La Tunisie a fini par finaliser ses élections municipales dimanche 6 mai 2018. A la fermeture des bureaux de vote, le président de l'Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), Mohamed Tlili Mansri, a annoncé que le taux de participation national était de 33,7% soit un taux d'abstention de 66,3%. Un chiffre très élevé pour des élections qui ont été précédées par trois longues semaines de campagne électorale et par un tapage médiatique où les campagnes et les messages de sensibilisation ont été très importants. Alors que les chiffres officiels n'ont pas encore été dévoilés, les bureaux de sondages ont en profité pour annoncer leur pronostics.Selon Sigma conseil, le mouvement islamiste Ennahdha serait premier avec 27.5%, Nidaa Tounes derrière avec 22.5%, le Front populaire avec 5.3% et le Courant démocratique avec 4.9% des voix. Toutefois, et après avoir été interpellé par les internautes et par les politiciens, le boss de Sigma,Hassen Zargouni, a fini par rectifier en expliquant que les indépendants ont devancé tout le monde avec un total national de 28% des voix. L'Ariana et la Marsa ont fait l'exception en donnant l'avantage à leurs deux listes indépendantes à savoir Ariana Al Afdhal, présidée par Fadhel Moussa, et la Marsa change présidée par Mohamed Slim Mehrzi. Les 28% des voix remportés par les indépendants additionnés aux 66,3% des électeurs qui n'ont pas répondu à l'appel des élections officialisent la rupture entre les partis politiques et l'électeur tunisien. Une rupture qui s'affirme suite à quatre années de flou artistique dans lequel s'est plongé une scène où le consensus a tout bafoué au profit d'une fausse stabilité revendiquée par les deux mouvements alliés. Nidaa Tounes et Ennahdha ont d'ailleurs été les premiers à payer les frais de leur politique et ce malgré les chiffres nationaux. En dépit de tous les moyens qui ont été employés lors de ces élections, aucun des deux mouvements majoritaires de 2014 n'a réussi à décrocher ne serait que la lueur d'une majorité écrasante dans l'une des 350 circonscriptions pour lesquelles, rappelons-le, ils ont été les seuls à pouvoir s'y présenter. En somme ils ont payé le prix de la désillusion de la majorité écrasante des tunisiens qui ont clamé haut et fort leur manque de confiance vis-à-vis et de la politique et des politiciens Par ailleurs tous ces chiffres annoncent en somme ce qui nous attend pour 2019 où l'on reviendra aux urnes pour les législatives et une présidentielle. Eparpillement des voix, dégoût général et paix sociale inexistante. Un état des lieux qui rappelle étrangement celui de 2011 où le mouvement islamiste avait fini par remporter les élections. Toutefois, et pour ces prochaines échéances électorales, même Ennahdha ne sera pas capable de s'assurer une quelconque majorité. Les partis qui se multiplient sans fin depuis 2011 sont tous aujourd'hui appelés à reconsidérer leurs actions et surtout celles qui ont fait que le Tunisien, qui s'impatientait de s'impliquer dans la vie politique après plus de cinquante ans de privation, démissionne de tout acte citoyen. Si l'on continue de parler de transition et de processus démocratique, il faut aujourd'hui éviter la langue de bois et oser parler de ce qui ne va pas réellement dans le pays. Salma BOURAOUI Les indépendants en verve et les partis en déclin Le résultat était attendu, mais pas de cette manière, surtout avec le camouflet asséné aux deux principaux partis et les autres, aussi, qui ont perdu la confiance de bon nombre de leurs électeurs, même s'ils arrivent en tête dans certains arrondissements. Le scrutin a levé le voile sur le manque de crédibilité de la classe politique et des décideurs, surtout, après les multiples déceptions vécues, en commençant par l'alliance contre-nature entre les deux principaux partis dont l'un se considère comme le premier, mais dont la victoire n'était due qu'à des votes sanctions, lors des précédentes législatives et présidentielle. Le deuxième est un parti religieux qui cherche à défendre l'idée qu'il cherche à faire prévaloir, à savoir la séparation entre la religion et la politique, et qui use de tous les moyens pour revenir au-devant de la scène. En parallèle, l'Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) a gavé l'opinion publique avec des déclarations optimistes sur son savoir-faire et sa maîtrise de la situation, alors que les faits sur le terrain ont prouvé le contraire, donnant un paysage politique des plus désolants, après une campagne électorale des plus ternes engagée par les différentes parties, malgré la présence de l'argent, chez les politiciens, et le manque de moyens des indépendants. Ce scrutin de proximité a été un succès logique pour les indépendants, surtout que c'est un scrutin de proximité et que les électeurs qui ont daigné se rendre aux urnes ont fait, plutôt confiance à des personnes qu'elles connaissent et qu'elles peuvent côtoyer, dans leur quartier ou leur ville. Ce n'est pas, donc, fortuit que ces indépendants ont été majoritaires, même s'ils sont allés en rangs dispersés. Toutefois, et c'est ce qui est réconfortant, ils auront leur mot à dire dans la gestion des affaires de leurs communes. Selon les résultats préliminaires des élections municipales, les listes indépendantes ont réalisé un taux de 50% dans l'ensemble des circonscriptions électorales, a déclaré hier Riadh Bouhouchi, membre de l'Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE). "Ces résultats vont contribuer à l'enrichissement et à la dynamisation de la scène politique", a-t-il indiqué à l'agence TAP. Par ailleurs, il a fait état de plusieurs erreurs de dépouillement manuel qui ont vite été rattrapées, faisant remarquer que le dépouillement manuel et électronique des bulletins de vote a atteint un taux de 70%. Certes, le mouvement Ennahdha pavoise avec des principaux indicateurs qui "font état de la victoire des deux grands partis, à savoir Ennahdha et Nida Tounes". Mais les islamistes oublient que, dans la mêlée, ils ont perdu les 2/5èmes de leurs électeurs, ce qui est, aussi, le cas, avec une cote d'alerte pour Nidaa qui s'essouffle et qui en a perdu plus d'un million. L'abstention a été, en outre, le maître-mot avec un taux de participation qui a atteint 33,7%, comme annoncé, dimanche soir, par le président de l'ISIE, Mohamed Tlili Mansri. "Sur un total de 5 369 862 électeurs, 1 796 154 seulement se sont rendus aux urnes ", a indiqué Mansri, ce qui démontre, à notre avis, l'incapacité des politiciens à rassembler et à convaincre, surtout une jeunesse en mal de visibilité, d'avenir, et qui ne se retrouve pas encore dans ce qui se passe, dans le pays, et qui a d'autres préoccupations plus importantes, comme le chômage et l'absence de perspectives. Il est nécessaire, aussi, de retenir dans ces élections, le retour en force du Parti destourien libre qui, grâce à la verve et la capacité de conviction de sa présidente, Abir Moussi, s'est replacé sur la scène, bien qu'il ne soit né que depuis quelques mois et qui est arrivé, même, à être en tête à la municipalité de Siliana. Entretemps, les grands partis risquent d'avoir d'autres surprises, dans les municipalités où le nombre de sièges ne sera pas suffisant pour que leurs candidats puisse monter à la présidence. Faouzi SNOUSSI Scrutin du dimanche Failles dans l'organisation et infractions à la pelle La journée du 6 mai aurait pu être une fête, pour les Tunisiens, mais les multiples déceptions et la crise politique aidant, en plus de l'incompétence des organisateurs des élections et des règles de conduite de la campagne électorale ont fait que cela soit autrement, avec une indifférence flagrante des électeurs, une campagne des plus timides et, conséquence logique, des abstentions en masse. Dimanche, les erreurs d'organisation et les infractions ont fait légion, contrairement à ce que l'attendait d'une Instance supérieure indépendante pour les élections rodée par trois précédents scrutins et des partis politiques qui usaient tous les moyens illégaux pour gagner, avec l'argent dont ils disposaient et dont, parfois, on ne connaît pas l'origine. Dans cette lignée, quatre centres de vote à Gafsa et un centre de vote à Sfax ont pris du retard pour ouvrir, dimanche, à l'occasion des élections municipales, ont constaté les observateurs de l'association "Jeunesse sans frontières". Ce retard qui s'est poursuivi pendant plus de 3 heures est dû à une erreur dans les bulletins de vote, explique la même source dans un communiqué rendu public, rappelant que les bureaux et centre de vote devraient ouvrir à 08H00 du matin. Près de 92% des bureaux de vote visités par nos observateurs ont ouvert à l'heure ou avec moins de 10 minutes de retard et étaient dotés du matériel nécessaire", a déclaré le chef observateur de la mission d'observation électorale (MOE) de l'Union Européenne (UE) en Tunisie Fabio Massimo Castaldo. Violences et agressions Des actes de violence verbale et physique ont été également été observés entre des membres de listes candidates à Tunis, Manouba, Bizerte et Médenine, ce qui a nécessité l'intervention des forces de l'ordre, ont-ils ajouté. Nombre d'observateurs de "Jeunesse sans frontières" a été interdit d'accés à des bureaux et centres de vote bien que l'association ait été accréditée par l'ISIE pour contrôler l'opération électorale. L'association a également relevé des activités de propagande électorale et des tentatives d'influencer les électeurs à l'intérieur des centres de vote dans les gouvernorats de Bizerte, Tunis et Sfax ainsi que des erreurs dans le registre des électeurs. Par ailleurs, l'association a noté la fourniture du matériel électoral dans tous les bureaux de vote, le respect des mesures de vote (confidentialité et secret du vote, nombre et emplacement des isoloirs de vote,..), la forte présence d'unités sécuritaires, de représentants de partis et de listes indépendantes ainsi que d'observateurs locaux. Les infractions relevées, dans les différentes circonscriptions électorales au gouvernorat de Tozeur ont atteint le nombre de 12 infractions dont deux graves qui ont porté dans leur majorité sur des tentatives d'influencer les électeurs devant les centres de vote. Des infractions ont été, aussi, enregistrées à Ben Arous, par des représentants de listes candidates, dont, notamment, la poursuite de la campagne électorale par certains partis comme Nidaa, Ennahdha, Machrou Tounes, et Al Moubadara dans la localité de Fouchana, en infraction au silence électoral, a-t-il précisé.