Hamadi Daou d'un côté, Roger Lemerre de l'autre : l'un et l'autre font face à l'inévitable situation instable inhérente à toute fin de saison. L'enfant du Club Sportif Sfaxien, dont le père, Si Abdelkader, a accompagné l'équipe seniors depuis voilà quatre décennies ou plus ne peut pas ne pas être perturbé par les rumeurs, donnant le Français Philippe Troussier pour lui succéder dès le prochain exercice sur le banc du club sudiste. Simples rumeurs ? En tout cas, l'ombre du sorcier blanc va planer dans des vestiaires connus pour être unis et sereins quand bien même Daou ne se serait jamais imposé au regard du clan ‘‘noir et blanc'' qu'en tant qu'adjoint de Ruud Krol. Dès qu'il est monté en grade et pris carrément les rênes du pouvoir, les sceptiques n'ont plus raté une occasion de rappeler un palmarès où ne figurent que des clubs saoudiens. Comme le foot tunisien cultive les préjugés et les a priori, on retrouve le bonhomme pas vraiment à la hauteur d'un des quatre meilleurs clubs du pays. Pourtant, Daou a démontré qu'il n'est pas moins fûté que Krol lequel possède néanmoins une plus grande expérience, un plus grand vécu, davantage de charisme et d'aura sans parler d'une image nettement plus rayonnante et médiatisée construite sur la légende du libero (ou latéral) du grand Ajax des Seventies. Si l'on prépare, aujourd'hui, dans son dos un successeur de l'envergure de Troussier, globe-trotter qui roula sa bosse un peu partout, en France, en Chine (Shenzhen), à Qatar, en Afrique noire (Côte d'Ivoire, Afrique du Sud, Mali...), cela fait sans doute partie de la règle du jeu dans un métier parmi les plus ingrats qui soient et où il n'y a pas de place pour les sentiments. Cette finale de Coupe de Tunisie pourrait donc être la dernière rencontre de Daou qui voudrait à tout prix sortir par la grande porte. Sur un succès éclatant, sur une revanche sur cette même Etoile du Sahel qui avait piégé, il y a un an, en finale de Coupe de Tunisie version 2011-2012 les copains de Ferjani Sassi. Adepte d'un réalisme à tout bout de champ, l'aggiornamento auquel il procéda depuis le départ de Krol ayant transformé le CSS en un team tendu vers un seul objectif, le résultat, Daou a pu s'appuyer sur un vestiaire où ses qualités de communicateur, sa bonhomie et la limpidité et la simplicité de son discours finirent par souder l'effectif. Pourtant, Maâloul, Ben Youssef, Jeridi... Les ambitions, non plus. Le CSS- les ego ne manquent point avec les Sassi là vise très haut, le titre africain suprême. Faudrait-il qu'il soit drivé dans cette quête du Graal par un grand nom, une vedette des bancs techniques comme Troussier pour espérer réussir ? Le dinosaure entretient le mystère A l'antipode de Daou, sur l'autre banc, prendra place un monument au rayonnement international, Roger Lemerre, champion d'Europe 2000 avec la France, et d'Afrique 2004 avec la Tunisie, le seul au monde à posséder un tel palmarès de champion des deux continents. Certes, le technicien septuagénaire se trouve en tout bout de chemin, et c'est une des raisons qui le fait aujourd'hui hésiter quant à une prolongation du mandat du côté de Sousse. Sans parler de son habileté à négocier les meilleurs contrats possibles lorsqu'il est viré, meilleur indeminisation financière imaginable (avec la fédération française, suite au flop du Mondial 2002). Dinosaure à l'appétit insatiable, le champion du monde 1998 avec la France en qualité d'adjoint d'Aimé Jacquet sait installer une discipline quasi militaire là où il passe. Aussi bien sur le terrain qu'en dehors. Il raffole de demis récupérateurs ou relayeurs (Bouazizi, Chedly, Nafti, Mnari...), fait la part belle à la couverture et à la solidité défensive dans une discipline de jeu rigoureuse et sait titrer le maximum d'un effectif pas toujours constellé d'individualités hors pair. Au bout du compte, son adaptation aux contextes les plus contradictoires (France, Tunisie, Maroc, Algérie...) reste phénoménale. Quand bien même ses rapports avec les médias seraient le moins qu'on puisse dire en dents de scie, pour ne pas dire «impossibles». Acceptera-t-il de rempiler à l'ESS? Ou va-t-il plutôt succomber au chant des sirènes du Club Africain ou du Club Sportif Sfaxien? Le bureau de Ridha Charfeddine fait le forcing pour l'amener à poursuivre son œuvre une autre année au moins. Ayant pris le relais de son compatriote Denis Lavagne en pleine saison, il a apporté au club sahélien stabilité, sérénité et travail sur la durée. Dans cette opposition de styles, les puristes seront curieux de savoir jusqu'à quel point l'empreinte des entraîneurs marquera une finale ouverte à tous les pronostics. Et si la discipline collective étoilée s'imposera à nouveau, comme au début de l'été dernier devant les ressources individuelles inépuisables des artistes sudistes.