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Mariages au « mixeur »
Mœurs sociales
Publié dans Le Temps le 03 - 06 - 2010

L'été est une saison propice aux rencontres pour bon nombre de jeunes tunisiens, une opportunité pour faire connaissance avec des femmes étrangères, essentiellement des touristes. Souvent ces rencontres s'achèvent par un mariage que l'on a pris l'habitude d'appeler « mixte », et que l'on pourrait qualifier d'hybride ou de métissé… Ce type d'unions peut durer toute une vie ou se briser sur les rochers des traditions, de la religion, de l'éducation des enfants.
Nous avons voulu ici faire le point sur ces rencontres improbables entre deux modes de pensées, deux univers étrangers l'un à l'autre…
Historiquement, il y a eu plusieurs vagues de mariages mixtes, avec tout d'abord ces étudiants qui sont partis dans les années 50 et 60 et qui ont ramené avec eux des épouses rencontrées sur place et qui les ont souvent aidés matériellement pour survivre dans des pays où la vie est chère et leurs moyens limités.
Puis il y a eu la génération de doux rêveurs directement influencée par la révolution idéologique de Mai 68. Leurs unions étaient basées sur une ouverture sur l'autre, sur un sentiment de citoyens du monde. Les crises qui ont depuis secoué le monde occidental ont vite fait de briser leurs rêves et leurs unions.
Le mythe du Bezness
Il y a enfin la troisième et dernière vague de mariages mixtes uniquement fondés sur l'intérêt mutuel : des jeunes tunisiens qui veulent avoir des papiers en règle dans des pays d'Europe et des étrangères, souvent âgées, qui sont intéressées par une relation stable, afin de vivre pleinement leurs dernières années… Des unions qui finissent mal trop souvent, car aucun sentiment réel ne lie les deux parties. Le film « Bezness » de Nouri Bouzid a d'ailleurs très bien analysé ce phénomène…
Le mot clé de toute union mixte, c'est la tolérance. Or aujourd'hui ce sentiment ne fait plus recette. Un sociologue résume la situation en ces termes : « déjà que la vie de couple n'est pas facile lorsqu'on appartient à une culture commune, que dire alors quand c'est avec une femme ou un homme d'une autre culture, d'une autre religion... Le mot tolérance laisse alors la place au rejet de l'autre et de sa civilisation. »
Une dame française de 42 ans, mariée avec un tunisien depuis près de vingt ans et ayant deux enfants confirme : « changer son style de vie, se fondre dans la culture de son conjoint, lui faire des couscous au Qadid, ne plus fêter Noël, devenir ce que on n'est pas : voilà ce que je ne pouvais plus accepter au bout de vingt ans de vie commune. » Elle est en instance de divorce et elle va rentrer chez elle avec un goût d'échec assez amer…
Elle a connu le père de ses enfants lors de vacances en Tunisie : « ce fut un coup de foudre et j'étais prête à tout pour rester avec lui. Mais avec le temps, de nombreux nuages sont venus assombrir notre vie. Sa famille ne m'a jamais acceptée, son caractère a changé, il me considérait comme sa bonne et non sa femme, nous avons eu des difficultés à trouver les prénoms à donner à nos deux enfants, puis il s'est enfermé dans une vision très stricte de ses traditions. J'ai tout donné, mais jusqu'à quand ? Je ressentais trop d'oppression, ce qui a abouti à un désir de séparation inéluctable… »
Des couples heureux
Ce qu'elle ne nous a pas dit, c'est ce que vont devenir ses enfants après son divorce. Resteront-ils auprès d'un père qui est très dur avec eux selon ses dires ou rejoindront-ils leur mère avec les difficultés matérielles qui se profilent déjà ? Aux dernières nouvelles, c'est sur ce sujet que la séparation achoppe depuis plusieurs mois…
Mais de couples mixtes heureux nous en avons rencontré aussi, elle enseignante, lui technicien, vivant en Tunisie sans trop de problèmes depuis plus de vingt trois ans. Le mari commence : « on a discuté tous les détails avant de nous engager et nous avons trouvé des solutions satisfaisantes pour nous et pour nos familles. Même pour les enfants, on s'est mis d'accord sur les détails avant de les concevoir : prénoms, éducation, religion… »
Sa femme précise « je suis moi-même née d'un mariage mixte franco-russe et je connaissais quelques aspects du problème à l'avance. Il faut apprendre à faire des compromis, à ne pas rester figé sur ses positions, mais aussi éviter de se sacrifier, de se fondre dans la culture de l'autre sans discernement. »
Leur fille unique a tout de même quelques problèmes avec ses camarades de classe au lycée : « on ne s'entend pas car ils sont partagés entre le respect des traditions et leur désir d'ouverture sur le monde... Quand ils s'aperçoivent que je suis de couple mixte, ils me prennent pour une fille facile, ce qui démontre que leur mentalité est assez rétrograde… »
Quant aux couples fondés sur l'intérêt mutuel, on en a rencontré deux seulement, car ils vivent le plus souvent en Europe et ne rentrent que rarement en Tunisie et ils ne sont pas très bavards de toutes façons. Avec eux, les choses semblent claires : de la compagnie et un peu de tendresse contre une carte de séjour qui permet à ces jeunes désespérés de se faire une petite place dans la vie et de ne pas être montrés du doigt par la société. Mais ils subissent tout de même la médisance et la méchanceté de leur environnement à travers des remarques désobligeantes. En général les femmes réagissent en ignorant ces remarques, tandis que les hommes baissent la tête et font semblant de ne rien voir. On nous rapporte une blague sur ce type de couples…
Un jeune tunisien de 28 ans, marié à une dame française de plus de cinquante ans retourne au pays pour les vacances d'été. Passant devant un café, la dame trébuche et tombe à terre. L'un des hommes attablés voit la scène et s'adresse au jeune homme en ces termes : « ramasse ta carte de séjour, elle vient de tomber… » Une méchanceté gratuite qui en dit long sur les mentalités de certains et leur refus d'accepter la différence.
En fait, c'est de plus en plus la religion qui cause des problèmes chez bon nombre de couples mixtes. Un homme de trente huit ans explique : « j'ai exigé que ma femme se convertisse à l'Islam avant même de la toucher. Je suis avec elle depuis dix ans et je n'ai pas à me plaindre. On passe le Ramadan en Tunisie et elle jeûne normalement. Pour les enfants, nous avons choisi des prénoms mais communs aux deux langues : Nadia et Sami. »
Quant à savoir pourquoi il n'a pas choisi une tunisienne pour se marier, il affirme : « la tunisienne est trop matérialiste, elle calcule trop, ne cherchant qu'à pomper le fric de son homme. Alors épouser une tunisienne, non merci. J'en ai assez bavé avec elles… »
Au cours de cette enquête, nous avons rencontré des sentiments les plus contradictoires : l'amour et la haine, la tolérance et la xénophobie, l'acceptation et le rejet. Les victimes ce sont les enfants, déchirés entre deux parents, entre deux pays, entre deux visions du monde...


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