Corps enseignant et société civile sont en conclave, depuis hier, au siège de la Bibliothèque nationale à Tunis, pour se pencher, trois jours durant, sur le devenir de l'école tunisienne qui se trouve, aujourd'hui, à la croisée des chemins. Cette conférence, la deuxième, tenue à l'initiative du Réseau d'éducation, de formation et de recherche scientifique (Refors), qui s'intitule «Vers une réforme globale du système éducatif : la constitution comme référence», s'inscrit dans un nouveau projet sociétal engageant tous les intervenants du secteur. Un avant-goût d'un grand chantier qui n'a même pas commencé. Le débat d'hier n'a pas, pour autant, vu la participation de l'actuel ministre de tutelle, M. Neji Jalloul, avec qui le bras de fer syndical se durcit de plus en plus, faute d'un compromis bilatéral sur des revendications «corporatistes» pures et simples. De l'autre côté, le ministère concerné semble jouer les prolongations. Cela est de nature à envenimer encore la situation, quitte à faire de l'élève le bouc émissaire. Et là, le coordinateur du réseau organisateur de l'événement, M. Samir Ben Jomaâ, n'a pas caché ses craintes de voir les choses tourner mal dans les jours à venir, soit après les vacances de printemps. D'après lui, un escalade serait inévitable. Impliquer l'élève et l'étudiant L'élève, la finalité et l'axe majeur de toute l'opération éducative, demeure, en fait, le dernier souci des politiques. L'ex-ministre de l'Education dans le gouvernement Jomaâ, M. Fethi Jarray, n'a pas, lui aussi, répondu à l'invitation du Refors. C'est que l'absence souvent remarquée de la partie officielle dans pareils débats explique bel et bien les raisons d'une telle crise de gestion de ce dossier, dans ses trois cycles d'enseignement, primaire, de base et secondaire. De sorte que l'enfant, première victime, risque de perdre toute confiance dans un système éducatif qui peine à retrouver ses repères. Son image est donc à revisiter à l'aune des enjeux qu'il faut gagner, afin de redorer le blason de l'école. Le philosophe Abou Yaârab Al Marzouki voudrait, ainsi, repenser la manière de réformer, de façon à ce que l'homme-citoyen soit le moyen et la finalité de toute œuvre de formation et de perfectionnement. Cela veut dire, selon ses termes, que «l'élève doit participer à l'organisation de l'école, à sa propreté, à sa gestion et que l'étudiant à l'université doit travailler pour payer ses études...». Sa vision de la réforme éducative n'est pas celle des enseignants qui devaient, normalement, tenir compte des programmes et méthodes à adopter. Certains le pensent autrement, en référence au côté lucratif des choses. Pour d'autres, il s'agit d'obtenir le beurre et l'argent du beurre. Révolution de l'école M. Saïd Ghrab, universitaire, a focalisé ses propositions au sujet de la réforme du système éducatif sur une donnée nécessaire consistant à reconsidérer l'éducation en tant qu'industrie à part entière. Un domaine d'activités qui doit être régi en termes de production et de rentabilité, exigeant, sans conteste, qualité de formation et motivation de l'enseignement. Loin de l'esprit matérialiste qui ne cherche que ses propres intérêts. Et les cours particuliers en sont, en fait, l'illustration la plus expressive. L'intervention de son collègue le Pr Mohamed Berrached a placé la question de la réforme entre l'héritage du passé et la réalité des attentes. Entre l'école d'hier et celle d'aujourd'hui. C'est que le système post-indépendance n'est plus en mesure de relever les défis de l'étape actuelle. Et les statistiques sont là pour faire un constat d'échec : taux d'absentéisme élevé, nombre d'écoles en baisse, 8 mille cas de violence en milieu scolaire, 110 mille cas d'abandon scolaire par an et quelque 680 mille journées de travail perdues. Un état des lieux qui laisse à désirer, d'autant plus que l'école n'est plus un vivier de compétences correspondant à la nouvelle configuration du marché de l'emploi. Soit plus de 26 % des demandeurs d'emploi sont des diplômés. Et pour cause. L'orateur a plaidé pour un plan de réforme qui prend en considération des facteurs de mutation socio-politico économique. Soit une réforme révolutionnaire qui compose avec les exigences de l'heure, afin de voir instaurer une école ouverte à son environnement.