Les spéculateurs ont la peau dure. S'ils se font discrets pour un temps, c'est pour mieux rebondir au moindre signe de pénurie d'un produit. Et si pénurie il n'y en a pas, ils font tout pour la provoquer. L'année 2007 fut l'une des plus fastes pour eux avec la flambée des prix de presque toutes les matières premières y compris les produits céréaliers qui avaient atteint des sommets jamais observés dans l'histoire. Un vent de panique a soufflé sur toute la planète faisant croire à la pire des pénuries alimentaires au point que plusieurs pays dont les excédents en céréales étaient importants et qui avaient pour tradition d'exporter leur surplus vers ceux qui sont en manque ont mis un frein à leurs exportations de peur d'une pénurie chez-eux. Une aubaine pour les spéculateurs dont la contribution à la montée des cours a fait à ce moment scandale, même si cela avait fait l'affaire – en partie bien sûr – des producteurs. Et il a fallu la conjugaison de deux facteurs pour que la tension entretenue sur le marché mondial baisse d'un cran :La crise financière et de bonnes récoltes en Amérique comme en Europe de l'Est notamment (Ukraine et Russie). Mais, le mois de juillet a fait ressurgir le spectre d'une nouvelle flambée qui s'est vérifiée avec la hausse spectaculaire des cours du blé. Les nouvelles venant de Russie sont loin d'être rassurantes avec la sécheresse et les canicules qui y sévissent. La chute de la production est estimée à 25% par rapport à la récolte de la saison dernière. Par ailleurs les rendements seront probablement médiocres en Europe du Nord comme en Ukraine. Le Canada serait aussi concerné par la baisse de production du blé pour cause de pluies excessives, selon le Conseil international des céréales qui prévoit en outre une stagnation de la demande, mais il appelle à la vigilance dans un contexte d'instabilité des marchés. Vigilance d'autant qu'en Chine on prévoit une chute de 5% à 7% de la production du riz. Tous les ingrédients sont donc là pour que les spéculateurs sortent la tête de l'eau et prennent d'assaut un marché fébrile qui, en dépit de toutes les promesses faites et les engagements pris par les gouvernements des grandes puissances à la suite de la crise alimentaire de 2007, n'obéisse qu'à une seule règle : celle de la spéculation. Celle-ci est bien attisée aussi par la famine menaçant certains pays du Sahel africain (Niger, Mali entre autres). Et dire, que les stocks mondiaux en céréales sont très élevés (370 millions de tonnes) ! La loi du marché semble faire fi de ce genre de calculs, et mise plutôt sur les effets pervers de la rumeur qui est plus marquante que toutes les analyses et les discours rassurants distillés par les pouvoirs publics appelés à la plus grande fermeté pour faire face à cette loi de la jungle des spéculateurs qui, au grand dam de tous, font la pluie et le beau temps, mettant à profit, il est vrai les mécanismes du tout libéral inauguré au lendemain de l'avènement du président Ronald Reagan à la tête des Etats-Unis, au début des années 1980. La crise de 2008 et ses conséquences encore pesantes avaient pour un moment réveillé les consciences pour une véritable régulation des marchés des matières premières, avec des mécanismes efficaces et adoptés par tout le monde. Mais force est de constater qu'une fois la reprise – aussi fragile soit-elle-est là, on fait comme si de rien n'était jusqu'au jour où une nouvelle secousse vienne – interpeller les esprits sur une réalité qui doit changer, pour que le sort des milliards d'humains – surtout les plus démunis d'entre-eux ne soient pas à la merci d'une poignée de personnes dont la cupidité et l'amour du gain facile sont la seule devise.