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Révélations: Remaniement, mouvements sociaux, crise de Nidaa... Youssef Chahed à la manœuvre
Publié dans Leaders le 04 - 07 - 2018

Le remaniement est quasiment ficelé, à quelques ajustements de dernière minute près. Qu'attend alors Youssef Chahed pour y procéder ? S'assurer, sans doute, de la garantie de son approbation par l'Assemblée des représentants du peuple. En ces temps de tiraillements et de controverse, le vote majoritaire indispensable n'est pas gagné d'avance. Jusqu'à tard dans la soirée, le chef du gouvernement reçoit, consulte, tente de rallier les voix qui lui sont précieuses. Dans son bureau à la Kasbah défilent députés, médiateurs et transfuges. Le jour, il s'emploie tôt le matin à multiplier les sorties sur le terrain, ouvrir des séminaires et suivre le taux d'avancement des projets, l'occasion pour lui de rencontrer le plus de monde possible de divers horizons et de délivrer ses messages.
Depuis deux mois et demi au moins, Youssef Chahed s'est trouvé sur la sellette. Son propre parti, Nidaa Tounès, réclame ouvertement son départ, appuyé en cela par l'Ugtt, irréductible, et d'autres formations. Le deuxième round de l'Accord de Carthage, initié par le président Béji Caïd Essebsi pour désamorcer les tensions et resserrer l'attelage, a entériné 63 propositions d'actions correctives urgentes à entreprendre en vue de «recentrer l'action du gouvernement». Il a buté sur le 64e point relatif au maintien ou au départ de Chahed. Faute de consensus, le clivage ainsi suscité a ajouté à la crise politique une totale confusion. Dans un jeu très subtil, Ennahdha s'est rallié à Chahed au nom de « la stabilité». La débâcle de Nidaa aux municipales est tombée comme une lourde sanction qui ne fait qu'attiser les accusations échangées au sein du parti et de ce qu'il en reste, chacun cherchant à faire porter le chapeau à l'autre. «L'échec du gouvernement nous affaiblit et nous condamne aux yeux des électeurs», assènent les dirigeants de Nidaa. Son directeur exécutif, Hafedh Caïd Essebsi, pointe directement du doigt Youssef Chahed et exige son départ.
La confrontation devient directe, violente
«L'implosion de Nidaa a torpillé dès le début du mandat en 2015, mais encore plus ces derniers mois, la marche du gouvernement, le privant de la ceinture politique devant le blinder, rétorque-t-on à la Kasbah. Où est partie la liesse populaire suscitée par le mouvement fondateur et fédérateur de Béji Caïd Essebsi ? Où est notre leadership qui nous a hissés au pouvoir ? Qu'avons-nous fait des valeurs fondatrices ? Nous traînons à 7 points d'écart derrière Ennahdha.» La confrontation devient directe, violente.
«Il y a péril en la demeure, la démocratie naissante en Tunisie est gravement menacée, dénoncent des proches de Chahed. Nidaa devait constituer un pilier central dans l'équilibre du paysage politique et cimenter l'entente au sein de l'alliance au pouvoir. Le compromis historique est compromis», dénoncent-ils.
Longtemps muré dans le silence, Youssef Chahed se décide fin mai à sortir de ses gonds. Il cognera dur, par deux fois, successivement. Prenant les Tunisiens à témoin, il lancera une vive attaque directe à Hafedh Caïd Essebsi, qu'il cite nommément dans une adresse télévisée le mercredi 30 mai au soir sur la chaîne publique et le désignera comme source du désastre du parti et d'atteinte à la sérénité du paysage politique. En uppercut, les propos sont durs, surprenants. «C'est de la légitime défense, tente de justifier l'entourage de Chahed. Attaqué, il a riposté !»
Avait-il prévenu le président Caïd Essebsi qui se trouvait alors à Paris où il participait à la conférence organisée par le président Emmanuel Macron pour une sortie de crise en Libye ? Oui, affirme un proche de Chahed, sans vouloir fournir plus de précisions. Lui avait-il révélé la teneur de ses propos et l'attaque frontale qu'il allait publiquement asséner à son adversaire ? Silence. Sans doute pas, selon d'autres sources. Stoïquement, BCE devait assister à ce spectacle bien navrant.
Limogeage et faux complot
Une semaine après, jour pour jour, le mercredi 6 juin, c'est un autre coup de tonnerre que fera barder le chef du gouvernement. Peu après midi, un communiqué de la Kasbah annonce le limogeage du ministre de l'Intérieur, Lotfi Brahem, célébré par ses affidés sur les réseaux sociaux en «cœur de lion». Alors qu'un remaniement se mijotait et pouvait concerner le titulaire de l'Intérieur, Chahed a tenu à se séparer immédiatement de son ministre dans un coup spectaculaire. Arguant du drame des migrants au large de Kerkennah et dénonçant des défaillances sécuritaires qu'il avait lui-même constatées en se rendant sur l'île, Chahed cherchait en fait à sanctionner le premier responsable et reprendre sous son autorité directe ce département qu'il craignait de voir lui échapper.
Pourquoi un limogeage hors d'un remaniement alors que ça pouvait attendre quelques jours, après l'Aïd ? Et de cette manière jugée brutale ? «Il y a un grand drame et une grande urgence sécuritaire, rétorque-t-on à la Kasbah. Il fallait agir de suite et donner un signal fort.»
Là aussi, les interrogations sont nombreuses. Chahed, qui avait multiplié ses visites au palais, en avait-il conféré avec le président Caïd Essebsi ? Sans doute. Mais était-ce pour recueillir son avis ou simplement l'en informer ? «Il l'a tenu au courant de sa décision. Le président ne s'y est pas opposé, très respectueux qu'il est de la Constitution», indique à Leaders une source à la Kasbah. Décryptage: on n'est pas dans des rapports mentor-protégé, président-Premier ministre, mais dans les attributions respectives, chacun dans ses fonctions et son statut.
Appelé à la rescousse en dernière minute, le ministre de la Justice, Ghazi Jeribi, qui devait être, malgré sa droiture et sa compétence, probablement concerné par le remaniement en préparation, est chargé d'assurer l'intérim à l'Intérieur. Les réserves qu'il avait émises quant à un éventuel conflit d'intérêts en tant que chef du parquet et d'autant plus qu'il assure la tutelle des services pénitentiaires, ont été balayées. Immédiatement, il devait monter au charbon, en fidèle serviteur de l'Etat, conscient de la sensibilité de la situation.
Tunis bruissait alors de rumeurs. Un journaliste français, Nicolas Beau, fondateur du site électronique Mondiafrique, lancera un pavé dans la mare, révélant un complot en préparation et en accusait Lotfi Brahem et des accointances dans des pays du Golfe. Ce sera du pain bénit pour la chaîne qatarie Al Jazeera, voix du clan adverse dans le Golfe, friande de ce genre d'allégations. La nouvelle sortira les Tunisiens de la torpeur des derniers jours du Ramadan et se propagera dans le monde, incitant des touristes étrangers à annuler leurs réservations en Tunisie. Le gouvernement ne bronchera pas, et mettra quelques jours pour démentir, sans intenter aucun procès aux auteurs des rumeurs ravageuses. Mais, le mal est fait. «L'honneur de Lotfi Brahem est lâché aux chiens de la meute, et l'image de la Tunisie éclaboussée», comme s'en indignera le ministre de la Défense Abdelkrim Zbidi en plein Conseil des ministres.
Vaste mouvement à des postes-clés et fortes tensions
L'atmosphère est lourde. A peine installé avenue Bourguiba, siège du ministère de l'Intérieur, Ghazi Jeribi procédera au plus vaste mouvement dans des postes-clés des forces de sécurité, notamment la Garde nationale, le corps d'origine de Brahem. «Près de 300 postes étaient vacants, certains même depuis des années, expliquera Jeribi, vivement critiqué pour sa précipitation. A 95%, les nouvelles nominations ont été décidées sur proposition des chefs hiérarchiques, après examen attentif. J'ai exercé mon propre choix pour les 5% restants.» Sans en référer au chef du gouvernement? «Oui ! Cela relève des attributions du ministre», déclarera-t-il.
A la veille de l'Aïd, des rumeurs de nouvelles charrettes qui se préparent, surtout au sein de la Garde nationale, ameutent les rangs. Des remous internes et des inquiétudes sont perceptibles, sans cependant la moindre contestation, en dehors de quelques pétitions. Avec le long weekend de l'Aïd, des dispositions sécuritaires avaient été prises et tout est rentré dans l'ordre.
Le virus du pouvoir
Youssef Chahed n'est pas pour autant au bout de ses peines. Il doit trouver une issue pour sortir de la nasse où il risque de se faire prendre. L'Ugtt, d'un côté, Nidaa, de l'autre, outre nombre d'organisations et familles politiques. Nessma fait monter la pression. La classe politique est profondément divisée. Les Tunisiens, désenchantés, sont en rupture, dans le mépris du politique. La crise économique, embrasée par l'envol du prix du baril de pétrole et la chute du dinar, fait flamber les prix et érode le pouvoir d'achat.
Comment Youssef Chahed pourra-t-il s'en sortir, former un nouveau gouvernement et le faire avaliser au Bardo ? Ses détracteurs l'appellent à partir immédiatement. Ils l'accusent d'avoir cédé à l'ivresse du pouvoir, de se cramponner au poste, de verser dans le populisme et de s'engager dès à présent dans la campagne électorale de 2019. Ils vont jusqu'à lui attribuer l'intention de vouloir créer son propre parti politique à la rentrée. Ses proches, visiblement secoués par l'ampleur des attaques, font l'effort de garder leur sérénité et d'afficher leur assurance. «Il n'a pas la tête à ça, s'efforcent-ils de convaincre leurs interlocuteurs. Son souci majeur, c'est d'accélérer la relance économique, de redresser les finances publiques, de réussir la saison touristique et de faire adopter les projets de loi essentiels par l'ARP. S'il était mû par des ambitions personnelles, il n'aurait pas édicté des mesures douloureuses et ne se serait pas attaqué aux barons de la contrebande et de la malversation.» Il leur en faut beaucoup plus pour se faire croire par les Tunisiens
Le plan B de Chahed
Youssef Chahed est loin de se trouver dans une zone de confort. Il doit renouer les fils tendus avec l'Ugtt, mission quasi impossible, même si en politique rien n'est définitif. Au niveau gouvernemental, il se concentre sur la formation d'une équipe resserrée comptant de grandes compétences qui lui garantira l'investiture de l'Assemblée et qu'il mettra intensivement au travail de rattrapage et de relance. Quant à Nidaa, son plan A en hypothèse optimiste consiste à voir le parti organiser d'ici le début de l'automne son congrès électif et faire émerger une nouvelle direction issue d'un large consensus. Le parti pourra alors retrouver son leadership et aborder les scrutins de 2019 avec de réelles chances. Qu'en est-il de son plan B ? Le sait-il lui-même ?
Taoufik Habaieb
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