Qui a dit « il n'y a pas d'images justes, il y a juste des images » ? C'est justement le champ assigné au documentaire, qui n'est pas une manière de verrouiller le regard mais bien au contraire, d'en élargir la portée, jusqu'à saturation pour saisir le réel dans le vif de la chair, à tailler dans l'âme, frontalement ou par des chemins de traverse, pourvu que la « représentation » de ce réel ne soit pas escamotée au profit d'une vérité trafiquée par l'autre bout de la lorgnette. Comme une manière d'en travestir le sens selon une logique implacable qui a fonctionné à merveille, à l'intérieur de systèmes fascistes, qui en ont maîtrisé les rouages, -et l'histoire la grande est là pour le rappeler- par le biais de propagandes soignées comme une chorégraphie au scalpel. Aujourd'hui, le documentaire s'est saisi du réel pour en faire son cheval de bataille, sur tous les fronts. Car c'est là que réside son intérêt. Sa force et sa noblesse aussi. A charge pour le spectateur potentiel, toutes latitudes confondues, d'en décoder le sens induit, à la lumière de ce qu'il dit et raconte sur l'état du monde. Comment va le monde ? Le documentaire répond : il va mal, très mal, mais ce n'est pas nouveau. Faut-il pour autant se déshabituer à ressentir l'impact des images qui viennent nous frapper de plein fouet parfois, pour nous rappeler quelques vérités élémentaires ? Rien n'est moins sûr… Le samedi 3 avril à 20h00, au Théâtre Municipal, le public de « Doc à Tunis » a rendez-vous avec un moment, particulièrement fort de la manifestation, à travers la projection d'un documentaire du palestinien Rashid Mascharawi : « L'ange de Bagdad » (Les petites ailes). Produit par le tunisien Habib Attia, il raconte, en établissant un parallèle entre les deux situations, le quotidien tragique des enfants irakiens, et par ricochet, palestiniens, qui sont les premières victimes d'une occupation, et d'une guerre, laquelle sous n'importe quel prétexte, et quelque soit la « parade » derrière laquelle elle se voile –la face-, les immole, sans pitié ni remords, sur l'autel de la bêtise la plus crasse. L'enfance dans tout cela, elle a maille à partir… Janvier 2009, quand Israël bombarde Gaza, le réalisateur palestinien est à Baghdad, en train de filmer le travail des enfants dans un Irak crucifié. Connaissant la réalité du quotidien des enfants Gazaouis dont il n'a de cesse de partager les angoisses et les peurs, et l'incertitude de lendemains qui défont chaque jour l'espoir, avec la peur de mourir chaque jour sous les bombes comme unique certitude, Rashid Masharawi filme, comme on témoigne de l'horreur, juste à la lisière de la vingt-cinquième heure, une réalité à découvrir, les yeux grands ouverts. Il ne faut pas qu'ils s'en détournent…