Ils sont employés, fonctionnaires, cadres ou simplement chômeurs et à 35 ou 40 ans, ils n'ont pas quitté le domicile parental et continuent à bénéficier des services de maman et des moyens de papa. Pour diverses raisons, ils et souvent elles, ne se sont pas mariés malgré l'insistance de la famille et ce, pour diverses raisons. Plongée dans l'univers doux ou angoissé, serein ou plein de stress de ces célibataires qui n'osent pas... Recul de l'âge du mariage, crise, cocooning, de plus en plus de grands enfants continuent à vivre sous le toit familial. Dans certains cas, ils ou elles n'ont pas trouvé le compagnon idéal, l'épouse modèle. Dans d'autres cas ce sont les candidats au mariage qui ne sont pas venus frapper à la porte ou bien les rencontres se sont révélées décevantes.
Pompe à fric C'est la situation que vit Samira depuis quelques années. Elle est pourtant jolie, cultivée et ouverte sur le monde moderne. Des hommes, elle en a rencontré des dizaines et elle a fini par les mépriser : " tous se sont révélés plus intéressés par mon salaire que par ma personne. Ils ont tous l'impression qu'une enseignante c'est un parti intéressant sur le plan matériel et familial, puisqu'elle a théoriquement le temps de s'occuper de son foyer, comme si j'allais leur donner mon salaire et rester ensuite à quémander de petites sommes pour mes besoins, en faisant le ménage... " De nombreuses enseignantes nous ont confié souffrir de cette image de pompe à fric qu'elles représentent pour leurs époux. Une prof de maths nous a confié que son mari a " commencé dès les premières semaines à vouloir gérer l'argent du ménage sans tenir compte de mon avis. Nous avions un compte commun et il le vidait chaque fin de mois sans donner de justification logique. " Ce n'est que plusieurs mois plus tard qu'elle s'est aperçue qu'il jouait des sommes énormes et qu'il perdait la plupart du temps. " Le pire, ajoute-t-elle, c'est qu'il me forçait à donner des cours particuliers à domicile pour des dizaines d'élèves, alors que je rentrais déjà bien fatiguée et que j'avais toutes les tâches ménagères à accomplir, seule évidemment ! " Pour en revenir à notre sujet, rester chez soi est parfois un choix délibéré. Hamdi, quarante deux ans, vit toujours sous le toit familial, avec sa vieille maman. Une situation qui ne semble pas le déranger malgré le désir insistant de sa mère de le voir marié, avec de petits enfants. Plutôt pessimiste, il clame " je n'ai pas trouvé une seule jeune fille qui accepte de vivre avec ma mère, en l'aimant et en la respectant. " Il ajoute : " plusieurs filles font semblant d'accepter cette situation, mais si on les pousse un peu, elles montrent leur vrai visage et exigent un appartement autonome, où je vivrais séparé de ma mère, qui n'a que moi au monde. C'est surtout ce double visage qui me révolte chez les jeunes filles d'aujourd'hui. Alors je reste avec ma vieille maman. On est peut être seuls, mais au moins on est tranquilles, sans conflits avec une étrangère... "
Manque de maturité Le même cas existe aussi chez les jeunes filles. Samia est secrétaire dans une administration et à trente-six ans, elle continue à vivre avec ses parents et son jeune frère qui est encore adolescent. Son témoignage est plutôt incongru : " des demandes de mariage j'en ai eu des dizaines, mais mon gros problème c'est que je n'arrive pas à assumer une vie de couple, la responsabilité d'un foyer à gérer et plus tard les enfants à éduquer... " Elle va même jusqu'à avouer que " certains partis étaient vraiment très intéressants, mais à chaque fois je faisais un blocage et j'annulais les fiançailles quelques jours avant le date fatidique. Je crois que je n'ai pas été psychologiquement préparée à affronter la vie et que je ne suis pas prête à abandonner le confort du domicile parental pour aller vivre avec un étranger à ma famille. " Nous avons exposé ce blocage à un psychologue, qui nous a affirmé que " la génération qui arrive à l'âge du mariage actuellement n'a pas connu les luttes et les révoltes que ses parents ont vécues. D'où une certaine peur de s'engager, d'assumer les lourdes tâches de la vie de famille. J'irai même jusqu'à dire que ces jeunes souffrent d'une certaine immaturité due à des parents qui les ont trop couvés et qui leur ont tout donné : confort, voiture, argent... " Il y a aussi des raisons plus objectives qui font que les enfants ne quittent la maison familiale que très tard. Un sociologue en propose quelques unes : " il y a les études trop longues, les prix des loyers qui annulent toute velléité d'indépendance, l'entrée tardive dans le marché du travail, avec souvent des contrats précaires, en plus des traditions locales qui font qu'une jeune fille ne quitte le domicile de ses parents que pour rejoindre celui de son époux... " Paradoxalement, peu de parents se plaignent de cette situation et ils semblent même contents que leurs enfants adultes vivent encore avec eux. Leur seul regret c'est le fait de ne pas avoir de petits enfants pour continuer la lignée et porter le nom familial. Une dame, ancien cadre de banque, aujourd'hui retraitée nous a confié que " la présence de ma fille à mes côtés est rassurante et je la préfère avec moi que vivant mal avec un mari qui lui prendrait son salaire et la rendrait malheureuse, car ce type de coureurs de dot est devenu fréquent. " Décidément, de nos jours, les problèmes d'argent semblent empoisonner les relations humaines de façon excessive. Il ne faudrait cependant pas grand-chose pour résoudre ces questions matérielles : une discussion claire et définitive avant de s'engager en plus de la nécessité de s'inventer un mode de fonctionnement équilibré pour vivre ensemble. Il faut éviter que la maison paternelle ne devienne un refuge à tous les échecs, à toutes les déceptions. Et puis il faut que la famille prépare les jeunes à voler de leurs propres ailes, à acquérir leur indépendance dès leur jeune âge...