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Echappées belles dans la lettre
Publié dans Le Temps le 28 - 12 - 2020

Maître du calame, Abdallah Akkar est bien plus qu'un calligraphe. Ses lettres et l'intensité de ses signes véhiculent une vision proche de la poésie et ancrée dans la chair vive des mots. Chez lui, énergie, mouvement et lumière irriguent des oeuvres qui subliment la toile, le bois, l'acier et le verre. Un artiste de grand talent plus connu en Europe où il vit que dans son pays natal, la Tunisie.
Dans le parcours d'un artiste, certains moments demeurent comme des points d'appui, des séquences privilégiées au cours desquelles l'oeuvre force le destin. Ces instants de grâce, Abdallah Akar les a tissés dans la plus haute des traditions de la poésie arabe. S'emparant des "Muallaqat", ces odes suspendues dont les poètes de l'arabité se sont fait les chantres, Akar leur a donné une nouvelle vie entre le frémissement du textile et les chemins de la lettre.
Un calligraphe à la recherche de voies inédites
Idée géniale à vrai dire qui consistait à calligraphier ces poèmes et les inscrire sur l'éphémère mouvant du tissu. Par ce geste, Akar abolissait les siècles et recréait virtuellement le geste même des poètes préislamiques qui donnaient à lire leurs oeuvres en les accrochant sur les frondaisons de la cité. Cette installation marquera les esprits et ouvrira une voie inédite devant Akar. Lui qui, timidement, suivait les enseignements du maître calligraphe irakien Ghani Alani, se trouvait désormais face à une confluence fertile.
Car si l'art du calligraphe est celui de la convention, Akar ne se voyait pas confiné à perpétuité dans la reproduction et l'imitation des modèles. Son ambition était plus grande et se nourrissait du désir de rénover le langage calligraphique, l'inscrire dans une dynamique telle qu'il puisse s'épanouir non plus seulement dans l'espace clos des palimpsestes mais aussi sur les places publiques et les cimaises des galeries d'art. Ce désir taraudait l'artiste, s'imposait à lui alors que son quotidien n'était voué qu'à la répétition. Dans son cabinet de calligraphe, les lettres et les signes virevoltaient, dialoguaient et s'inscrivaient parfois dans des postures inattendues. Mais cela ne lui suffisait plus.
Chemins transgressifs
et illuminations poétiques
Comme tout artiste véritable, Abdallah Akar ressentait l'existence d'autres chemins, plus transgressifs et tournés vers une esthétique en devenir. Sa relecture textile des fameuses "Muallaqat" allait lui donner un élan irrésistible et le lancer dans une recherche inspirée. Désormais, l'artiste donnait libre cours à sa créativité et ne se contentait plus de faire revivre des archétypes. Sa maîtrise technique aura donné à Akar le pouvoir de défricher de nouveaux horizons tout en participant pleinement à libérer la calligraphie arabe des carcans d'une tradition immobile.
Depuis, Akar a fait bien du chemin et trouvé un équilibre majeur entre calligraphie et poésie. Explorant de nouveaux territoires, l'artiste a révolutionné son approche, complètement changé de paradigme et participé au nouvel essor de la lettre arabe. Chaque signe répond à une construction mentale dans laquelle l'espace de la toile se décompose en nappes de sens. Selon la formule de Gérard Boyer, la poésie "inonde la toile" et l'artiste "respire avec elle". Cette observation d'une grande justesse définit la manière subtile d'Abdallah Akar, un artiste qui recompose plastiquement les formes de chaque lettre qu'il détache de son contexte antérieur pour la glisser dans le monde des illuminations poétiques.
La révélation des formes
pour rompre avec les savoirs codifiés
A chaque geste, le calligraphe traverse des siècles de traditions géométriques comme pour mieux rompre avec les savoirs codifiés. Un peu à l'image des copistes maghrébins qui s'étaient affranchis des canons orientaux, Akar opère un bouleversement - cette fois plastique - dans la tradition pour l'amener au contemporain. Ses calligraphies et illustrations soulignent le bien fondé de cette démarche et sa portée audacieuse. Ses mots en transparence et ses alphabets novateurs plaident tout autant dans cette direction. En outre, ses nombreuses publications et la régularité avec laquelle il expose placent Abdallah Akar dans la trajectoire d'un rénovateur qui compte.
Dans cette perspective, notre artiste intervient à trois niveaux successifs qui structurent sa démarche. D'abord, il remodèle la lettre et repense la technique jadis figée du calligraphe. Ensuite, il entretient de nouveaux rapports avec la poésie en tant qu'art ultime du verbe. Avec les mots et les lettres, chair de la poésie, Akar procède par illuminations et substitue un univers graphique en mouvement à la réalité immuable des maîtres anciens. Enfin, il ne se limite plus au papier, à la toile ou au vélin mais investit d'autres matériaux. Quel artisan traçant ses lettres dans le style coufique ou persan, à Bagdad ou Ispahan, aurait-il pu pressentir que ces lettres seraient un jour inscrites sur l'acier et le verre?
Un artiste cosmopolite
à la confluence des cultures
Au-delà, Abdallah Akar est un artiste cosmopolite au sens le plus noble du terme. Installé en Europe où il expose régulièrement, il est aussi très présent dans les pays arabes du Golfe. Il participait ainsi à l'ouverture du nouveau musée de Dhahran en Arabie Saoudite tout en comptant parmi les artistes incontournables de la Biennale de Sharjah aux Emirats arabes unis ou de l'Abou Dhabi Art où il a exposé à plusieurs reprises. Des galeries réputées comme "Pro'Art" et "Majlis" l'accueillent à Dubai. Akar est également présent à Bahrein ou Oman.
L'édition de ses livres, l'enseignement de la calligraphie et ses collaborations multiples avec l'Institut du monde arabe à Paris donnent aussi une grande ampleur à ses travaux et sa présence. Contribuant au dialogue entre les religions, Akar ne manque jamais une occasion de présenter ses oeuvres dans des forums entre art et sacré. Il participait ainsi aux grandes expositions d'art sacré comme "Les enfants d'Abraham" ou "Lieux Saints partagés" qui l'a mené du MuCem de Marseille au Musée du Bardo. Récipiendaire de plusieurs prix internationaux, membre d'honneur de la Fondation Taylor, Abdallah Akar n'en garde pas moins de solides racines tunisiennes qui sont son socle le plus profond.
Toute lettre secrète sa propre lumière
Dans son art du signe, Akar nous apprend finalement que toute lettre secrète sa propre lumière et les conditions de sa métamorphose. Dès lors, c'est au calligraphe de fixer cet univers à la fois mouvant et fluide, cet enchevêtrement des formes et des signes et cet éparpillement du sens. C'est ainsi que les visions calligraphiques de Abdallah Akar nous installent dans l'intensité et l'apaisement. La révélation des formes et leur sarabande permanente, leur abstraction aussi, en deviennent une manière de contemplation mystique, une révélation de l'oeuvre et des fulgurances qui la sous-tendent.
La calligraphie de Akar est ainsi un jeu à l'état pur, un puzzle aux combinaisons infinies et, surtout, la matrice d'une plénitude créatrice. Près de cinquante ans après son installation à Paris, cet artiste reste novateur et continue à nous enseigner la transparence des mots et l'essentielle liberté des signes.
H.B


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