Les deux Tunisiens font très bien et distancent leurs compatriotes. Où sont les autres ? C'est là le problème. Malek Jaziri avance de 12 places au classement ATP. Il est actuellement 75e, une belle performance pour celui qu'on a pensé cuit et «terminé», il y a quelque temps. Après une apparition sublime au «Shanghai Masters», Malek confirme sa très bonne fin de saison. Tout comme la talentueuse Ons Jabeur qui vient de passer à la 147e place (un saut de 12 places) en une semaine et fait honneur à sa carrière. On nous dit souvent pourquoi vous ne parlez que de Malek et de Ons et pas des autres. C'est là justement la question problématique du tennis tunisien : y a-t-il quelque chose à signaler en dehors des performances de Malek et Ons ? Ils accaparent la scène, ils survolent la scène nationale et volent de leurs propres ailes. Un joueur comme Malek qui a émergé fin des années 90, aux côtés de Heythem Abid, en est arrivé là après un parcours de vrai combattant. Bien encadré, avec les moyens du bord, il a fait partie d'un projet de relance technique où Slah Bramli, Hichem Riani et Wahid Alioua ont contribué à la découverte de talents qui ont brillé plus tard. Le problème, c'est qu'à part Malek Jaziri et Ons Jabeur, les autres ont fini par disparaître d'une façon ou d'une autre. Etudes, blessures, mauvaise planification de carrière, mauvais encadrement, omniprésence étouffante des parents, etc., les raisons sont diverses. Le résultat est le même : ils sont très loin au classement ATP. Et le jour où ce beau monde essayera de revenir au circuit ATP après les études, ce sera trop tard... quand on a dit que l'approche élite est à refaire, et que notre tennis est en train de broyer ses talents, quand on a dit qu'il n'est plus permis de voir des talents émerger comme un feu de paille. Plusieurs parmi eux avaient un talent fou. Ils sont essayé de persévérer, de perdurer, mais ils n'ont pu le faire à cause d'un système mal élaboré, et d'une mauvaise gestion de carrière. On ne peut pas tout imputer au ministère des Sports et à la FTT (qui a un rôle qu'elle n'arrive plus à jouer), et on ne peut pas tout imputer aux joueurs et à leurs parents (fautifs en partie parce qu'ils gèrent la carrière de leurs enfants avec les sentiments, pas plus). On peut faire des reproches aux sponsors qui investissent des milliards sur des équipes et des supports peu visibles, et qui ignorent Jaziri et Jabeur. N'oublions pas aussi un autre point saillant : une carrière de joueur professionnel, c'est aussi des fonds propres. C'est-à-dire que chaque joueur qui brille sur la scène internationale ne doit pas compter uniquement sur le financement public. C'est un athlète qui gagne tant d'argent et qui doit payer pour rester dans le haut niveau. Où sont-ils ? Les années-lumière d'avance qu'ont prises Malek et Ons sur les autres créent un fossé inquiétant au niveau de l'élite. Là, ressurgissent quelques noms de joueurs et joueuses perdus dans la nature malgré leur talent. Où sont passés Slim Hamza, Ahmed Triki, Moëz Chergui, Wassim Derbel, Ghorbel et, avant eux, Hayhtem Abid (un énorme talent passé à côté d'une grande carrière), Nour Abbès (joueuse solide et qui a émergé avec Ons Jabeur)? Qu'a-t-on préparé pour accompagner la carrière de Skander Mansouri, Aziz Dougaz, Majed Kilani et Chiraz Bechri? A quoi sert de découvrir des talents pour les perdre quelques années plus tard? Certainement que nous avons oublié d'autres noms, tellement il y a de jeunes champions perdus dans le labyrinthe du circuit professionnel. Frustrant?