Russie – Alerte rouge au volcan Klioutchevskoï : l'activité éruptive s'intensifie    Le mois dernier, troisième mois de juillet le plus chaud de l'histoire    Le CMF valide une OPA simplifiée sur Sits    Disparition d'un plongeur à El Haouaria : Khitem Naceur témoigne    Sidi Bouzid : 402 infractions économiques en un mois !    Soleil et températures en hausse pour ce jeudi !    30ème anniversaire du Prix national Zoubeida Bchir : le CREDIF honore les femmes créatrices    Ahmed Jaouadi décoré par le président Kaïs Saïed après son doublé d'or à Singapour    Kaïs Saïed fustige les "traîtres" et promet justice pour le peuple    Le ministère de l'Intérieur engage des poursuites contre des pages accusées de discréditer l'insitution sécuritaire    Tunisie 2025 : Reprise touristique record avec 5,2 millions de visiteurs    Donald Trump impose des droits de douane supplémentaires de 25% sur les importations de l'Inde    Macron dégaine contre Alger : visas, diplomatie, expulsions    Sept disparus à la suite d'un glissement de terrain dans le sud de la Chine    Report de la grève de la Transtu et de la SNTRI    Football-compétitions africaines des clubs 2025/2026: le tirage au sort prévu le samedi prochain en Tanzanie    La Galerie Alain Nadaud abrite l'exposition "Tunisie Vietnam"    La justice relance les poursuites contre l'association Mnemty et Saadia Mosbah    Absence de Noureddine Taboubi : qui assure la direction de l'UGTT ?    Hammamet interdit Quads, Motos et animaux sur ses plages    Quand le monde échappe aux cartes : pour une géopolitique de la complexité    Alerte en Tunisie : Gafsa en tête des coupures d'eau    Inclusion financière de la femme : l'Etat préfère donner la parole aux hommes    Accusations de harcèlement à Sousse : la version de la Chambre nautique fait trembler l'affaire    Succession dans le camp MAGA : Trump adoube JD Vance pour 2028    Tech Day Kia PV5 : la technologie au service d'une mobilité sans limites    Donneurs par défaut, refus familial, loi de 1991 : les paradoxes du système tunisien de greffe    10ème édition du Festival Maraya El Founoun : un anniversaire sous le signe de l'art et de l'échange    « Koum Tara » à la 59eme édition du Festival International de Hammamet    Décès : Nedra LABASSI    A l'occasion du Mondial féminin : une délégation tunisienne au Royaume-Uni pour la promotion du rugby féminin    Tawasol Group Holding annonce un exercice 2023 dans le rouge    À la recherche d'un emploi ? L'ANETI est désormais entièrement en ligne    Snit et Sprols: vente par facilités et location-vente    Moins d'inflation, mais des prix toujours en hausse !    Création d'un consulat général de Tunisie à Benghazi    Météo : des températures jusqu'à 37 °C dans le sud !    Kaïs Saïed, Ahmed Jaouadi, mosquée Zitouna…Les 5 infos de la journée    Vague d'indignation après le retour ignoré d'Ahmed Jaouadi    Ahmed Jaouadi rentre à Tunis sans accueil officiel    La mosquée Zitouna inscrite au registre Alecso du patrimoine architectural arabe    Orchestre du Bal de l'Opéra de Vienne au Festival d'El Jem 2025 : hommage magique pour les 200 ans de Strauss    Le Théâtre National Tunisien ouvre un appel à candidatures pour la 12e promotion de l'Ecole de l'Acteur    Photo du jour - Ahmed Jaouadi, le repos du guerrier    Ahmed Jaouadi champion du monde à nouveau à Singapour dans la catégorie 1500 m NL (vidéo)    Au Tribunal administratif de Tunis    Le Quai d'Orsay parle enfin de «terrorisme israélien»    Mohammed VI appelle à un dialogue franc avec l'Algérie    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Abdelaziz Kacem - Heurs et malheurs de la Nahda arabe: Retour aux prémices
Publié dans Leaders le 14 - 03 - 2025


1
Dans mon article paru dans Leaders du mois de janvier 2025, par-delà le désastre sans précédent qui a frappé l'arabité et qui risque de la menacer dans son existence même, j'ai appelé les intellectuels arabes à reprendre leur Nahda, qu'ils n'ont pas su défendre, quand un islam frelaté et un Occident en train de perdre son âme se sont ligués pour en briser l'essor. Les pionniers de la Nahda, depuis l'Expédition d'Egypte jusqu'à la veille de la brisure de l'arabisme, se sont posé les questions qui s'imposaient : Pourquoi avons-nous pris tant de retard ? Pourquoi l'Occident est-il à présent si avancé ? Comment a-t-il procédé ? Que devrions-nous faire pour le rattraper ? La réponse était : il nous faut aller en Europe pour apprendre et nous mettre à niveau. Tous les ténors de la modernité arabe, aussi bien musulmans que chrétiens, de Tahtâwî à Taha Hussein, en passant par Farah Antoun, Adib Ishaq, sont passés par Paris. Même les réformistes islamiques tels que Jamal Ed-Din al-Afghghani et Mohammed Abdou ont suivi le même itinéraire.
2
Pour relancer le mouvement, les intellectuels d'aujourd'hui ne sauraient faire l'impasse sur de nouvelles questions qui se posent. Vaincus dans la guerre de juin 1967, les Arabes n'ont pas perdu le panache. Lors du Sommet de Khartoum, ils ont énergiquement opposé aux Américains leur triple refus:
1. Non à la paix avec Israël,
2. Non à la reconnaissance d'Israël
3. Non à la négociation avec Israël
Pourquoi et comment sont-ils à présent sommés de se soumettre littéralement au triple diktat d'un croquemitaine ultrapuissant et amoral qui les enjoint à:
1. reconnaître Israël
2. lui céder de nouveaux territoires
3. biffer la Palestine de leur propre main
Une autre question aussi dramatique demande une réponse rapide et réfléchie. Pourquoi l'Europe nous a-t-elle tourné le dos ?
3
Les Arabes vont-ils ôter la dernière feuille de vigne qui leur sert de cache-sexe ? Peut-être pas. Mais pour les intellectuels de mon espèce, le fait même que M. Trump ose le leur commander montre bien dans quelle fange les Arabes se sont laissés vautrer. Ah Sadate, dans quel gouffre as-tu laissé choir la cause arabe ! Commentant l'échec de Camp David, Jacques Berque écrit : «Parler à l'adversaire, c'est bien. N'en rien obtenir, c'est triste, et pouvait être prévu. Ne pas l'avoir prévu, c'est préoccupant»(1).
4
Inculte, mais sachant parfaitement le point faible de chaque pays arabe, Trump tire les ficelles. L'Irak, la Libye et maintenant la Syrie sont neutralisés. Reste l'Egypte avec ses tares irréversibles : l'islamisme et son corollaire, la démographie galopante, ordre du Prophète. Il voulait être fier de sa communauté incalculable, au jour J. À chaque instant, des milliers de nouvelles bouches inutiles s'ajoutent à une inflation humaine que seul Bourguiba, en connaissance de cause, a su juguler. Et puis le chantage au barrage Renaissance d'une Ethiopie domestiquée par le sionisme. Nous devons soutenir l'Egypte. Nous avons avec elle des pans entiers d'histoire commune.
5
Dès le début de la Nahda, l'intelligentsia tunisienne suivait attentivement son évolution. Pour ce qui est du réformisme musulman, il est à noter que notre compatriote le cheikh Mohammed Bayram V (1840-1889) s'était rendu en Egypte, en 1884, pour s'installer à Alexandrie, véritable capitale de la modernité, et qui sourdait de toutes les idées neuves. Il s'y livra à fond, cinq ans durant et jusqu'à son décès, dans un débat accoucheur des premières lumières. De son côté, le Cheikh Mohammed Abdou, futur Grand Mufti d'Egypte, l'homme qui tenta sérieusement de toiletter l'islam en le débarrassant de maintes scories, vint à Tunis débattre avec les élites tunisiennes, une fois en 1884, puis en 1903.
6
Au Caire, le premier des féministes arabes, Qasim Amîn, publiait coup sur coup La libération de la femme (1899) et La femme nouvelle (1900). Notre réformiste Tahar Haddad a bien entendu lu les deux ouvrages. Moins chanceux que son prédécesseur, en publiant son propre livre, Notre femme dans la législation islamique et la société (1930), Tahar Haddad a été livré aux chiens. Sa victoire posthume est aussi une conquête de la Nahda.
7
Mais l'homme qui a constitué un véritable trait d'union entre le Maghreb et le Machreq, dans le cadre de la Nahda, c'est bien l'émir Chakib Arslan. Exilé pour militantisme nationaliste par les autorités du Mandat français en Syrie et au Liban, il s'installe au Caire en 1921, puis à Genève en 1928, où il devint représentant des pays arabes auprès de la Société Des Nations. Par son inlassable activité intellectuelle et diplomatique, l'Emir libanais, nous dit Charles-André Julien, « fit de la maison de l'avenue Ernest-Hentsch, où il avait installé son bureau d'information, l'ombilic du monde musulman»(2). Il a publié dès 1930 un livre retentissant : Pourquoi les Musulmans ont-ils pris du retard et pourquoi les autres ont-ils pris de l'avance? Les élites tunisiennes, tant sadikiennes que zitouniennes, ont lu et longuement discuté cet ouvrage lucide et révélateur.
8
Chakib Arslan établit, dans l'entre-deux-guerres, des relations intenses avec tous les nationalistes du Maghreb : cheikh Abdelaziz Thaalbi, Mohamed Bach Hamba, Habib Bourguiba (Tunisie). Ce dernier lui consacre, dans le journal L'Action tunisienne du 5 avril 1937, un article intitulé «Un vétéran des luttes anticolonialistes : l'émir Chakib Arslan». Il est, écrit le chef du Néo-Destour, «très populaire en Tunisie, il a sa légende parmi nos militants».
9
En Algérie, Chakib Arslan a influencé «surtout Messali Hadj». Au Maroc, il adhère à l'Action marocaine et nomme Mohamed El Ouazzani au secrétariat du mouvement. Il est appelé «Le tombeur du Dahir berbère», un décret scélérat que, dans le cadre de la politique du «diviser pour régner», le Résident général Lucien Saint fit signer de force par le sultan Mohammed Ben Youssef.
10
Parmi les voix de la Nahda, me touche encore, et peut-être plus qu'auparavant, celle de Shibli Shumayyil (1853-1917), le premier à avoir, en 1884, traduit et publié en arabe un ouvrage darwiniste. Il disait : «Les nations s'élèvent par la science non par l'exégèse». Celle-ci prédomine encore, hélas. Nous sommes bloqués. Certaines audaces parues dans les journaux, à la fin du XIXe siècle et durant la première moitié du XXe, ne saurait aujourd'hui être republiées sans risque. Il n'est pire chose que d'être rattrapé par un retard que nous avons déjà rattrapé.
Abdelaziz Kacem
(1) Jacques Berque, Les Arabes, suivi de Andalousies, Actes Sud, 1999, p. 175.
(2) Charles-André Julien, L'Afrique du Nord en marche, Omnibus, Paris, 2002, p. 24


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.