Picasso, tel est le surnom du maître à jouer de l'Espérance de Tunis, Oussama Darragi. Le sobriquet en dit long sur les qualités de ce véritable artiste du ballon rond. Il faut dire que sa palette technique est des plus complètes. Meneur de jeu au toucher de balle incomparable, il sait tout aussi se muer en un diabolique buteur. A l'heure d'affronter Al Ahly à l'occasion des demi-finales retour de la Ligue des champions de la CAF, le club de la capitale tunisienne compte bien profiter de l'inspiration de son numéro 10. Et si les chances de qualification pour la finale demeurent intactes pour le Taraji, c'est en partie grâce à Darragi. Au match aller, alors que son équipe était menée 2:0, il a profité d'une grossière erreur de la défense cairote pour réduire la marque. Un but qui maintient à l'évidence l'espoir de l'Espérance dans sa quête d'une deuxième couronne, après celle obtenue en 1994. A 23 ans, le capitaine des champions en titre de Tunisie fait ainsi déjà parler l'expérience. FIFA.com a d'ailleurs pu s'en rendre compte au cours d'un entretien exclusif qu'il a accepté d'accorder. Sa décontraction avant le match décisif contre l'équipe égyptienne est significative de la maturité affichée par ce pourtant jeune joueur : "On est tranquille et serein. Normalement, on a les moyens de passer et de se qualifier pour la finale qui demeure le premier objectif de l'Espérance et de tous mes coéquipiers", avoue-t-il posément. "Mon statut de capitaine ne me met pas de pression outre-mesure. Je pense avoir aujourd'hui suffisamment d'expérience pour bien vivre cette pression et, au contraire, la transformer en une énergie positive." Succès précoce d'un génie Cette expérience, il l'a acquise en seulement trois ans ! Enfant de Tunis, il intègre le groupe pro de l'EST en 2007 et son influence dans le jeu va dès lors accroître de manière exponentielle. Il gagne ses premiers titres, la Coupe de Tunisie et la Coupe nord-africaine des vainqueurs de coupe lors de sa première saison. Il éclate véritablement à la seconde. Tandis que son club s'offre des sacres en championnat de Tunisie et en Ligue des champions arabes, lui en profite pour illuminer de son talent les pelouses maghrébines et être élu meilleur joueur tunisien 2009. La saison 2009/10 sera celle de la confirmation. Il devient non seulement incontournable en club, mais aussi en sélection. La réussite ne va toutefois pas être la même. Alors que l'Espérance parvient à garder son trône en Ligue 1, le vent nouveau qu'il amène en sélection n'est pas suffisamment fort pour permettre aux Aigles de Carthage de s'envoler vers Afrique du Sud 2010. Une blessure encore vive pour Darragi : "Nous n'avons pas encore digéré cette non-qualification. Pour dépasser cette déception, il faudra un peu de temps, de la patience et surtout une succession de bons résultats pour se remettre réellement en selle et se projeter dans l'avenir." Il faut croire que l'Espérantiste s'y attelle. Ce dimanche 10 octobre, contre le Togo, rentré en cours de jeu à 1:1 au côté d'Amine Chermiti, il a débloqué une situation mal embarquée d'une louche astucieuse pour son compère. Il permettait ainsi à la Tunisie de s'offrir un succès indispensable sur la route de la CAN 2012. Mais le héros a le succès modeste : "Pour devenir un joueur-cadre de l'équipe nationale, il faudrait s'y installer durablement et être toujours au top!" Un Picasso en Espagne ? Deuxième de son groupe derrière une équipe du Botswana qu'elle rencontre le 17 novembre prochain à domicile, la Tunisie peine donc à regagner les cimes du football africain. "Pour moi, la Côte d'Ivoire est la meilleure équipe du moment en Afrique", constate Darragi. A défaut, il s'offre donc la possibilité d'atteindre le toit du Continent Mère avec son club… Et il n'en a jamais été aussi proche. A 90 minutes d'une finale, il sait que ce deuxième match contre Al Ahly, va "se jouer sur un petit détail. Soit une opportunité qu'il faut mettre au fond, soit un geste défensif de qualité qui peut sauver le résultat. Le but que l'on a marqué à l'aller peut valoir son pesant d'or", et de conclure "la concentration est la clé dans ce genre de match." Une qualification le rapprocherait en tout cas un peu plus d'autres rêves. Au premier rang desquelles se trouve celui, certes inavoué, de participer à la Coupe du Monde des Clubs de la FIFA, E.A.U. 2010. "Ce n'est vraiment pas le moment de songer à ce rendez-vous qui doit être fabuleux et que tout joueur voudrait vivre au moins une fois dans sa vie. On y pensera en temps voulu", assure-t-il dans un grand sourire. Mais aussi celui d'évoluer, un jour, en Europe: "Comment ne pas rêver de jouer sur le vieux continent ? Maintenant, la Liga espagnole me semble la plus spectaculaire..." L'Espagne n'aurait pas de trop d'un nouveau Picasso !