Commençons d'abord par assurer que la nomination par le chef du gouvernement, Elyès Fakhfakh, de deux conseillers, en les personnes d'Imed Hammami et d'Oussama Ben Salem, ne peut avoir aucune justification technique ou rationnelle. A ce titre, elle soulève plus de questions sur le prix dont le chef du gouvernement et le président de la République ont monnayé leurs présences physiques respectives, aux postes qu'ils occupent actuellement. Parler de besoins pour justifier ces nominations n'a aucun sens. Ni par la réalité des besoins qui se profilent quotidiennement, ni par les profils « désignés » afin d'y faire face. A quelques mois, ou quelques années lumières, de la tenue du prochain congrès du parti islamiste, le dernier de cette obédience Frère musulmane à avoir gardé voix au chapitre dans les pays du défunt printemps arabe, le parti Ennahdha présente plusieurs indices d'essoufflement, dus en partie, à la prolifération exponentielle d'une opposition de plus en plus séculaire au sacré « Cheikh Rached Ghannouchi », éternel chef du parti depuis quatre décennies. C'est à ce titre qu'il convient d'examiner la situation actuelle au sein du parti islamiste, dont la date d'expiration approche inéluctablement, quel que soient les manœuvres, les déviations et les diversions de circonstance, et ce si Ghannouchi continue à résister comme il le fait, à son destin. L'omerta fragilisée à Montplaisir Pour Rached Ghannouchi, le mal vient de Sfax. A peine les grandes figures de proue de la confrérie des Frères musulmans retirées de la circulation, émergent de nulle part une nouvelle tendance que Ghannouchi a toujours redoutée. Les Sfaxiens qui représentent le noyau dur d'un salafisme, rompu à ravir à Ennahdha le droit de commercer avec la religion. Les Affès, Jaouadi et bien d'autres encore, tapis, semblent actuellement faire sérieusement de l'ombre à Ghannouchi dans cette région qui se présente comme un passage inévitable vers le pays natal du Cheikh et son centre de gravité : Gabès et le sud-est tout entier. Soit dit en passant, ces problèmes et tractations ne semblent pas concerner la bande ouest du pays (West Bank !), embourbée dans des carences de développement qui datent de l'indépendance. Depuis quelques mois, Oussama Ben Salem, le Sami Fehri des islamistes, patron de la chaine pirate Ezzitouna, a commencé à remuer des dossiers de plus en plus compromettants à l'endroit du Cheikh ou guide de la confrérie musulmane tunisienne. Il est allé même jusqu'à menacer de mettre au grand jour un scandale de mœurs qui dépasse en gravité les scènes des préliminaires du fameux cheikh islamiste marocain, pris avec l'une de ses oies dans sa voiture. Plus encore, Oussama est le fils de Mohamed Ben Salem, l'une des boites noires du mouvement Ennahdha depuis des lustres. Naturellement, le fils a hérité de son défunt père une bonne quantité de documents pouvant emmener certains « responsables » du mouvement derrière le soleil. L'argent et le terrorisme commençaient à être des sujets de prédilection d'Oussama, qui semblait ne pas accepter d'être traité moins que le fils de l'un des fondateurs d'Ennahdha, lequel a payé de sa vie en Tunisie le luxe de Ghannouchi et de sa famille à Londres. Depuis trois mois au moins, le fils Ben Salem a commencé à bouillonner contre un prochain mandat pour Ghannouchi, multipliant, par tous les degrés de l'allusion, les menaces contre les vœux ultimes du vieux patriarche. Les prémices d'une rupture retentissante entre Sfax et Ghannouchi. Le rejeton Ben Salem semblait dire au cheikh : « tu peux te payer la tête de Zitoun, Jlassi, Ladhaari, Mekki, la chair de Ben Salem te sera fatale, et je sais de quoi je parle ! ». L'orthodoxie régionaliste C'est pour cela que nous avons esquissé un large sourire quand le choix de Ghannouchi fut porté sur Habib Jemli, un parfait inconnu, nouvellement parvenu à la scène politique, grâce à un exercice cynique d'un Ghannouchi qui n'a pas rebuté à vouloir mettre en guerre certaines provinces du Centre contre ces Sfaxiens montés au créneau, à l'issue de quarante ans de bons et loyaux services, et de soumission tactique, à la Frère musulmane. Entre temps, Ennahdha accumulait la descente aux enfers, d'une échéance électorale à l'autre. C'est sur ce canevas que les tractations ont été menées entre le « mauvais venu » Kaïs Saïed, et Rached Ghannouchi, lequel semble avoir privilégié ses propres intérêts et ceux de sa famille proche à ceux d'un parti politique d'un autre temps et d'un autre contexte historique. Un parti devenu unipersonnel, que toutes les acrobaties de la démagogie contemporaine n'ont pu galvauder. Imed Hammami a été « placé » dans le même esprit régionaliste, l'esprit qui avait fait dire à Hamadi Jbali : « Les Sahéliens ont été créés pour gouverner» ! Ennahdha n'est pas un parti politique national. C'est le parti de l'orthodoxie régionaliste. Une donnée non moins curieuse, la lutte pour le pouvoir se limite géographiquement aux seules régions du littoral et des frontières terrestres les plus prometteuses en affaires, soir le poumon de la contre bande et de toutes les activités illicites destructrices de l'économie et de la société tunisiennes, qui a fait de la Tunisie, jadis « pays émergent », un cadavre exsangue, malgré les perfusions en milliers de milliards qui y pleuvent depuis 2011. Quoi qu'il fasse, Fakhfakh est déjà en porte-à-faux avec sa propre région. Kaïs Saïed ne pourra pas grand-chose, ni sur le système politique mafieux installé en vertu de l'actuelle Constitution, ni sur les cartels d'intérêts qui en sont issus et bien assis. C'est pourquoi le passe-temps favori de la classe politique et des responsables actuels ne dépassera pas ces mouvements d'ascenseurs entre cartels, que l'Etat continuera de payer, de ses chances et de l'avenir de ses générations futures. Tout le monde le sait depuis 2011 : Un conseiller ne vaut rien d'autre que son salaire, ses émoluments, et ses privilèges. Félicitons donc les deux nouveaux arrivants. En attendant le prochain lot de nominations abusives. Le temps se prête-t-il encore à ce genre de complaisances ? Nous attendons surtout que les 220 autres partis politiques tunisiens en fassent de même ! Vous avez des problèmes internes insolubles. Renvoyez-les au gouvernement ! Après tout, Ennahdha ne se prévaut d'aucune majorité justifiant ce jeu de chaises macabre. 54 députés sur 217. Le jeu est ailleurs.