La composition du nouveau gouvernement Habib Essid a suscité moult réactions entre approbation et refus de la part de plusieurs partis. La Presse a recueilli les réactions de deux représentants de partis, Ajmi Lourimi d'Ennahdha et Zied Lakhdhar du Front populaire. Ajmi Lourimi : «Un gouvernement encore fragile en quête d'équilibre» Le nouveau gouvernement Essid n'est pas un gouvernement de quotas-partisans ni de représentation proportionnelle, ni de participation symbolique. Plusieurs partis y sont représentés, certes chacun de ces partis aspire à plus de représentation et plus de portefeuilles, mais être représenté à l'ARP avec 70 élus ce n'est pas comme l'être avec 10 ou 15 élus, néanmoins, je dirai que la logique du consensus a triomphé au sein de ces partis. Ce nouveau gouvernement, contrairement à la première formation qui se caractérisait par l'exclusion et la précipitation, a oublié que la vie politique a évolué. A preuve, la cohabitation qui a prévalu au sein de l'ARP. Bref, pour cette fois-ci, on est tombé, quelque peu, dans le replâtrage, car le gouvernement est encore fragile, ce n'est pas, pour nous, une question de nombre de portefeuilles, mais de mentalité et de logique de travail. Car il est regrettable que certaines personnes fassent encore preuve de radicalisme et d'approche partisane étroite. Nous sommes encore au début du chemin. Or, il faut avancer afin de dépasser le provisoire pour que le gouvernement puisse appliquer son programme ainsi que les réformes nécessaires. La première formation du gouvernement Essid ne reflétait ni l'esprit de la révolution ni le résultat des élections législatives. Or, au sein d'Ennahdha, il ne s'agit pas d'une question de personnes, mais de conditions objectives de respect de l'esprit de la révolution et de l'union nationale afin que le gouvernement puisse œuvrer, en toute sérénité, pour l'application des réformes qui urgent. Cela d'autant que les dirigeants de Nida Tounès, lors des élections législatives et même présidentielle, ont, bel et bien, déclaré que le pays ne peut être gouverné par un seul parti et ont prôné l'union nationale. Ennahdha, de son côté, a toujours prêché le consensus, maintenant on retourne à la logique de la participation. Concernant le vote de confiance, les dirigeants d'Ennahdha ne se sont pas encore réunis, mais selon les indices et messages envoyés, nous prendrons position. Car il faut que chaque parti parle d'une seule voix, mais non de manière dispersée. Les divisions au sein des partis nous ont donné la première formation gouvernementale car le rapprochement et les concessions ne doivent pas se faire d'un seul côté. Maintenant, il est clair que ce nouveau gouvernement reflète un pas positif. Quant à sa composition, chaque parti veut plus de postes ministériels et davantage de représentativité, nous savons qu'il ne s'agit pas de représentativité proportionnelle dans ce gouvernement, mais il faut qu'existe un minimum d'équilibre. Or, cet équilibre existe-t-il ? A mon avis, il faut bien qu'il existe cet équilibre. En tout cas, on verra bien dans la réunion prévue au sein d'Ennahdha. Zied Lakhdhar : «Une alliance douteuse de Nida Tounès avec Ennahdha» Le nouveau gouvernement Habib Essid se situe en dehors des orientations générales que le Front populaire considère comme fondamentales. Le gouvernement ne devrait pas comprendre d'anciennes figures qui suscitent les craintes d'une partie des citoyens ainsi que des figures porteuses d'échec qui composaient la Troïka et qu'une autre partie des citoyens réprouvent. Il s'agit, dans ce gouvernement, de coalition douteuse car les partis qui y sont représentés n'ont pas les mêmes orientations idéologiques ni le même modèle de société, ni les mêmes projets. Rappelez-vous, lors des élections législatives, Nida Tounès affirmait clairement que son projet social est à l'opposé de celui d'Ennahdha. Il a même crié tout haut qu'il ne s'alliera pas à Ennahdha, mais voilà qu'aujourd'hui cette alliance est incarnée par l'existence de l'une des figures qui défend Ennahdha, en l'occurrence Zied Laâdhari. Certes cela donne une majorité parlementaire au gouvernement Essid, mais les conséquences sur la situation du pays ne seront pas positives. Vous aurez remarqué que dans le partage des ministères, là où il n'y a pas un représentant de Nida Tounès, il y a un représentant d'Ennahdha ou d'une formation politique proche de ce parti, comme si on voulait bien se garder d'ouvrir certains dossiers pas très catholiques de la Troïka dans les domaines de l'agriculture, de l'équipement, de l'industrie, de la santé et des domaines de l'Etat. Pour cela, chaque ministre de Nida Tounès a été flanqué d'un secrétaire d'Etat d'Ennahdha ou proche de ce parti, tels la santé, l'agriculture, etc. Ma plus grande crainte est de voir certains dossiers clos à jamais et les Tunisiens ne rien savoir de la vérité sur tous ces dossiers du temps de la Troïka. Nous avons pris connaissance du programme du gouvernement Essid, il ne contient aucun engagement clair quant au gel des prix afin de sauvegarder le pouvoir d'achat des Tunisiens et à la préservation de la Caisse de compensation. Ce qui montre les prochaines orientations impopulaires du gouvernement Essid. Nous ne défendrons pas ce gouvernement et sa composition, mais concernant le vote de confiance, nous avons deux choix, soit de s'abstenir, ce qui est le minimum requis, soit carrément lui opposer un refus clair, net et précis.