L'année dérnière, 88 bébés sont nés à Sfax en dehors de l'institution du mariage. 55 d'entre eux ont été adoptés par des familles. Les autres ont bénéficié du recueil légal (Kafala), tandis qu'une minorité a regagné le domicile des parents biologiques. La majorité des enfants abandonnés sont accueillis dans l'association Errafik, sise à la route Menzel Chaker km 1.5. Depuis sa création en 1993, cette organisation non-gouvernementale œuvre dans la prise en charge des nourrissons sans soutien familial jusqu'à leur réintégration au sein de leurs familles biologiques, leur placement dans une famille d'accueil ou leur adoption. Rencontrée au siège de l'association, la directrice, Mme Ouided Moumni, souligne qu'actuellement : «Nous accueillons 13 enfants alors que la capacité d'hébergement est de 12 lits. Nous essayons de créer une ambiance familiale pour ces êtres innocents. Huit mères-assistantes surveillent les enfants jour et nuit. Elles sont choisies selon des critères bien précis : la tendresse et la tolérance». Le rez-de-chaussée de la maison est réservé aux tâches administratives, alors que le premier étage est aménagé pour accueillir les petits. Les lits sont placés dans deux grandes chambres. Une autre pièce est transformée en salle de jeux. Elle accueille également les mamans biologiques qui rendent visite à leurs enfants. S., une mère célibataire de 28 ans, prend sa petite de 8 mois dans les bras. Elle l'embrasse très fort. Des larmes coulent de ses yeux. Elle se confie : «C'est un déni de grossesse. Il est passé inaperçu de l'entourage. Ma famille ignore que j'ai une petite fille née en dehors du mariage. Chaque semaine, je rends visite à mon bébé. En sortant d'ici, je sens que j'ai laissé une chose très chère derrière moi. Heureusement que cette situation ne va pas durer. Je vais me marier prochainement. Le futur mari connaît mon histoire. Il a accepté ma fille». D'un autre côté, on reconnaît qu'un grand effort est déployé par l'équipe de cette association. Les chambres à coucher sont propres et chauffées. Les lits sont bien aménagés. Les bébés sont en bonne santé. Ils jouent dans les lits, chuchotent et rient. «Nous accueillons ces enfants jusqu'à l'âge de deux ans. La majorité des bébés sont venus de l'hôpital. Après cet âge, si l'enfant n'a pas été réintégré dans sa famille biologique, adopté ou placé dans une famille d'accueil, il est envoyé aux villages d'enfants SOS Mahrès ou Tunis. Pour ce qui est des mères-assistantes, elles ont suivi des formations. Elles doivent être capables d'apporter de l'amour, de l'affection et de la protection à ces enfants. Chaque enfant possède un cahier de vie et un cahier de contrôle médical mensuel. En plus du pédiatre de l'association, des pédiatres bénévoles rendent visite aux enfants», explique la directrice de l'association. Pour une meilleure intégration On précise également que «Errafik» dispose d'une pouponnière gérée en permanence par une équipe d'assistantes maternelles encadrées par une directrice. Une formation continue est assurée pour toute l'équipe. Un comité directeur de 13 membres bénévoles est élu, il veille à la gestion de l'association. «Dès sa création, notre association travaille dans le respect des droits de l'enfant conformément au statut des droits de l'enfance. Nous donnons toujours la priorité à la mère biologique. Nous utilisons tous les moyens pour que le bébé abandonné soit réintégré dans sa famille biologique, qui est le milieu naturel pour un enfant», explique le Dr Mohamed Drira, gynécologue et président de l'association. Le processus de l'adoption n'est pas possible sans l'accord de la maman biologique qui doit signer un accord d'abandon devant le juge. Tout un dossier est préparé par les parents adoptants. Ces derniers doivent répondre à des exigences fixées par la loi. Le processus de l'adoption prend un peu de temps. Le juge laisse un délai à la maman biologique pour récupérer son enfant. «Le 22 février 2011, une fille qui venait juste de naître a été laissée devant la porte de l'association. La maman qui l'a abandonnée a écrit sur un bout de papier le nom de la petite. Nous avons trouvé, également, un collier en argent. Des couples qui viennent à l'association pour l'adoption d'un enfant veulent adopter ce bébé. Une demande qu'on ne peut pas satisfaire, du moins pour le moment, puisqu'on ne connaît pas la maman. Il faut attendre, car il y a des cas où les mamans viennent récupérer leurs enfants. Ma démarche n'a pas été appréciée par certains. Surtout que certains prétendent que l'association accapare les enfants et les donne suite à des interventions», déclare le Dr Drira. Si l'adoption est acceptée, les parents adoptants ne reçoivent pas immédiatement l'enfant dans leur foyer. Des rencontres avec l'enfant adopté sont organisées dans le siège de l'association. Les membres de la nouvelle famille sont appelés à jouer avec l'enfant, parler avec lui pour nouer une relation affective . Le côté émotionnel de l'enfant est respecté. Les membres de l'association suivent pour leur part, les conditions d'intégration de l'enfant dans la famille. D'autre part, et depuis sa création, «Errafik» encadre les mères célibataires en difficultés psychologiques et organise des programmes de sensibilisation des jeunes contre l'abandon. Pour bien gérer cette action , l'association bénéficie d'une subvention annuelle de 30 mille dinars du ministère des Affaires sociales et des dons de personnes sensibles à la cause de l'enfance sans soutien familial. Chaque année et au mois de mars, l'association organise un petit déjeuner à son siège pour recevoir les dons. Au cours de l'année , elle vend des stylos et des calendriers pour renforcer ses ressources. Une caisse permanente est installée à l'entrée de la maison pour recueillir les offrandes des visiteurs. Mieux encore, le Dr Drira entend créer un projet propre à l'association de manière à lui garantir un revenu constant. «Le local actuel d'Errafik est loué`. Nous possédons un terrain à la route Soukra. Nous allons construire notre propre espace. Nous avons reçu une première prime du ministère de la tutelle pour le démarrage des travaux. L'association a besoin d'autres ressources pour avoir son propre local», conclut le président d'Errafik.