des agressions criminelles.
Le cadre spatial dans ce récit a une importance primordiale. Il se caractérise par l'enfermement, l'isolement, la marginalisation : un bar, c'est toujours à la marge du flux de la rue, de la vie extérieure… un refuge qui arrache les venants au côté sérieux, convenant et officieux de la vie « déclarée »… c'est un lieu où on vient chercher l'oubli, la détente, le bonheur même illusoire… c'est un lieu flou comme le nuage de fumée qui y règne, passager comme l'ivresse qui se dissipe au matin, éphémère comme tous biens qu'on paie et qu'on consomme dans une durée limitée… Ce lieu fermé va de pair avec le renfermement des personnages sur leurs histoires, leurs passés douloureux et leurs désirs de compensation. Cependant, ce lieu est loin de valoriser des personnages qui portent le genre féminin, qui rêvent de réintégration à la vie sociale, d'être aimés, de fonder des foyers… Ce refuge qui les met à l'abri du besoin est aussi source de souillure aux yeux des autres, pire encore à leurs propres yeux. Là encore, ils ne sont pas sortis de « l'auberge » et ils retrouvent les signes de l'enfer qu'ils croyaient fuir.
Comment y échapper ?
C'est peut-être dans la réponse à cette question que réside l'importance du rôle social qu'incarne le romancier, l'artiste en général : comment donner de l'espoir sans prétention, sans serments ; comment faire fondre sa propre logique dans la logique de la vie et rendre vraisemblable ce qui est invraisemblable ?
En ce qui concerne l'auteur Abbes Slimen, dans ce roman, il a adopté une démarche rigoureuse dans l'évolution de ses personnages et dans le choix des évènements décisifs qui ont orienté leurs vies vers le dénouement adéquat. Sans révéler toutes les péripéties de l'histoire qu'on laisse au lecteur le soin de découvrir, nous pouvons affirmer que l'auteur a puisé dans le passé de trois de ses personnages, à savoir Souad, Saaida et Faten, les raisons qui stimuleront plus tard leur volonté de fuir ce milieu sordide et de revenir chez elles. Il a forcé un peu le destin en créant des rencontres qui ne manquent pas de suspense et romanesque. Mais en ce qui concerne Leila, pour qui on ne connaît pas de liens familiaux, et ayant un portrait bien déterminé qui la destine à durer dans ce milieu, l'auteur a créé les circonstances propices à son installation; ainsi, elle reste au bar dont elle épouse le patron et réalise même des projets d'agrandissement et de modernisation.
Un autre personnage, Rafik, gérant du bar, avide, ambitieux et arriviste, a été écarté par plus rapace que lui. Ainsi, on rentre dans la morale et la logique même du conte qui récompense les bons et sanctionne les méchants.


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