Le journalisme "undercover" à l'anglaise a encore frappé, mardi et hier en Grande-Bretagne. Deux journalistes du Daily Telegraph ont réussi à se faire passer pour des militantes du parti libéral-démocrate et obtenir ainsi des confessions peu amènes de plusieurs ministres libéraux sur les conservateurs avec lesquels ils gouvernent. Vince Cable, le ministre du commerce, en est la principale victime. Dans un article publié par le Daily Telegraph, il critique de manière très virulente "ses amis conservateurs". "Je détiens l'arme nucléaire. (…) S'ils me poussent trop loin, alors je peux quitter le gouvernement et provoquer sa chute et ils le savent", a notamment fanfaronné le ministre, dans les premiers extraits publiés en "Une" du quotidien. Il a ensuite énuméré les sujets de discorde avec le parti conservateur et critiqué l'"espèce de révolution maoïste en cours dans nombre de domaines", ajoutant que le gouvernement essayait "de faire trop de choses à la fois". Il évoque notamment le contentieux sur la suppression des allocations familiales universelles et l'augmentation des droits d'entrées dans les universités, qui a suscité de violentes manifestations. Des extraits complémentaires diffusés mardi après-midi ont été encore plus dévastateurs. "J'ai déclaré la guerre à [Rupert] Murdoch. Je pense que je vais la gagner", a-t-il assuré en se targuant de pouvoir bloquer — en sa qualité de ministre de tutelle — les projets de prise de contrôle de BSkyB par le patron américano-australien de l'empire des médias News Corp. Ces confidences ont coïncidé avec le feu vert donné mardi par la Commission européenne au projet de rachat par News Corp. de la totalité de BSkyB. Un porte-parole du 10 Downing Street a qualifié de "totalement inacceptables et inappropriés" les propos du ministre, en conséquence dessaisi de ce dossier. La question est en effet délicate, puisque Rupert Murdoch a soutenu la campagne victorieuse de David Cameron, après avoir appelé à voter travailliste pendant plus de dix ans. Mardi soir, le Daily Telegraph a mis en ligne de nouveaux enregistrements d'autres responsables libéraux. Le secrétaire d'Etat pour l'Ecosse, le ministre des retraites, le secrétaire d'Etat au commerce et le ministre des transports ont tous été pris au piège et font devant les journalistes des déclarations très critiques sur leurs alliés conservateurs. Ces "confidences" tombent doublement mal. Elles ont placé sur la défensive le premier ministre conservateur David Cameron et son adjoint libéral-démocrate Nick Clegg. Tous deux ont été à la peine mardi, lors de leur dernière conférence de presse conjointe de l'année, pour convaincre les journalistes du bilan positif et de l'avenir de leur coalition, après huit mois d'existence.