Le tabagisme passif est de plus en plus pris au sérieux par nos concitoyens qui commencent à comprendre la nécessité de choisir, pour travailler, lire ou se détendre, des espaces qui ne soient pas enfumés. Mais que peut faire l'épouse d'un fumeur invétéré si son mari s'obstine à lui empoisonner l'existence avec sa manie désastreuse ? Faut-il désormais porter plainte contre le conjoint ou demander le divorce pour un tel motif ? De guerre lasse, de nombreuses femmes tunisiennes subissent passivement et dangereusement la manie mortelle de leurs hommes. Mais elles ne sont pas les seules à en pâtir à la maison. Nous pensons bien entendu aux enfants du couple qui courent également les mêmes risques que leurs génitrices en plus de celui de suivre le mauvais exemple de leurs pères. Déjà avant même de naître, les enfants du fumeur ou de la fumeuse sont exposés, à certaines pathologies graves dues directement ou indirectement à l'intoxication par la fumée des cigarettes consommées par ceux qui les ont conçus et en particulier par la maman. Considérant que la lutte anti tabagique n'est pas l'affaire d'une campagne occasionnelle mais un combat de tous les instants et mus par le souci d'assainir l'air de tous nos foyers, nous avons pensé à écrire cet article qui démontre, études et chiffres à l'appui, que l'entourage immédiat du fumeur vit dangereusement tant que celui-ci n'a pas renoncé à « offrir » aux siens la mort en cadeau d'amour ! La mort en cadeau d'amour Dans une contribution du Docteur S.Mezghani du service pneumologique du CHU Farhat Hached de Sousse, on apprend que les pièces d'une maison qui ont été fréquentées par des fumeurs retiennent, outre les éléments cancérigènes contenus dans la fumée du tabac, « des substances irritantes et des produits toxiques, notamment des concentrations élevées de CO et de benzène ». Il y est dit aussi que la dose de fumée inhalée dans ces pièces par la personne non fumeuse correspond à la consommation de 0,1 à 2 cigarettes par jour. La même étude établit un lien évident et significatif entre le risque de cancer du poumon chez les épouses de fumeurs et l'exposition passive à la fumée de tabac rejetée par leurs époux : l'excès de risque est estimé à 30 % chez les hommes et à 20 % chez les femmes fortement et régulièrement exposés à cette fumée. Il a été avéré d'autre part que le tabagisme passif est associé à un excès de risque de maladies coronariennes (angine de poitrine et infarctus du myocarde). Le Docteur Mezghani, qui se fonde sur des études médicales très fiables, affirme que le risque d'accidents coronariens chez les non fumeurs exposés à la fumée de tabac de leur conjoint est de l'ordre de 25 %. « C'est, ajoute-t-il, le risque majeur de mortalité lié au tabagisme passif. » En effet, l'exposition prolongée à la fumée du tabac peut entraîner une augmentation du risque de thrombose artérielle, une diminution des capacités de transport en oxygène du sang (à cause de la teneur en carboxyhémoglobine) et un effet défavorable sur le profil lipidique avec baisse du HDL cholestérol. En outre, le conjoint du fumeur pourrait souffrir suite à l'inhalation passive du tabac, d'une réduction significative de la fonction respiratoire. Chez l'épouse (ou très rarement l'époux) asthmatique, le tabagisme passif aggrave les symptômes respiratoires et augmente l'hyperactivité bronchique non allergique. Bébés enfumés Les conséquences du tabagisme passif sur le fœtus et le nourrisson sont encore plus graves. Le Docteur Mezghani affirme que cette intoxication est responsable d'un retard de croissance et de petit poids de naissance, même lorsque la mère ne fume pas et qu'elle est seulement « enfumée » par son entourage. Si celle-ci est fumeuse, le risque d'infections respiratoires basses (bronchites et pneumonies) est de 70 %. Si les deux parents fument, le bébé peut souffrir d'otites récidivantes et là l'excès de risque est de 50 %. Le tabagisme passif peut par ailleurs déterminer l'apparition d'un asthme (risque attribuable de 30 % quand la mère fume plus de 10 cigarettes par jour) et chez l'enfant déjà asthmatique, il accroît le nombre de crises et la sévérité des symptômes. Mais la mort subite du nourrisson peut survenir dans certains cas. Donc si l'on aime son épouse ou son époux, si l'on tient à ses enfants chéris, ne vaut-il pas mieux leur épargner tous ces risques et contribuer à l'assainissement de l'air au milieu duquel la famille passe le plus clair de son temps ? Mais si l'on considère que la Tunisie entière est une grande famille, la sienne et celle de tous ses concitoyens, n'est-il pas préférable d'arrêter de polluer son air si prisé par les touristes de tous horizons ? Certes, c'est toujours difficile de renoncer à ce plaisir malsain que procure la cigarette, mais nous devons nous aider les uns les autres pour aider au sevrage tabagique. On peut bien sûr appliquer rigoureusement les lois sur le lieu de travail et dans les espaces publics ; mais peut-on le faire dans les chambres à coucher et les salons de tous les fumeurs tunisiens ?