Ce n'est pas une nouveauté de 2010 que de sortir son épouse en soirée. Dans les années 1950 et 1960, les maris tunisiens emmenaient plus souvent qu'aujourd'hui leurs femmes au cinéma, en banlieue, sur la plage et dans des promenades nocturnes. Cette tradition citadine des grandes agglomérations survit encore, fort heureusement, et nous devons savoir gré aux couples qui tiennent à la perpétuer contre vents et marées. Encore faut-il trouver un espace convenable sous tous rapports pour y offrir à sa compagne quelques moments de plaisir loin des contraintes domestiques. Seulement voilà, ce genre d'espaces tend à se raréfier d'une manière inquiétante et certains soirs, le couple rentre à la maison terriblement frustré ou franchement meurtri après avoir dépensé des dizaines de dinars sans avoir joui vraiment de sa sortie ou bien après avoir vécu des mésaventures du genre qu'on n'oublie pas facilement et qui dissuadent de toute virée ultérieure. Ces couples qui, en payant leurs billets à 130 ou à 60 dinars au Festival de Carthage, croient avoir acheté le droit à une place propre et confortable sur les gradins du théâtre ou sur les chaises de son arène. Une fois à l'intérieur, il leur faut soit se battre pour arracher un coin de pierraille, soit prendre la place d'un autre, soit renoncer tout simplement au spectacle et aller ronger leur frein ailleurs (chez un notaire par exemple ou dans un commissariat). Si le couple choisit d'aller dîner sur la terrasse d'un bon hôtel, il ne s'épargne pas pour autant les ennuis de toutes sortes : mauvais service, grabuge causé par les ivrognes, vexations directes ou indirectes émanant de clients indélicats, factures trop salées pour une consommation très modeste etc. Des incidents de ce genre sont légion dans beaucoup d'autres espaces de loisirs : l'autre soir, un fonctionnaire et son épouse commandèrent un cocktail de fruits au garçon de café qui revint cinq minutes plus tard avec deux grands verres remplis d'un mélange d'eau de robinet et d'arômes sucrés. L'homme jura ensuite sur la tête de ses parents que sa potion ne contenait rien d'industriel. Préférant s'en vouloir d'avoir mal choisi l'endroit plutôt que de s'en prendre au serveur et à son employeur, le couple paya la consommation et quitta les lieux avec ce sentiment de plus en plus récurrent de nos jours d'avoir été victime d'une énième arnaque.
Debout ou sur un strapontin ! Quand on décide d'aller au théâtre, il faut là aussi s'attendre à de mauvaises surprises : par exemple à ce que la salle soit surchauffée en plein mois d'août, ou bien à ce que les placeurs vous promènent d'un coin à l'autre et d'un étage à l'autre du théâtre sans vous fixer une fois pour toutes sur un quelconque siège. Si le spectacle est du genre à drainer beaucoup de monde, vous avez intérêt à vous pointer devant les portes une heure au moins avant le début du spectacle et à bien vous entraîner pour la bousculade qui risque de se déclencher à l'entrée. Si vous souffrez des varices et ne supportez pas la station debout prolongée, nous ne vous conseillons pas d'aller vous reposer sur le siège d'un café. D'abord parce que vous y serez obligés de consommer n'importe quoi pour au moins deux dinars, ensuite parce qu'en revenant au théâtre, vous aurez peut-être perdu votre place et celle de votre épouse pour vous contenter tous les deux par la suite de strapontins vacillants.
Menus désastreux Lundi dernier, et parce qu'ils n'avaient pas réservé leurs places à l'avance pour le spectacle de Lotfi Abdelli au Théâtre municipal, un fonctionnaire et son épouse se rabattirent sur le programme d'une autre soirée qui, au final, leur rappela l'ambiance des veillées de morts et celle des enterrements ! En effet, le menu de la plupart des soirées de festival n'est que très rarement distrayant : vous avez beau changer d'espace culturel, votre couple n'aura droit dans 90 % des cas qu'à des " hommages " aux artistes tunisiens et égyptiens morts depuis des lustres et l'on vous cornera les oreilles avec les mêmes chansons d'autrefois. Sur le lieu où le spectacle est organisé, on ne vous offre rien à boire ni à grignoter et vous devez nettoyer vos sièges tout seuls. La sonorisation et l'éclairage déçoivent souvent les spectateurs, quant aux conditions de sécurité pour arriver sur les lieux et pour rentrer chez soi, elles sont loin d'être garanties. Si en plus, vous n'êtes pas motorisés, nous vous déconseillons de prendre le métro même s'il est encore en service après minuit. Il vaut mieux regagner la maison en taxi quitte à débourser quelques dinars de plus que ce qui était prévu dans le budget de la soirée. C'est à se demander en définitive si c'est une bonne chose que de sortir en soirée dans nos villes. Nous n'avons parlé que des veillées estivales ou ramadanesques, et c'était à dessein : parce qu'en hiver, l'ambiance de nos cités est morose.