Le bonhomme qui avait l'habitude de faire sa prière du midi(Adhohr)dans une mosquée bien connue de la Médina, était allé ce jour là s'approvisionner de quelques gâteaux arabes pour la famille. Pendant la prière, il mit, confiant, le sac de gâteaux à côté de lui. Il était plongé dans le recueillement et ne pouvait pas s'occuper de ce qui se passait à côté de lui. Mais quand la prière fut terminée et qu'il s'apprêta à rentrer chez lui, il regarda à ses côtés et à sa grande stupéfaction, le sac s'était volatilisé. Il essaya de s'enquérir auprès des personnes qui étaient dans la mosquée, mais en vain. Ces personnes étaient comme lui, plongées dans le recueillement, et n'avaient de ce fait rien remarqué. Il finit par prendre son mal en patience et quitta la salle de prière. Mais une fois dehors, il remarqua parmi la foule, un quidam qui tenait un sac en plastique qui attira son attention, à cause de la ressemblance frappante avec celui qu'il avait vainement cherché. C'était plus qu'une ressemblance, une similitude ! Il devait s'assurer du contenu de ce sac, et de ce fait, il s'empressa de rattraper le jeune homme qui le portait. Arrivé à son niveau il était presque certain qu'il s'agissait bien de son sac. " Vous permettez ? lui dit -il, qu'y a-t-il dans ce sac ? -" je ne suis qu'un homme acculé à voler malgré moi, à cause de la faim. Oui j'avais très faim et j'ai pris ce sac croyant qu'il faisait partie des dons aux pauvres qu'on dépose à la mosquée. " -Que nenni, lui répond le bonhomme furieux, mais rassuré d'avoir retrouvé son bien. " Aussi avait-il tenu de poursuivre le jeune homme en question. Aidé par des badauds qui assistaient à la scène, il le conduisit au poste de police le plus proche. Inculpé de vol, le jeune homme comparut devant le tribunal de première instance de Tunis, où il invoqua l'état de nécessité, et surtout sa bonne foi, car il crut, soutint-il, que ce sac était déposé à titre de don aux nécessiteux. Il n'avait pas l'intention de voler, ajouta-t-il et pour preuve, il n'avait pas pris la fuite et lorsqu'il fut interpellé par la victime, il marchait tranquillement dans la rue, le cœur apaisé mais le ventre encore vide. Le tribunal après délibérations, le déclara coupable, mais crut bon de lui adresser un avertissement en le condamnant à quatre mois de prison, assortis toutefois du sursis. Il ne doit plus désormais prendre les fidèles pour des canards sauvages !