Les feuilletons ramadanesques tunisiens sont les gens du pays des véritables sources d'apprentissage et de savoir. La majorité d'entre nous est scotchée à la télévision du début de la diffusion à sa fin de peur de rater une scène, un plan, un simple geste ou un petit mot. Plus que El Aroui, que les décideurs ou les enseignants toutes catégories confondues, ces personnages, crées par des scénaristes qui sont loin de casser des briques, font la pluie et le beau temps dans le cerveau des millions de téléspectateurs qui sont fin prêts pour avaler tout et n'importe quoi. On déteste les méchants, non pas les personnages mais les comédiens qui les campent, l'on pleure les malheureux l'on applaudit les héros et l'on tombe amoureux des gentils et beaux jeunes premiers. Ces deux premières semaines les quatre chaînes tunisiennes nous ont livré quatre feuilletons concoctés avec pratiquement les mêmes ingrédients à tel point qu'on ne sait plus si un tel qui vient de mourir appartient au feuilleton de Canal 7 ou celui de Hannibal, de Canal 21 ou de Nessma. Et dès le moment où l'on commençait, enfin, à démêler telle histoire d'une autre, trois sur quatre des feuilletons furent condamnés au néant. Ne demeura que celui de Hannibal. Les ingrédients sont immuables depuis quelques années : trahison, amour impossible, riches et pauvres, gendarmes et voleurs, victimes et mafiosis… Peu importe dans quelle sauce les nouveaux seigneurs du banditisme traficotent, l'essentiel est qu'ils aient des voitures qui n'ont rien à envier à ceux des parrains siciliens et des villas qui comptent quelques millions de dinars. Il y en a même un qui s'occupe de vol de moutons et ça rapporte autant que s'il touchait au trafic de drogue, celui de la devise ou du blanchiment d'argent. Les Tunisiens ont –ils à ce point besoin de héros qui gravitent en dehors de la loi ? On nous montre des personnages ivres mais on ne nous montre jamais d'alcool, d'autres qui fument des produits stupéfiants mais on ne voit jamais de drogue, des couples sans contrat qui se voient en secret mais qui restent habillés comme s'ils étaient au bureau, un fils qui revient des Amériques pour surveiller sa mère qui sort avec un gigolo plus jeune qu'elle alors que jusque-là c'étaient les parents qui surveillaient leurs enfants, des guignols qui après avoir talé avec succès dans les rubriques socio-politiques chutent rapidement dans les querelles sportives avant de disparaître définitivement. On voit des comédiens qui jouent leur propre rôle, d'autres qui se croient tout permis et qui crachent un texte qui n'est même pas un prétexte, d'autres qui dandinent avec des costumes qui ne sont même pas dignes de figurer dans de la friperie de luxe. Tout le monde fait… fait… fait ce qu'il lui plait et nous sommes bougres de téléspectateurs obligés et heureux d'avaler la soupe à deux sous que les nouveaux maîtres de la culture télévisuelle veulent bien nous donner à aspirer. Bien sûr qu'il y a quelques remarques positives comme le fait que les jeunes comédiens ont ramené une nouvelle façon de jouer avec beaucoup de sobriété, de retenue, d'absence de cris et d'aboiement hache-nerfs, que certains techniciens maîtrisent parfaitement leurs lumières mais ce sont surtout les scénaristes et les dialoguistes qui sont à coté de la plaque et qui, pour avoir réussi une ou deux créations, se prennent soudainement pour les dieux de la plume. Du calme cher Maestro ! Un peu de modestie n'a jamais tué personne. D'autant que franchement, vu vos références et les sources ou vous puisez (ou volez) votre aspiration, vous êtes loin de prétendre à quoi que ce soit !