Alors que le landerneau politique n'avait d'yeux que pour le sort du président du gouvernement d'union nationale, Youssef Chahed, après la suspension de l'accord de Carthage, le conseil de l'Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) a jeté un autre pavé dans la mare déjà agitée, en révoquant le président de cette instance. Elu par l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) à la tête de l'instance chargée de piloter l'organisation des élections en novembre 2017, Mohamed Tlili Mansri a été démis de ses fonctions à l'issue d'un vote réalisé lundi au sein du conseil de l'instance. Cet avocat à la Cour de cassation originaire de Sidi Bouzid n'a récolté qu'une seule voix favorable sur neuf. Son limogeage a été fait sur la base de l'article 15 de la loi organique relative à l'ISIE qui stipule que « le président de l'Instance Supérieure Indépendante pour les Elections ou l'un des membres du conseil sont démis de leurs fonctions en cas de faute grave dans l'accomplissement des obligations leur incombant en vertu de la présente loi». Le président de l'ISIE a expliqué avoir été convoqué à une réunion de l'ISIE pour valider les résultats préliminaires des élections municipales dans la circonscription de Mdhila avant d'être «surpris par une réunion parallèle tenue par des membres de l'instance qui ont organisé un vote sur son limogeage». Il a également expliqué que la décision de sa révocation doit cependant être validée par l'ARP. En effet, l'article 15 de la loi organique régissant l'ISIE stipule que «la demande de révocation est présentée par au moins la moitié des membres du conseil de l'Instance » et qu'elle «doit obligatoirement être soumise à l'assemblée législative réunie en séance plénière pour approbation à la majorité absolue de ses membres», soit 109 voix. C'est dire que l'ARP, qui devrait se prononcer sur le sort du président du gouvernement, aura aussi à valider ou à bloquer la révocation du président de l'ISIE qui avait été élu le 14 novembre par 115 voix provenant essentiellement des représentants du mouvement Ennahdha, de Nidaâ Tounes et de l'Union patriotique Libre (UPL). M. Mansri a également précisé que la décision de sa révocation était attendue. «Je m'attendais à ce genre de décisions, car certains membres du conseil de l'instance n'ont qu'un seul objectif, à savoir l'accession à la présidence. Suite à l'annonce des résultats des élections municipales, Anouar Ben Hassen (membre du conseil l'Instance) est allé à la radio nationale pour m'attaquer et dire que je suis incompétent », a-t-il déclaré. Et d'ajouter : «quelques jours plus tard, on réussit les élections à Mdhila avec le contexte qu'on connait et on me démet de mes fonctions». En réponse à ces accusations, Anis Jarboui, membre du conseil de l'instance, a démenti la tenue d'une réunion parallèle spécialement pour démettre le président de l'ISIE de ses fonctions. «Rien n'était programmé. La réunion tenue lundi était consacrée aux élections dans la circonscription de Mdhilla mais le refus de Mohamed Tlili Mansri d'exécuter des décisions prises auparavant par le conseil de l'instance à l'instar de la date de la proclamation des résultats définitifs des municipales ainsi que des décisions relatives à des questions d'ordre financier a poussé les autres membres de conseil à le démettre de ses fonctions», a souligné M. Jarboui. Pour rappel, l'ancien président de l'ISIE, Chafik Sarsar, avait présenté sa démission en mai 2017 dénonçant «de fortes pressions », dont il n'a jamais clarifié les auteurs ou la nature.