Par Mustapha Baâzaoui - " Dégage " était le dernier slogan qui a réuni et uni tous les Tunisiens pour exprimer le ras-le-bol collectif et unanime du régime de Ben Ali. En fait, ce " Dégage " traduisait une révolte contre un style de gouvernance et une certaine manière de gérer la fonction suprême qui n'était pas digne du peuple tunisien. Une association de psychopathes, d'affamés et d'illettrés usaient des moyens de l'Etat pour faire main basse sur le pays. A sa tête un Ben Ali qui passait, apparemment, son temps à compter et recompter les liasses des billets de banque au vu du stock en sa possession. Chose qui l'empêchait de voir autour de lui et d'oublier qu'il était à la tête de la destinée d'un Etat et d'un peuple. Sa fuite prouvait à quel point il avait peur au point de tout laisser tomber même son honneur militaire, qu'on est maintenant certain qu'il ne l'a jamais eu. Toutefois, la main mise de cette association de gangsters sur le pays a été possible grâce à la complicité d'au moins trois rouages ou mécanismes. Le premier étant l'appareil sécuritaire et à sa tête la direction ou le Département des renseignements, " on ne connaît même pas sa dénomination exacte ". Cet outil sécuritaire, qui normalement est au service de l'Etat tunisien pour se prémunir contre les dangers extérieurs et intérieurs, est tout simplement devenu le Bodyguard de la famille corrompue. On a du mal à comprendre la servilité sans faille de cet appareil dans sa totalité aux pratiques d'oppression et de persécution pour défendre une société familiale corrompue. Comment ces fonctionnaires acceptaient volontiers ce rôle crasseux alors qu'ils étaient les mieux nantis et les premiers censés à révéler, par preuves, les dérives et les abus des membres de ces familles ; la collecte et le pistage d'informations étaient leur gagne pain. Au contraire, leur détermination à déraciner les hommes libres, les opposants, les étudiants, les juges, les avocats et tous ceux qui défendaient les droits de l'homme, était d'une brutalité révoltante. Combien de gâchis et d'injustices ont été commis par ces fonctionnaires ? Combien de familles écrasées et détruites en toute impunité et en passe-droit ? Combien d'innocents ont été les proies faciles et faibles de la séquestration, de l'humiliation et de la torture ? Combien de montages diaboliques d'inculpation et de délation ont été suscités et fomentés en toute impunité ? L'autorité que procure cette fonction doit être révisée dans le cadre de la loi comme toutes les polices du monde. Un fonctionnaire de la police ou des services de la sécurité n'est en fin de compte qu'un fonctionnaire payé pour le travail qu'il effectue comme tout citoyen. Il ne le fait pas gratuitement pour bénéficier d'une quelconque impunité et se permettre tous les abus hors de la loi et des poursuites. La deuxième institution c'est celle du RCD, qui se proclame comme parti politique. Les responsables du RCD doivent être jugés sans délai au moins pour deux raisons. D'abord ils étaient directement complices dans l'édification et la synthèse de ce modèle de gouvernance qui reposait sur le vice, la bassesse et le dérèglement. Ensuite, un parti politique aurait normalement défendu ses valeurs, s'il en avait, face aux débordements du régime. Au contraire, lui-même était une composante de l'appareil policier et un pilier de ce système qui semait la peur et l'illégalité. Son implication directe dans les magouilles du système, son mutisme et sa connivence avec les dérives de l'appareil exécutif montre à quel point son projet politique ne différait en rien des pratiques et méthodes mafieuses de ces familles. Ce modèle de gouvernance brutal soutenu et allaité par le RCD n'était même pas digne d'une République bananière, que dire d'un pays millénaire comme le nôtre. Raison pour laquelle ses responsables doivent être jugés pour haute trahison vu qu'ils ont, tout simplement, trahi les aspirations d'un peuple, d'une Histoire et de toute une Nation. Le RCD était l'Anaconda de Ben Ali et Co. par excellence. Le troisième cercle est celui des hauts fonctionnaires, conseillers et tous les lécheurs, sans pudeur, qui ont escaladé les marches de la fonction publique et de l'enrichissement illicite grâce à leur asservissement et leur servilité. Ce cercle est plus large que l'on pense. Il regroupe les conseillers du palais, les hauts fonctionnaires de l'administration publique, comme celui du secteur privé, les juges, les avocats, les hommes d'affaires, les banquiers, les membres du soi-disant parlement, les gouverneurs et délégués, les maires et certains conseillers municipaux qui ont signé et parafé la vente des biens publics ou ratifié des expropriations dans le tort et en connaissance de cause. Toute cette armée doit au moins être paralysée pour éviter la destruction des documents et des supports qui les condamnent. L'Egypte nous donne l'exemple des purges qu'il fallait faire au lendemain de la fuite de Ben Ali. Dans le sens qu'elle n'a pas hésité ni réculé pour prendre les décisions qu'il faut en parfaite harmonie avec l'essence de la " Révolution ". Les hauts fonctionnaires ont été mis sous résidence surveillée avec le gel de leurs avoirs en attente de leur jugement, la dissolution automatique du Parti National au pouvoir l'équivalent de notre RCD. La dissolution du parlement et l'annulation de la constitution, la nomination d'un chef de gouvernement sur proposition du comité de la sauvegarde de la Révolution. Enfin, et ce n'est pas le moindre, la dissolution de la direction de la Sûreté de l'Etat organisme jumeau du nôtre. Le plus important dans cette dernière mesure c'est la réflexion engagée par le Comité de sauvegarde de la Révolution sur la nature, la prérogative et la fonction d'une pareille institution. Cet organisme doit être, désormais, au service de la sécurité de l'Etat qui est par définition le corollaire de la sécurité du pays et non un organisme au service des penchants politiques, idéologiques ou personnelles des hauts commis de l'Etat. Cette question ne semble pas poser dans les régimes démocratiques qui réussissent à sauvegarder l'intégrité de la sécurité de l'Etat malgré l'alternance des courants politiques et idéologiques à la tête de la fonction suprême.w