Définir nos besoins en produits agricoles avec des prévisions, qui tiendraient compte de l'intérêt des agriculteurs et des consommateurs, permettrait une production constante et conséquente où tout le monde trouverait son compte. Il y va de notre pouvoir d'achat et de la pérennité de ce secteur vital et de ceux qui vivent de l'agriculture, notamment les petits exploitants. La Tunisie dans sa majeure partie est un pays semi-aride. Son agriculture dépend, pour beaucoup, des conditions climatiques. Les précipitations sont irrégulières selon les années. Les vents ne sont pas toujours favorables, ce qui engendre des cycles de sécheresse qui peuvent durer jusqu'à trois ans et plus, influant ainsi sur les rendements agricoles. La céréaliculture et l'élevage en souffrent le plus. Ceci explique que nous sommes un pays importateur de blé, de fourrage et parfois d'ovins ou de carcasses de bovins pour combler le déficit chronique en céréales et en viandes rouges. Ceci, en dépit des grands efforts entrepris depuis l'Indépendance en matière de construction de barrages et de bassins collinaires qui ont permis d'améliorer la capacité de rétention des eaux des rivières et leurs affluents. Aujourd'hui, le taux de rétention dépasse les 90% de ces eaux. Nous ne parlons pas bien sûr des eaux de ruissellement consécutives aux pluies diluviennes que le pays connaît épisodiquement. Le programme des eaux du Nord a permis à la Tunisie d'éviter ce qu'ont vécu d'autres pays d'Afrique du Nord. Il n'y a jamais eu ou presque une pénurie d'eau dans notre pays, aussi bien pour les cultures maraîchères que pour la consommation domestique. Ce grand effort a donné ses fruits avec l'extension des zones irriguées, ainsi que l'arboriculture à des régions intérieures du pays, tels que le Centre et le Centre-Ouest, où ces variétés agricoles sont très développées. Mais il y a toujours un problème. Il a trait au manque de repères, faute d'un minimum de planification et de coordination entre les intervenants : ministère de l'Agriculture, syndicats agricoles et exploitants. Ce maillon manquant de la chaîne est à l'origine de certaines situations qui influent négativement sur la production de certains produits agricoles destinés à la consommation humaine notamment. Cela se vérifie pour plusieurs cultures qui évoluent en dents de scie, donnant souvent le tournis au marché selon que les quantités produites sont supérieures ou en deça des besoins réels du pays. A ce niveau, la responsabilité est plutôt humaine parce qu'on produit sans tenir compte des capacités de résorption du marché. Les conséquences de ce dysfonctionnement sont subies ou par les exploitants ou par les consommateurs. Evolution en dents de scie ! S'il y a surproduction, l'exploitant en paie les frais, avec la mévente du produit et le manque à gagner consécutif. S'il y a une demande vigoureuse et une offre qui ne répond pas, c'est le consommateur qui se voit contraint de payer le prix fort pour se fournir en tel ou tel produit. Cela s'observe depuis des décennies pour la pomme de terre et l'oignon notamment, quelquefois pour les tomates, les poivrons et certains fruits d'été, les melons et les pastèques notamment. Le coût de la pomme de terre avait atteint, à l'hiver 2012, 1.d500 le kilo, cette année n'eût été l'intervention du gouvernement, on aurait observé le même constat. Idem pour l'oignon qu'on vend à plus d'un dinar le kilo, celui de l'hiver s'est vendu à l'occasion de la Fête du sacrifice à 1.d500 la botte d'un kilo. L'année dernière, la pomme de terre se vendait jusqu'à 0d,200 le kilo au marché de gros. Même chose pour l'oignon. Sur les étals des légumiers, les prix ont peu changé avec des gains avoisinant les 200% pour les deux produits que les agriculteurs bradaient. Mais là, c'est une autre paire de manches. Et pour revenir à l'objet de notre article, soulignons que, le manque de planification et de prévisions, comme souligné ci-haut est la cause principale de cette situation à laquelle on pourrait facilement trouver les antidotes pour que nos agriculteurs puissent rentrer dans leurs frais et que les consommateurs trouvent leurs comptes, eux aussi, en s'approvisionnant à des prix raisonnables. Le petit exploitant, qui laisse des plumes pendant une saison en se trouvant contraint de vendre à bas prix son produit, n'a plus les moyens la saison d'après de cultiver son petit champ et préfère ne pas se hasarder pour ne pas rester sur la paille une fois pour toutes. Seuls ceux aux moyens importants récidivent et font ainsi le plein, en faisant des gains conséquents qui couvrent leurs frais et effacent les pertes de l'année d'avant. Mais là, c'est le consommateur qui est sanctionné. Et cela continue depuis des lustres, sans que l'on fasse le moindre effort pour trouver la meilleure potion, qui est pourtant à portée de main. Quelles quantités consomme-t-on de tel ou tel produit? Combien nous faudra-t-il de tonnes à stocker pour les intersaisons? En établissant des moyennes exhaustives, on parviendra à mettre fin à une situation le moins qu'on puisse dire anormale. Une fois les moyennes de nos besoins définies, on peut instaurer ainsi des quotas de production à l'échelle nationale, répartis sur les régions et selon les disponibilités en terre et en eau, d'autant plus que cette dernière est servie par les Crda qui peuvent jouer leur rôle en faisant respecter les quotas instaurés par les cultivateurs, en leur fixant les superficies à exploiter et à ne pas dépasser. De leur côté, les syndicats agricoles (ils sont deux à notre connaissance) doivent servir de relais pour sensibiliser leurs affiliés afin qu'ils adhèrent à une telle réglementation dont ils seront, à n'en pas douter, les bénéficiaires. Les syndicats agricoles ont ce rôle à jouer pour la pérennité de notre agriculture, et celle de nos petits exploitants qui constituent une frange importante de notre ruralité. Cela permettrait de les fixer chez eux pour produire en leur évitant de prendre le chemin de l'exode pour chercher de quoi subvenir à leurs besoins. Le système de quotas n'est nullement une trouvaille, dans la mesure où, même en Europe, on le pratique. La jachère pour la culture céréalière en est le parfait exemple. Et tous ceux de ma génération se rappellent les difficiles négociations agricoles entre les Britanniques et les Français sur la question des quotas et les célèbres prises de bec entre M. Chirac et Mme Thatcher. Toute proportion gardée, la question mérite qu'on y réfléchisse pour passer à l'action ensuite.