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Pierre Chaulet, militant et nationaliste algérien
Publié dans Leaders le 10 - 03 - 2013

C'est en 1963 à l'hôpital Mustapha d'Alger, où je venais de prendre la direction du service d'urologie, que j'ai lié connaissance avec Pierre Chaulet qui rentrait de Tunis après un séjour de six ans. Nous avions pris l'habitude de nous rencontrer pour décider du traitement de certains patients.
Natif d'Algérie, Pierre Chaulet vivait mal l'inégalité entre colonisateurs chrétiens et colonisés musulmans. Traduite dans les textes et dans la vie quotidienne par une oppression raciale, culturelle et politique avec ses effets d'aliénation de l'identité algérienne, Pierre Chaulet l'a combattue tout au long de sa vie. Déjà en 1952, alors jeune étudiant en médecine, il contribue à la création de l'Association de la jeunesse algérienne pour l'action sociale et devient membre, deux ans plus tard, de la revue Consciences maghrébines que dirige André Mandouze, professeur à l'université d'Alger, et dont le but est de rapprocher les communautés chrétienne et musulmane.
C'est la déclaration du 1er novembre 1954 proclamant l'égalité des droits et des devoirs de tous les citoyens qui constituera un tournant dans sa vie et le conduira à militer pour la libération du peuple algérien. Militant aux côtés et au même titre que Mohamed Harbi, Frantz Fanon, Alice Cherki, Abane Ramdane et Rédha Malek, ses compagnons de lutte, il n'allait pas tarder à devenir un résistant notoire. Pierre s'est toujours considéré comme un Algérien, un Algérien à part entière, dira-t-il après avoir obtenu en 1963 la nationalité algérienne. A la différence d'Albert Camus et de nombreux Européens d'Algérie, il n'a pas choisi le parti de sa «mère» mais celui de la justice, l'Algérie. En 1954, Pierre Chaulet fait la connaissance de Claudine Guillot, militante de gauche venue à Alger pour rencontrer des nationalistes algériens, dénoncer les privilèges des colonisateurs et prôner l'indépendance de l'Algérie. Il l'épouse en septembre1955. C´est le début d´une longue histoire d´amour avec l'Algérie. Leur maison, à Alger, devient alors le refuge des dirigeants du FLN dont Abane Ramdane, Larbi Ben M´hidi, Benyoucef Benkhedda et Krim Belgacem. C'est Claudine qui organisera la fuite de Abane Ramdane d'Alger en février 1957, au volant de sa 2 chevaux. Ils ont traversé la ville qui était quadrillée par les parachutistes, déjouant la vigilance des barrières. Ridha Malek écrira plus tard : «Abane Ramdane a eu la vie sauve grâce aux Chaulet».
Pierre Chaulet est alors arrêté puis expulsé en France. Il réussira à quitter la France pour rejoindre le FLN en Tunisie. En tant que médecin, il intègre rapidement la Santé publique en devenant attaché au service de pneumologie de l'hôpital de la Rabta. Il y reçoit les malades tunisiens et algériens et regroupe les patients algériens atteints de tuberculose dans un centre de santé, leur rendant régulièrement visite souvent accompagné de Tedjini Haddam, Hacène Abdelouahab, Mohamed Oucharef, Frantz Fanon et Michel Martini. Il sera bientôt nommé assistant et chef de service. Dès son arrivée à Tunis, Abane Ramdane l'affecte à la rédaction d'El Moujahid, Pierre en fait aussitôt par ses publications quotidiennes la voix de l'insurrection algérienne et le reflet des activités de l'Armée de libération nationale. Pierre Chaulet vit mal la mort d'Abane Ramdane «l'architecte de la révolution», son ami qui avait opté pour le pluralisme politique et linguistique en Algérie. Aussi décide-t-il de se tenir à l'écart des responsables gouvernementaux divisés, ceux pour une république repliée arabo-islamique et ceux pour une république ouverte et plurielle. En 1959 il est chargé par M'hamed Yazid, le ministre de l'Information du gouvernement provisoire de la République Algérienne, d'ouvrir un centre de documentation qui lui permettra de faire connaître à la presse internationale les actions de l'ALN. En 1960, il réalise un film dressant l'identité et les activités du mouvement révolutionnaire pour la cession annuelle des Nations unies.

En 1961, l'Algérie Presse Service est créée à son initiative et son bulletin d'édition sera le porte-drapeau de la révolution algérienne sur la scène médiatique mondiale. Les documents produits par l'Agence assureront pour une grande part la mémoire de l'insurrection algérienne. L'Algérie devenue indépendante, Claudine se rend au Kef pour organiser le rapatriement des réfugiés algériens tandis que Pierre reste à Tunis pour assurer la parution d'El Moujahid. Ils traverseront un peu plus tard l'Algérie pour rentrer chez eux.

C'est l'hôpital Mustapha qu'il retrouve avec bonheur. Nos relations datent de cette époque. Je garde de lui le souvenir d'un homme affable, au visage rond et souriant et au parler mesuré. Il me confiait volontiers ceux de ses patients qui relevaient de ma spécialité. Son leitmotiv était la tuberculose qu'il a contribué à éradiquer en Algérie en généralisant la vaccination par le BCG à tous les nouveau-nés, aux enfants en âge de scolarité et en réduisant à trois mois la durée du traitement chimique.Ses collaborateurs, notamment Djilali Larbaoui, pneumologue réputé, ainsi que ses étudiants qu'il a formés à la lutte contre cette maladie, l'ont aidé à cette tâche qu'il a menée dans le cadre du programme national de lutte contre la tuberculose en sa qualité de vice-président. Rien d'étonnant qu'il ait intégré rapidement comme membre puis comme secrétaire le Comité algérien de lutte contre la tuberculose. Ardent défenseur pour un accès équitable aux soins il a participé avec quelques médecins au renouveau de l'hôpital Mustapha et au renouveau médical d'Alger. Son expertise reconnue lui a valu d'être sollicité par l'organisation mondiale de la santé (OMS) en qualité de consultant. Durant la décennie noire des années 90, menacé de mort par les islamistes, il reprend le chemin de l'exil pour quatre ans en Suisse. Il continue à publier sur Al Moujahed et à se battre contre l'apartheid que les islamistes veulent ériger en Algérie.
A maintes reprises il a dénoncé les tenants d'une Algérie étriquée et monothéiste qui «n'admettaient ni les chrétiens, ni les juifs issus de la puissance coloniale ayant adopté la citoyenneté algérienne et les désignaient volontiers par le terme «d'amis de l'Algérie».
Pierre Chaulet, en réclamant l'égalité des droits et des devoirs de tous les citoyens dans une Algérie ouverte et plurielle, n'a pas manqué de rappeler que l'Algérie a été le premier pays à avoir offert cette option. C'est un bonheur qu'il nous ait légué le livre d'une vie partagée avec Claudine.: Le choix de l'Algérie : deux voix, une mémoire où il exprime sa fierté d'être Algérien, comme d'autres Algériens dont les origines étaient turques, andalouses, romaines ou arabes.

«Il laisse l'espoir d'une Algérie ouverte au monde, plus tolérante, accessible à celui qui n'est pas musulman », a déclaré Mohamed Harbi en saluant un homme animé d'un sentiment d'égalité et surtout d'une volonté d'enracinement dans un pays qui était essentiellement musulman, lui qui était chrétien.
S.Z.
Hommage prononcé à l'Hôtel de Ville de Paris,
le 16 février 2013, à l'occasion du Maghreb des Livres


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