Accompagnement des immigrés pour la réalisation de projets qui leur permettent de vivre décemment et dignement Partis en quête d'un travail en Italie, plusieurs immigrés réguliers ou clandestins n'ont pas réussi à trouver de boulot à cause de la crise économique qui sévit un peu partout dans le monde. Leur quotidien est devenu un véritable calvaire. Ils logent dans des lieux abandonnés et insalubres et se sustentent grâce aux associations caritatives. Une ONG italienne, Cefa (organisation non-gouvernementale à but non lucratif), créée à Bologne avec les coopératives agricoles, les aide à regagner leur pays d'origine en leur procurant des aides et les accompagne pour réaliser un projet qui leur permet de vivre décemment et dignement. Le Cefa est présent dans différents pays du monde : en Amérique latine, au Maghreb (Tunisie et Maroc) et en Afrique subsaharienne (Tanzanie et Kenya). En Tunisie, son siège a été ouvert en 2012 suite à la nouvelle législation concernant les associations et, depuis, l'ONG a commencé à travailler sur le développement en général. Plusieurs projets ont été réalisés, dont un sur l'insertion des migrants, des projets concernant les droits des femmes dans la région du Kef, un projet de l'Union européenne qui a commencé fin 2014 dans la région de Jendouba sur la création d'emplois et un autre sur l'agriculture dans la région de Zaghouan. Des personnes en difficulté L'ONG agit sur deux points spécifiques. «Le projet Ermes, qui a eu lieu à Tunis est le deuxième projet sur l'insertion des migrants. Le premier concernait le projet Remida (2013/2014). Ce projet est financé par le Fonds européen de rapatriement avec le ministère de l'Intérieur italien qui s'occupe de gérer ces fonds. Il y a des appels à propositions qui se déroulent chaque année. Les associations et ONG italiennes intéressées répondent à ces appels à propositions et ceux qui remportent la candidature comme c'est le cas du Cefa qui a décidé de se présenter en tant qu'acteur dans le cadre du projet de réinsertion», explique Michela Zaghi, chargée du projet. Le projet d'insertion des migrants comprend deux volets : un volet qui se déroule en Italie et un autre en Tunisie. «En Italie on travaille avec trois régions. Les opérateurs locaux essaient de se mettre en contact avec les migrants tunisiens et marocains ou albanais qui sont sur le territoire italien et qui souhaitent retourner volontairement au pays d'origine. La plupart du temps, il s'agit de personnes vulnérables, c'est-à-dire des personnes ayant demandé la protection internationale et qui sont sous le coup d'une expulsion mais qui choisissent la voie du rapatriement volontaire grâce à une directive de l'UE de 2008 et les personnes malades avec un état de santé particulièrement difficile ou tout simplement des personnes en difficulté depuis des années à cause de la crise économique», indique la chargée du projet. A la différence du projet Remida qui prévoyait parmi les candidats seulement les personnes qui ont un permis de séjour avec la condition de le laisser en Italie lors du départ, le projet Ermes prévoit en tant que bénéficiaires les personnes qui sont en Italie même clandestinement et n'ont jamais eu un permis de séjour ou bien alors n'ont plus de permis de séjour parce qu'elles ne répondent pas aux conditions exigées ou pour demander un renouvellement du permis de séjour. Une majorité de clandestins «Pour ce qui est des bénéficiaires arrivés en Tunisie, la plupart sont des clandestins depuis des années à cause de la crise économique et vivaient dans des conditions pénibles. La plupart habitaient dans des maisons occupées et ne pouvaient survivre que grâce au service de la carita (Association caritative) qui leur donne de la nourriture et les aide un peu, mais leur situation était pénible. Ils n'avaient pas de quoi acheter un billet d'avion pour le retour. Ils étaient coincés en Italie», raconte Michela Zaghi. Les opérateurs italiens s'adressent à la carita. Ils visitent souvent les maisons occupées par les migrants pour les informer de l'existence du projet et leur assurer qu'ils peuvent rentrer en toute sécurité. Les opérateurs les aident dans la préparation de leur voyage. « On a eu le cas d'une bénéficiaire qui ne disposait pas de document pour voyager », renchérit l'interlocutrice, ajoutant que les opérateurs l'ont accompagnée au consulat pour faire toutes les démarches lui permettant d'obtenir son passeport. De plus, les personnes désireuses de retourner dans leur pays doivent présenter une candidature et répondre à certains critères liés au projet. Celui-ci a pour but la réinsertion économique et sociale de la personne. « On prévoit qu'à leur retour elles commencent une activité économique. On essaie de faire un bilan de compétence, puis, depuis l'Italie, elles sont appelées à faire un business plan en pensant à une activité à réaliser à leur retour en contact avec nos services en Tunisie parce qu'il s'agit de personnes qui ne sont pas revenues depuis longtemps en Tunisie et qui ont une idée un peu vague du pays », affirme-t-elle. La plupart d'entre eux avaient du travail en Tunisie avant leur départ en Italie. Leur migration est motivée par l'amélioration de leurs conditions de vie, surtout en ce qui concerne les pères de famille. «La moitié des bénéficiaires sont des pères de famille qui veulent assurer un meilleur avenir à leurs enfants. La majorité est partie avant 2011. Ceux qui sont partis après la révolution sont surtout des jeunes qui sont les enfants des ressortissants dont les parents habitent en Italie. Ils sont partis avec plus de sécurité et en toute légalité. Mais avec la crise économique qui a frappé tout le monde et les conditions défavorables, ils ont préféré rentrer parce qu'une partie de ces personnes avaient réussi à trouver du travail, mais c'était un travail informel qui ne leur permettait même pas d'obtenir un permis de séjour », signale la chargée du projet. Une dizaine de bénéficiaires Dix bénéficiaires, dont une femme avec deux enfants à charge, sur à peu près 12 mille migrants, bénéficient de ce programme. Le projet prévoit 80 personnes, des Marocains pour la plupart. « On a eu plus de 50 retours de Marocains représentant la communauté la plus nombreuse en Italie. On a remarqué que pas mal de Tunisiens avaient un peu peur de rentrer, vu les conditions de vie difficiles en Tunisie et puis pour un immigré rentrer de la sorte représente une ‘‘honte'' pour la famille. On les encourage à recommencer en Tunisie. Ils trouvent certes des difficultés, c'est pour cela que nous assurons un suivi. On les accompagne depuis leur arrivée d'Italie pour les encadrer, trouver des fournisseurs, entreprendre une activité économique et ce, jusqu'à la fin du projet en juin 2015. On assure le suivi parce qu'on a remarqué qu'il y a des phases compliquées que le bénéficiaire traverse lorsqu'il rentre au pays. Il y a un peu de désarroi au début, surtout pour ceux qui sont restés en Italie quelque temps parce qu'ils trouvent qu'en Tunisie beaucoup de choses ont changé et ne reconnaissent plus le pays. On a eu une bénéficiaire qui est partie il y a 8 ans et n'est pas revenue depuis en Tunisie, elle est complètement désorientée», poursuit-elle. Sur les 10 personnes, il y a 2 femmes. Après une semaine, à compter de la date du retour, l'ONG prend contact avec les bénéficiaires et discute avec eux du business plan et du formulaire de candidature qu'ils ont rempli en Italie. Il arrive que les bénéficiaires, une fois rentrés, changent d'avis par rapport à leur activité, alors le chargé de projet essaie de les orienter en fonction de leur domaine de compétence. Une fois qu'ils décident de l'activité, l'accompagnement se met en place pour l'achat du matériel. Les bénéficiaires disposent d'un budget de 2.000 euros (4.300 dinars tunisiens). Le suivi économique commence dès le début de l'activité. Une fois par mois, le responsable du projet effectue le cash flow qui permet au bénéficiaire de calculer les charges : dépenses, gains, etc. «C'est un moyen très utile parce que la plupart n'ont jamais pris note de leurs dépenses. Donc, au bout d'un mois, ils arrivent à mieux gérer leur commerce», note Michela Zaghi. Un accompagnement indispensable Le résultat, c'est qu'ils arrivent tous à vivre de leur nouvelle activité. «Il y a ceux qui ont un peu plus de revenus, d'autres moins, mais tous arrivent à gagner leur vie », dit-elle. Parmi les bénéficiaires, il y a des maçons, des éleveurs ayant acheté des brebis, des fripiers, une gérante de boutique de vêtements neufs, vente et achat de meubles. Les bénéficiaires sont répartis dans 7 gouvernorats : Tunis, La Manouba, Nabeul, Siliana, Mahdia, Kairouan et Bizerte. «C'est indispensable de les accompagner dans leur réinsertion sociale; au début, ils rencontrent des difficultés parfois, ils ne connaissent même pas les procédures de base pour leur activité, comme par exemple la sécurité sociale, le carnet de soins, pour qu'ils puissent à la fin du projet avoir tout en règle et continuer leur activité» ajoute-t-elle. A la fin du premier projet Remida, au Maroc, un documentaire a été produit sur les bénéficiaires du projet, dans le but de montrer ce qu'ils ont réalisé. Quant au projet Ermes, «il nous a été demandé de réaliser un documentaire avec l'accord des bénéficiaires, dans lequel ils raconteraient leur expérience avec toutes les difficultés qu'ils ont rencontrées, et ce, afin d'inciter d'autres à retourner au pays, notamment ceux qui sont dans des situations pénibles. Il y aura par la suite d'autres appels à propositions, on pense nous présenter de nouveau en tant que Cefa», conclut la chargée du projet.