Un projet, en cours de réalisation, permet la mise en commun du savoir-faire artisanal de femmes rurales et celui des diplômés chômeurs des mêmes régions. Dans notre publication du 12 juin 2014, nous avons annoncé l'annulation du Festhéâtre de Dougga, dont la troisième édition devait ouvrir la saison estivale. Rappelons qu'il s'agit d'un festival créé en 2012 et dont l'objectif était de revaloriser et de promouvoir le site archéologique le plus important et le plus prestigieux de Tunisie, situé dans la délégation de Téboursouk, dans le nord-ouest du pays. Se retrouvant seule, sans partenaires, à jouer le rôle du sauveur d'un bien, pourtant commun, «Kolna tounès», l'association conceptrice de l'évènement, décide donc de faire une pause, en attendant que les choses changent. Mais elle ne chôme pas pour autant. Toute son énergie déployée durant ces deux années de festival avait, pour elle, un sens. Elle lui avait permis d'explorer le terrain, pour se lancer dans un nouveau projet de revalorisation économique et culturelle intitulé «Kolna herfa» (Nous sommes tous artisans). Ce projet, financé par l'OIM (Organisation internationale de la migration), vise à développer le savoir-faire ancestral des femmes rurales, privées de sources de revenus, ainsi que l'esprit d'entrepreneuriat chez des jeunes diplômés chômeurs, mais aussi à accompagner ces derniers dans la création de leur entreprise. « Kolna hirfa » cherche, également, à valoriser les spécificités patrimoniales et culturelles locales des délégations du gouvernorat de Jendouba, (à savoir Fernana, Ain Draham et Oued Mliz), de celles du Kef (Nebeur, Sakiet Sidi Youssef et Kalaa Khasba) et des délégations du gouvernorat de Siliana (Rouhia, Kesra et El Aroussa). Des unités commerciales seront créées dans chacun de ces gouvernorats, alliant les compétences des femmes artisanes et transformatrices de produits issus de l'agriculture, et des jeunes diplômés chômeurs, qui auraient bénéficié d'une formation dans l'innovation et la création de projets, leur permettant d'assurer un premier cycle de production et de commercialisation. La formation d'abord La mise en place de «Kolna hirfa», dont le coup d'envoi a été donné en février dernier, durera une année, et se réalisera en plusieurs étapes. Au commencement, un cycle de trois formations par gouvernorat aura lieu au profit de 21 jeunes issus des différentes délégations concernées. Ces formations porteront sur «la culture entrepreneuriale», «la création et la gestion d'entreprise», et «le marketing et la commercialisation». Au terme de ce cycle, trois jeunes de chaque gouvernorat seront sélectionnés pour être porteurs de projet auprès des femmes. On nous apprend que ceux qui ne seraient pas sélectionnés pour la suite du projet bénéficieront d'une formation supplémentaire en organisation événementielle et prendront part aux événements de promotion, organisés par l'association, dans les régions concernées par «Kolna hirfa». Le projet prévoit, également, un cycle de deux formations par délégation, au profit de cinq femmes de chaque délégation, leur permettant de se familiariser avec les principes de «l'économie sociale et solidaire» et « les outils de la gestion financière» (calcul de prix de vente, tenue simple d'un compte d'exploitation, épargne, investissement...). On note que les jeunes sélectionnés participeront à ces formations. Au terme de ce cycle, douze femmes de chaque gouvernorat seront, à leur tour, sélectionnées, pour poursuivre le projet. Production, commercialisation et visibilité La deuxième étape du projet sera consacrée à la production et à la commercialisation. Dans chaque gouvernorat, une entreprise sera créée, regroupant les douze femmes sélectionnées. Celles-ci assurent la production, tandis que les trois jeunes diplômés prendront en charge la gestion de l'unité de commercialisation, la promotion et le marketing. L'association accompagnera les femmes productrices et les jeunes dans leurs démarches de création et d'installation de l'unité de commercialisation, ainsi que dans le choix et l'achat de matières premières et équipements simples, afin de permettre le démarrage du premier cycle de production et de commercialisation. Les concepteurs de «Kolna hirfa» ont visiblement tout prévu. Dans le volet valorisation et communication, un site web et une page Facebook seront créés pour élargir la visibilité du projet et permettre de meilleurs débouchés de vente et de distribution. Les initiateurs du projet souhaiteraient faire vivre, au consommateur ou à toute personne intéressée, une expérience particulière d'achat. Ils précisent que si les porteurs de projet le souhaitent, le site web pourra évoluer vers une plateforme de vente en ligne. Ce nouveau projet de «Kolna Tounès» ne se limite pas à la mise en commun d'un savoir-faire et à la création de points de vente destinés aux produits du terroir et à l'artisanat. Ces espaces de production et de commercialisation seront également conçus comme des lieux d'accueil pour l'art et les artistes. Le point de vente de Kesra accueillera des expositions de céramiques ou de bijoux berbères. Celui du Kef sera consacré aux produits BIO (agricoles et de tissage) et proposera au public tout ce qui est en rapport avec le patrimoine oral (chant, contes et poésie populaire). Quant au point de vente de Tabarka, qui réunira les produits du savoir-faire de tout le gouvernorat de Jendouba, il abritera, chaque week-end, des plateformes de Jazz. Car, encore une fois, les concepteurs tiennent à ne pas couper le cordon avec des évènements qui ont fait la réputation culturelle et l'identité artistique d'une région. On nous annonce, par ailleurs, qu'à partir du mois de septembre prochain, neuf événements auront lieu dans ces délégations, dont trois «grands formats» à Kesra, Kalaa Khasba et Aïn Draham. Nous y reviendrons.