Avec son dernier numéro double, le 17ème/18ème, la revue Al Qalam, éditée par le Comité Culturel de Sfax, vient de réaliser un exploit, en bouclant un nouveau cycle de dix ans, marqué par un laborieux saut d'obstacles. Il faut dire que la publication s'est accoutumée à la longue à ce genre d'adversités à force de cumuler les infortunes, alternant, depuis sa première livraison, en 1968, éclipses et résurrections. Pour cette raison, sa dernière réapparition qui remonte en effet à dix, annonçant la naissance de la quatrième série, est perçue comme un véritable exploit. Tel est en fait le sort des publications sérieuses, ignorées par les sponsors, et condamnées à végéter étant nourries à la mamelle parcimonieuse des institutions publiques, elles-mêmes chichement pourvues. C'est ce qui explique le sentiment légitime de fierté éprouvé par l'équipe de rédaction dont le directeur du périodique, le professeur Ali Saâdaoui, se fait le porte parole, dans la préface, lui qui souligne : « La joie de toute l'équipe d'avoir relevé, quoique avec une réussite relative, le défi de la régularité et surtout d'avoir privilégié la qualité du contenu. » A propos du contenu, le dernier numéro double en date comporte comme à l'accoutumée deux parties, disproportionnées, l'une en arabe et l'autre en français. Les écrits quant à eux, traitent essentiellement de thèmes littéraires ou de civilisation. Le premier article, intitulé : « La dimension rationnelle du monothéisme, telle qu'illustrée par les versets coraniques » est une riposte, voire même, un réquisitoire dressé contre la frange d'intellectuels tunisiens ou arabes, qui, séduite par la pensée du Siècle des Lumières, y trouve le ferment idéal susceptible de permettre à la renaissance du monde arabo-musulman de lever, contestant par leur prise de position, toute dimension rationnelle à la religion, à la pensée et à la philosophie islamiques. L'auteur de l'article, Hamouda Ben Mosbah, entreprend par la suite d'appuyer sa thèse par des arguments tirés du Coran, de la Sunna, de la doctrine d'El Möotazla et de la philosophie d'Ibnou Rochd, pour mettre en exergue leur dimension hautement rationnelle. Dans son écrit : « Al Jahidh, le politologue », Abdallah Zrelli se propose de dévoiler l'aspect politique de la pensée d'El Jahidh, une dimension méconnue étant éclipsée par d'autres aspects de son œuvre où il s'est fait plus connaître comme homme de lettres, savant, critique et polémiste. Dans son article : « Les Musulmans et les Juifs au Moyen Age, quelles relations ? », Ammar Othmane rappelle l'attitude toujours tolérante des musulmans à l'égard de la communauté juive, traitée déjà par le Prophète Mohammed, sur le même pied d'égalité que les autres composantes de la société de l'époque. En effet, les Juifs qui ont toujours bénéficié d'un traitement égalitaire dans tous les territoires conquis, que ce soit en Perse, en Afrique du Nord, en Andalousie ou ailleurs, infligent de nos jours aux Palestiniens les pires atrocités, perpétrant les crimes les plus odieux, n'hésitant pas à commettre des génocides dans leurs rangs. Pour sa part, la partie française comprend trois articles : le premier, consacré au « rapport du Tunisen à l'environnement », signé Ridha Abdelmoulah, , le deuxième, écrit par Béchir Al-Arbi, est intitulé « la culture de l'entreprise, de l'emploi et le développement en Tunisie, tandis que dans le troisième, Mohamed Siala aborde le thème de l'écriture féminine comme l'indique le titre de son exposé : « Paroles et textes de femmes : caractéristiques, enjeux et différences sexuelles ». Deux poèmes émaillent également la partie francophone, à savoir « Hommage à un grand poète », œuvre de Mahmoud Ben Jemâa, dédiée à la mémoire de l'illustre Chebbi, et « Silence et souffrance », une diatribe enflammée, signée Mokhtar Borni, qui dénonce les horreurs impunies vécues par les Palestiniens, victimes désarmées de la barbarie israélienne.