« Une seule personne détient la clé du système d'information informatique de l'Isie »... Les dépassements et infractions de la campagne électorale pour les législatives, le système d'information informatique de l'Isie (Instance supérieure indépendante des élections), le traitement médiatique de cette campagne sont au cœur des préoccupations du réseau Dostourna. Lequel ne s'est pas présenté aux élections du 26 octobre, mais qui, en tant qu'observateur de la campagne et des élections, a relevé plusieurs failles. Afin d'en savoir plus, nous avons posé trois questions au porte-parole et coordinateur de Dostourna, Jawhar Ben M'barek. Quelle sont les principales failles au niveau du financement des campagnes électorales pour les législatives ? Nous avons constaté plusieurs violations de la loi électorale au niveau du financement des campagnes électorales. Car la loi a fixé un plafond de financement et de dépenses pour chaque liste candidate selon le nombre des électeurs de la circonscription. Or, plusieurs listes de grands partis ont dépassé ce plafond à travers le financement direct du parti. Légalement, la liste d'un parti ne peut dépenser, dans chaque circonscription, plus de trois fois la contribution publique, soit de 20 à 21.000 dinars, selon la puissance des partis. Toutefois, si la loi électorale a fixé un seuil de dépenses pour les listes candidates, elle n'a pas fixé les dépenses au nom des partis politiques. Ce qui a créé une confusion : une liste candidate pouvant utiliser des financements provenant du parti. Ce qui explique que plusieurs ONG ont relevé les coûts exorbitants des meeting de certains grands partis, tels ceux d'Ennahdha à Sfax ou de Nida Tounès à Kairouan, dont les coûts s'élèvent entre 50.000 et 70.000 dinars, dépassant ainsi de 7 fois le seuil légal imposé par la loi électorale. Ce mélange de genres a permis aux grands partis de dominer la campagne électorale et de s'imposer par l'argent et les financements qui coulent à flots. Vous avez affirmé, il y a quelques jours, sur une chaîne de télé que la clé du système d'information informatique de l'Isie est détenue par une seule personne. Pouvez-vous nous donner des précisions sur cette question ? Nous avons appris que les Nations unies ont proposé à l'Isie un système d'information informatique global et fiable. Or l'instance a refusé et a confié l'élaboration du système à un ingénieur tunisien, membre de l'Isie et proche d'un grand parti politique. Et il est le seul à détenir la clé du système d'information informatique de l'Isie, a y avoir accès et à en maîtriser les algorithmes. Deux membres de l'Isie sont intervenus sur la chaîne en question et nous ont affirmé qu'il existe un rapport d'audit et nous ont promis qu'on pouvait s'en procurer une copie. Or cela fait trois jours que nous courons derrière une copie de ce rapport, en vain, car personne ne semble être au courant de ce rapport d'audit. Maintenant, faute d'existence ou de publication de ce rapport, s'il existe, on peut mettre en doute les résultats des élections qui peuvent être manipulés. D'où notre grande inquiétude. Nous insistons, donc, pour que l'Isie dévoile et publie ce rapport d'audit et pour cela, nous avons déposé une demande officielle avec l'obtention d'une décharge. Quelle est maintenant votre évaluation du traitement médiatique de la campagne pour les législatives ? Nous avons relevé énormément de dépassements au niveau du traitement audiovisuel de la campagne électorale, notamment la violation de la loi électorale, en ce sens que la campagne pour la présidentielle a devancé et dominé la campagne pour les législatives, surtout au cours des deux premières semaines qui ont suivi le démarrage de la campagne pour les législatives. Concernant le contenu, le traitement de la campagne pour les législatives dans les médias audiovisuels est demeuré au niveau des généralités. Il n'y a pas eu de débats d'idées sur les programmes des partis. Autrement dit, il n‘y a pas eu de traitement de fond au niveau, par exemple, de la réforme fiscale, éducative, sanitaire et autres. La campagne a surtout tourné autour des personnes et des candidats. Les citoyens n'ont pas été édifiés et ne se sont pas fait une idée claire sur les différences et nuances de chaque programme des partis et candidats. Or, il fallait procéder surtout par thème afin d'inciter les partis à entrer dans les détails et d'éviter, ainsi, les discours plats et creux sans précisions alors qu'il est du droit des Tunisiens et des électeurs d'avoir une idée très claire des programmes politiques pour pouvoir voter en connaissance de cause. Mais le comble c'est que nous avons constaté que certains médias audiovisuels puissants, entre radios et télés, roulent pour des partis et des candidats bien déterminés : Al Hiwar Ettounsi pour l'UPL, Al Moutawasset pour le CPR, Nessma-TV pour Nida Tounès, Ezzitouna-TV pour Ennahdha, etc. Ainsi chaque grand parti bénéficie de l'appui d'une chaîne. Pire, nous avons relevé que de grands journalistes roulent, de leur côté, pour certains partis. Ce qui est une catastrophe pour la déontologie et l'éthique du métier de journaliste.