Carlos Alberto Parreira est le sélectionneur qui compte le plus de participations à l'épreuve reine du football mondial. Aujourd'hui âgé de 67 ans, l'entraîneur des Bafana Bafana vient de prendre part à sa sixième Coupe du monde de la Fifa. Sa passion pour cette compétition n'a pas diminué d'un iota Dans un entretien, le technicien brésilien évoque son mandat à la tête de la sélection sud-africaine et l'empreinte qu'il souhaite laisser dans le football de la nation arc-en-ciel. Il s'enthousiasme également pour le niveau technique atteint à Afrique du Sud 2010. Carlos Alberto Parreira, quel regard portez-vous sur la Coupe du monde alors qu'on s'apprête à disputer les quarts de finale ? La vie est pleine de surprises. Après Allemagne 2006, je pensais qu'on ne reverrait plus jamais une Coupe du monde de cette qualité. Les Allemands sont perfectionnistes dans tous les domaines : technologie, organisation et infrastructures. Leur professionnalisme est ahurissant. Il y a quatre ans, tout était tellement parfait que j'étais convaincu qu'il serait impossible de revivre une Coupe du monde aussi bien organisée. Maintenant, quand vous regardez la qualité des stades, des terrains d'entraînement et des hôtels en Afrique du Sud, vous vous rendez compte que tout fonctionne aussi bien qu'en Allemagne. Même la météo est au rendez-vous. C'est vraiment fantastique. Et que pensez-vous du football que vous avez vu jusqu'à maintenant ? Techniquement, le niveau est très élevé. Cela s'explique par le fait que tout le monde met l'accent sur la qualité et la technique. Contrairement à l'athlétisme, à la natation et à pas mal d'autres sports, le football est un jeu où le talent et la technique sont très importants. La force et la vitesse sont nécessaires, mais pas fondamentales. Si elles l'étaient, les meilleurs footballeurs seraient des athlètes robustes et forts à la course. En tant que Sud-Américain, je ne peux qu'être satisfait de cette Coupe du monde : la seule défaite concédée par une équipe sud-américaine a été celle du Chili contre l'Espagne (depuis, le Chili s'est également incliné contre le Brésil). Et encore, ils n'ont perdu que 2-1, après avoir joué en infériorité numérique pendant plus d'une mi-temps. Pour l'instant, ce sont les Sud-Américains qui dominent, grâce à leur technique et à la qualité de leur jeu. C'est exactement ce que les gens veulent voir. Le Ghana est la seule équipe africaine encore en lice dans la compétition. Quelles sont les chances des Ghanéens d'être champions du monde ? Les Ghanéens ont fait une bonne Coupe du monde en Allemagne. Ils ont battu la République tchèque, qui faisait partie des favoris. Ce fut un très grand match. Ensuite, ils ont perdu 3-0 contre le Brésil. Ils n'avaient aucune expérience à l'époque, mais cela a bien changé. Ils sont très organisés et travaillent avec un sélectionneur qui les connaît bien. Il ne faut pas oublier que plusieurs joueurs ghanéens présents en Afrique du Sud ont remporté la Coupe du monde U-20 l'année dernière. Je pense que le Ghana a les moyens de réussir un gros coup. Beaucoup de gens disent que la mentalité dans le camp brésilien est identique à celle qui régnait au sein de la Seleção en 1994. Etes-vous d'accord ? J'ai quelques amis au sein de la Seleção et ils sont unanimes. Ils me disent tous que l'atmosphère dans le groupe est très bonne. C'est essentiel. Si ce n'était qu'une question de qualité, nous ne serions jamais restés 24 ans sans gagner la Coupe du monde ou atteindre la finale. Actuellement, on sent qu'il y a une très bonne ambiance dans le groupe brésilien. C'est très important. Ça facilite le reste. La qualité, l'histoire et le symbole du maillot sont déjà là. Techniquement, l'équipe est très au point également. Il ne fait aucun doute pour moi que le Brésil est l'une des meilleures équipes de ce tournoi. Que retirez-vous de votre passage à la tête du pays hôte? Ce fut une expérience complètement différente de toutes les autres. C'est d'ailleurs ce que j'avais pressenti et ce qui m'a poussé à signer. Au début, on a beaucoup critiqué mon salaire. Mais si vous le comparez avec celui des sélectionneurs les mieux payés, il n'a rien d'exagéré. J'ai abordé le sujet dès ma première conférence de presse ici. J'ai dit que je n'étais pas venu pour l'argent. Je ne suis pas millionnaire. Je gagne bien ma vie, mais ce n'est pas pour gagner plus d'argent que j'ai décidé d'entraîner le pays hôte. C'était un défi.Après 18 mois, j'ai dû rentrer au Brésil pour des raisons personnelles. Joel Santana a pris la relève et je pensais que c'en était fini pour moi en Afrique du Sud. Les Bafana Bafana ont fait une bonne Coupe des Confédérations mais ensuite, ils ont connu pas mal de problèmes dans les rencontres amicales. Ils ont perdu neuf matches de suite et l'entraîneur ne savait plus trop quoi faire. C'est lors de la tournée sud-africaine au Brésil qu'ils m'ont proposé de reprendre les rênes. J'ai accepté l'offre et je ne le regrette pas. C'est fascinant de voir à quel point le football peut rapprocher les gens. Quand je suis revenu, j'ai été accueilli à bras ouverts. J'ai toujours fait mon maximum pour l'Afrique du Sud et je crois que c'est de là que vient le slogan "Make Us Proud" (rendez-nous fiers). Dans la rue, les gens me sortaient souvent cette phrase, qui me paraissait très appropriée. J'ai commencé à la reprendre au cours d'entretiens. Tout est parti de là. Que pensez-vous de la performance de l'Afrique du Sud dans "sa" Coupe du monde ? Tout le monde ici sait que l'Afrique du Sud ne possède pas suffisamment de joueurs évoluant dans des grands championnats pour prétendre remporter une Coupe du monde. Cela dit, l'équipe n'a pas été ridicule, tout le monde en convient. Nous avons bien débuté face au Mexique et fini très fort contre la France. Il n'y a que contre l'Uruguay que nous sommes passés à travers. Dans l'ensemble, ce fut une expérience positive. Nous avons posé les fondations pour l'avenir. Sur les 15 matches que nous avons disputés depuis mon retour, en novembre 2009, nous n'avons été battus que par l'Uruguay. Il aurait été extraordinaire de se qualifier, mais nous devons savoir nous contenter de ce que nous avons réalisé. Je pense que nous avons redoré le blason du football sud-africain. Quel est votre message à l'attention du football sud-africain ? Quel chemin doit-il suivre ? Le championnat de première division est d'un bon niveau, bien organisé, solide financièrement. Le problème, c'est l'absence de championnat de jeunes. Sans cela, vous ne pouvez pas progresser. Comme dans beaucoup de domaines, les jeunes représentent l'avenir. L'une des priorités est donc d'investir pour eux. Au Brésil, les gamins jouent 24 heures sur 24. C'est notre grande force. Dans mon rapport, je fais remarquer qu'il serait peut-être bon de limiter le nombre de joueurs étrangers en première division sud-africaine. Aujourd'hui, il y en a en moyenne cinq par club. Cela fait beaucoup. Je suggère de limiter ce nombre à deux, pas plus. Et personnellement, qu'est-ce que l'avenir vous réserve? J'ai déjà reçu des offres de plusieurs clubs et de deux équipes nationales, en Afrique et en Asie. Mais je ne veux pas me précipiter. En fait, je ne reprendrai pas de fonctions d'entraîneur avant le mois de décembre. J'ai quelques séminaires à assurer, mais rien d'intense, rien en tout cas qui m'empêche de passer les week-ends en famille.