Face à une concurrence de plus en plus « sévère », le tourisme tunisien, trop centré sur un « tourisme de masse » estival, doit se diversifier et promouvoir davantage les nombreux atouts dont le pays dispose. Il faut d'abord formuler deux postulats. La Tunisie ne devrait pas souffrir d'une « basse saison » parce qu'elle bénéficie d'un climat très doux en automne et au printemps dans tout le pays et dans le Sud, en hiver. D'autre part, le touriste ne vient que dans les endroits qui méritent d'être fréquentés parce qu'ils sont « originaux » et qu'on les lui a fait connaître sans lui mentir à propos de leur intérêt et de l'accueil qu'il y trouvera. Le géotourisme Sachant que, par exemple, 35 % des touristes américains s'intéressent à la géologie, qui, en plus du « Parc des dinosaures », assure la promotion des grottes des Jebels Zaghouan et Serj, dont la profondeur des « puits » et la taille des salles sont peut-être des records africains ? Qui présente la couche alluviale, contenant de l'iridium et expliquant la disparition des dinosaures, qui se trouve près d'El Kef et qui est une référence mondiale ? Certes, on commence à visiter le synclinal perché de la « Table de Jugurtha » mais personne ne dit mot des récifs coralliens fossiles des Jebels Slata et Jérissa voisins ainsi que des couches de phosphate du Sraa Ouertane et de Redeyef associés à des sites préhistoriques. Et il existe encore bien d'autres « curiosités » géologiques en Tunisie. L'écotourisme Il va depuis la promenade champêtre jusqu'au voyage d'étude scientifique. Nous avons fait venir au printemps dernier un groupe de 10 amis orchidologues. Ils ont « laissé » chacun 800 dinars de frais de séjour en une semaine de promenade à la recherche des orchidées sauvages. Leur dernier souper à la Goulette a coûté 700 dinars. 70 dinars par personne, cela fait 38 € environ : un repas dans un restaurant « moyen » en Europe. On est loin des séjours, tout compris, à 150 ≈ 200 €. La faune et la flore, relativement bien conservées, très souvent curieuses parce qu'endémiques, intéressent beaucoup de gens. En 2005, au pied de la « Table de Jugurtha » une orchidée inconnue était découverte : l'Ophrys atlantica. Dans quelle rubrique ranger « l'accrobranche », les nuits dans les chalets perchés dans les arbres à 100 € ≈ 180 dinars l'une ? El la chasse photographique ? Et l'observation de la nature et du ciel la nuit ? Dans le numéro d'août dernier de la revue « Terres sauvages », nous avons noté 10 propositions de « Nuit des Etoiles » durant ce mois-là, rien qu'en France ! Le sociotourisme Tant pis pour le néologisme ! La vie rurale en Tunisie, encore très traditionnelle, offre le battage des céréales par les sabots des chevaux, les labours à « l'araire » : une charrue néolithique, la cueillette des dattes et des olives, les Zerdas campagnardes, la préparation des provisions : couscous chemsi, m'hamsa, h'lèlim, le filage de laine avec une quenouille, le tissage des kachabia, la pâtisserie et la gastronomie régionale, la préparation des « pains » etc … Quels aspects sont montrés aux visiteurs ? N'est-ce pas ainsi créer, modestement, le « dialogue des cultures », prôné par le Président de la République ? Pour nous, le tourisme, c'est aller ailleurs pour connaître les autres. Faut-il encore prendre le temps de descendre des cars climatisés. Il y a 30 ans que des randonnées, avec logement chez l'habitant, sont organisées au Maroc ! Le tourisme « intégral » C'est prendre le temps, à pied, à cheval, à V.T.T. de regarder la Tunisie, de voir sa faune et sa flore changer en fonction de la nature du sol et du climat, de rencontrer les Tunisiens, de les connaître en mangeant, en travaillant et en dormant chez l'habitant. Cela revient à laisser son argent en Tunisie au lieu de le donner au Tour-opérateur ! Il existe encore bien d'autres atouts à exploiter sans gros investissements : tout le long du littoral et en particulier à Kerkennah où la mer est « singulière » : la promenade, la pêche, la plongée et le cabotage côtier sont tout à fait possibles et sans risques, les bateaux étant inchavirables et insubmersibles. A l'occasion, de très nombreux petits sites antiques et musulmans, les minuscules « hammam » ruraux, le trou soufflant de la vapeur chaude du Jebel Trozza, les très nombreux marabouts, vivement vénérés et les légendes qui illustrent leur vie, sont tout à fait capables de retenir l'attention des visiteurs. Qui a pensé organiser un « Tour des Grandes Mosquées » de Tunisie ? Qui emmène des touristes « sur les pas de Jugurtha » luttant contre l'impérialisme romain ? Qui organise des trecks dans les collines, de Bizerte à Tabarka, dans les monts de l'Ouest, d'Aïn Draham à Kasserine, dans les immensités du Sud-Est à partir de Tataouine, Médenine ou Matmata, le long de « la route du marbre » de Chemtou à Tabarka ou celle des « Haouanet » dans les collines des Mogod ? Nous pensons que ce ne sont ni les idées, ni les centres d'intérêts qui manquent mais les initiatives innovantes que nous pensons peu risquées parce que, nous nous répétons, elles n'exigent, au départ, que des investissements modestes.