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Les réformes à engager
Publié dans Le Temps le 22 - 03 - 2011

Par Chokri JAOUA - Cadre de Banque - Des mots, rien que des mots, sans plus, cela manque de contenu, de contenant. On ne bâtit pas un programme politique, économique, social, culturel avec des mots, des prises de position, aussi nobles soient-elles, sans vision, sans participation de compétences dans les divers secteurs et domaines à réformer, l'agriculture, l'industrie, les services, l'éducation, la santé, la justice, l'intérieur, la défense, la politique étrangère, le transport, le tourisme, le secteur financier, la bourse, la fiscalité, le développement régional, national et international, les médias, la communication, et bien d'autres secteurs encore.
Chaque secteur, chaque domaine d'activité a souffert durant le demi-siècle passé d'un manque de clairvoyance, de compétences, de formation, de volonté de s'attaquer aux vrais problèmes de la part des politiques, qui reportaient toujours à demain ce qu'ils auraient pu engager aujourd'hui.
La poudre aux yeux
Le politique gagnait du temps, apportait de la poudre aux yeux, du clinquant pour se voiler la face et faire croire au miracle tunisien. L'artisan du changement a été l'artisan, il est vrai, de la voiture populaire qui ne garde aujourd'hui que le nom au vu de son prix, de l'encombrement des routes, l'artisan des ponts, des échangeurs, des tunnels, des autoroutes vides, comme celles de Bizerte et Oued Zerga. Les investissements sont impressionnants, mais, pendant ce temps, on sacrifie le transport, terre, ciel et mer, le transport en commun, le ferroviare, train et métro réunis, les bus qui datent de l'an quarante, servant à polluer l'atmosphère, à donner du travail au ministère de l'environnement ou à envoyer ses usagers à l'hôpital, bondés qu'ils sont avec des portières ne fermant pas, et les citoyens à l'institut Salah Azaiez.
Bien sûr, l'embellissement, l'élargissement des routes, les tunnels, les échangeurs, les ponts étaient destinés à la capitale et à certaines villes princières. Les routes de l'intérieur, on s'en souciait comme de l'an quarante. La route menant de Ain Draham à Tabarka, par exemple, date de l'avant indépendance et son état se dégrade, année après année, avec les pluies, la neige, les avalanches, les accidents survenant sur cette route escarpée. Toutes les crevasses agrémentant l'ensemble des routes de Tunisie ne font quant-à elles jamais l'objet de travaux, faisant la robustesse de nos pneux qui, s'habituant au calvaire qui leur est réservé, deviennent plus résistants que ceux roulant sur des autoroutes européennes qui rendent l'âme beaucoup plus rapidement, tous les 40 ou 50 mille kilomètres, alors que les notres dépassent allègrement le cap des 100 mille kilomètres.
L'éducation
Parlons maintenant des compétences, la Tunisie s'enorgueillit de son enseignement et d'avoir, aujourd'hui, un peuple éduqué, formé, au point qu'un diplômé du supérieur sur deux ne trouve pas de travail. Pourquoi ? Tout simplement, parce que notre école, notre université accueillent, sans moyens, sans compétences suffisantes, des centaines de milliers d'élèves, d'étudiants, de conditions sociales diverses, ne partant pas à chances égales à qui on propose une seule et même formation élitiste, forcément inadaptée aux différentes catégories de jeunes qu'elle sont supposées former. Au lieu de réfléchir à des formations à la carte, à des formations sur mesure, on continue à offrir du prêt-à-porter à tout le monde, sans aucune différenciation. On sert la même soupe à tout le monde, puis on s'étonne, après coup, du faible degré d'assimilation des élèves, des étudiants qui rechignent à lire, à travailler, qui ne savent à l'issue du primaire ni compter, ni lire, ni écrire. A l'issue du secondaire et du supérieur, nos lycéens, nos étudiants continuent à ne pas savoir écrire, ni communiquer, en quelque langue que ce soit.
En fait, l'école, le lycée, l'université semblent être réservés uniquement aux brillants, aux matheux, à l'élite qui, naturellement, n'a quasiment pas besoin de professeurs pour apprendre, tellement l'élève dépasse souvent le maître. Les autres suivent avec difficulté, tentent de rattraper le train en recourant aux cours particuliers qui permettent de passer, chaque année, in extrémis à la classe supérieure. Les géniteurs que nous sommes jouent le jeu, croyant qu'avec le bac en poche, l'université pour tous, au choix de l'ordinateur, que leurs enfants obtiendraient le fameux sésame pour l'emploi, le diplôme qui, finalement, ne débouche sur rien. On s'en rend compte aujourd'hui, mais le système était conçu ainsi, donner du plaisir aux gouvernants qui avaient l'impression d'offrir des formations, ainsi qu'aux parents qui avaient l'impression que leurs enfants se formaient, réussissaient leur vie, allaient bénéficier comme eux de l'ascenseur social qui avait fonctionné du temps de Bourguiba où on ne comptait que quelques milliers d'étudiants, mais qui était tombé en panne, depuis l'avènement de Ben Ali, où les étudiants se comptaient par centaines de milliers. L'école, l'université ne faisaient plus de tri, depuis longtemps. Tout le monde ou presque devait obtenir son diplôme. L'école, l'université qui faisaient le tri à tous les niveaux, à la sixième, au bac, à l'université, a cessé de jouer aux gares de triage. Il n'y avait plus de filtre, mais on ne prenait pas le temps avec ceux à qui il faudrait plus de temps à apprendre à lire, à vivre. L'école devrait laisser à l'enfant le droit à apprendre, à son rythme.
Les professeurs n'étaient pas également formés à enseigner, à communiquer et me rappellent, par certains côtés des professeurs de l'ancienne génération qui passaient leur temps à rabaisser leurs élèves, à leur dire qu'ils étaient nuls, bon à rien, de bons à rien devenus, malgré tout, les cadres de la nation. Apporter l'amertume dans les classes ne sert à rien et se traduit forcément par des rapports conflictuels qui n'aident pas l'élève, l'étudiant à progresser, d'autant que certains de leurs professeurs ne maîtrisent plus les langues, ne lisent plus et sont obnubilés par leurs gagnes pains, les cours particuliers, au point, où même les enseignants d'éducation physique s'associent aux propriétaires de salles de sport pour préparer les élèves du baccalauréat à avoir 18 sur 20 dans cette discipline. Même l'éducation physique était devenue objet de marchandages, au point que le ministère a décidé tout simplement son abolition, comme s'il s'agissait de la peine de la mort.
L'école, l'université ne sont pas ouvertes au monde du travail, de l'entreprise. Je ne me rappelle pas, une seule fois avoir présenté un travail, avec un groupe, au cours des quatre années que j'avais passé à l'université tunisienne. Il faudrait favoriser le travail de groupe, pour donner de l'autonomie à l'élève, l'étudiant. Ils apprendraient ainsi à se prendre en charge. Le cours magistral est toujours utile, mais il devrait coexister avec d'autres manières d'apprendre. Je ne me rappelle pas également, durant ces mêmes années, avoir assisté à une conférence, organisée par l'université sur un sujet déterminé et je ne me rappelle pas, en dehors des stages effectués durant l'été et ne faisant l'objet d'aucun suivi de la part des maîtres de stage, avoir eu aucun contact avec le monde de l'entreprise.
L'école, l'université étaient sclérosées et n'avaient même pas intégré l'évolution des technologies et des techniques de la communication, continuant à fonctionner de la même façon que dans les années 80, ou encore moins bien puisque le peu de moyens, concentrés alors sur Tunis, Sousse et Sfax se sont dispersés dans les régions, pour faire croire aux zones déshéritées que l'université allait à eux, ce qui évidemment était une hérésie. Il ne suffit pas de construire des murs pour faire une université.
Il en faut bien davantage, chacun le sait, des enseignants à plein temps, des professeurs, des maîtres de conférences, des maîtres assistants, des assistants, des laboratoires de recherches que la Tunisie n'avait pas en nombre suffisant, des moyens, un environnement que les régions n'étaient pas à même d'offrir.
La formation, c'est plusieurs choses à la fois. Un savoir, transmis de plus en plus difficilement à des classes surchargées, hétérogènes, un savoir faire et un savoir être, une préparation à la vie active qui ne font tout simplement pas partie du cursus académique, ignorés par nos programmes. Nos enseignants n'ont pas été également formés à ces évolutions et n'ont aucun moyen pour organiser des sorties au musée, aux sites archéologiques, des visites d'entreprises, des week-ends en montagne, au Sud pour faire découvrir aux enfants les merveilles de la Tunisie et s'ouvrir sur son environnement. Les lycées, les universités, les foyers n'ont pratiquement aucune vie associative, culturelle, politique et la seule activité qui subsiste difficilement est finalement l'activité sportive, avec de trop faibles moyens. Les travaux de recherche ne sont pas encouragés, les professeurs ne sont pas formés, les échanges avec l'extérieur, les universités étrangères sont pour ainsi dire inexistants et lorsqu'ils existent se réduisent à une peau de chagrin. Les professeurs tunisiens enseignant à l'étranger sont rarement invités et ne bénéficient pas de chaire en Tunisie, et même ceux qui y ont enseigné, pendant 20 ou 30 ans, n'y sont quasiment plus admis, dès qu'ils s'expatrient. Les universités privées n'ont pas suffisamment de moyens pour se développer et offrir des palliatifs au surencombrement des universités tunisiennes. Les langues, on aurait du se mettre à l'anglais depuis longtemps, au chinois maintenant, les NTIC ne sont pas suffisamment enseignées, les fonds bibliothécaires sont maigres, les salles de projection de films, les salles de théâtre sont absentes, les enseignants sont mal payés et on veut avec ce magma d'imperfections, de dysfonctionnements réussir à former plus de 400 mille étudiants et les préparer à s'insérer professionnellement. Chimères, chimères, quand tu nous tiens. Dans la mythologie grecque, la chimère est une créature fantastique, décrite comme un animal composite présentant une tête de lion, un corps de chèvre et une queue de serpent, des attributs imaginaires reflétant plutôt le rêve, des utopies, qu'on veut bien croire, mais qui tranchent avec une réalité amère, celle de notre enseignement, où toutes les bonnes volontés ont fini par se ramollir, avec le temps, où toutes les compétences se sont enfuies, vers le privé ou à l'étranger, fuyant avant Ben Ali le vide qu'il avait réussi à créer dans ce monde pourtant averti, nourri par la pensée, le savoir, l'intelligence qu'on voulait brimer par ignorance.
L'école, l'université souffrent drastiquement de moyens et on ne peut plus croire, avec les moyens mis en œuvre, qu'on puisse former des centaines de milliers d'étudiants. L'école, l'université, gratuite pour tous ont vécu et il faudrait réfléchir à d'autres formes de financement, l'Etat ne pouvant pas prendre en charge tout le monde, tout de suite. L'enseignement gratuit pour tous me rappelle la caisse de compensation qui profite à tout le monde, riches et pauvres à la fois, Tunisiens ou touristes qui paient couscous, pâtes, pain au même tarif. Tout le monde profite ainsi des largesses tunisiennes, comme si on pouvait avec nos maigres moyens subventionner les riches, les touristes, les diplomates, les hommes d'affaires, tunisiens et étrangers, vivant dans notre pays. Les parents aisés, le monde de l'entreprise devraient contribuer au financement, mettre la main à la poche pour participer à la formation de leurs enfants et de leurs futurs employés, permettre aux enseignants de se former pour assurer des formations de meilleure qualité. Le privé, aujourd'hui marginal à l'université, devrait également jouer un rôle plus affirmé, soulager le public du poids du nombre pour lui permettre d'avoir des amphis moins surchargés, des pédagogies plus adaptées aux différentes catégories d'étudiants en formation. Le privé doit s'organiser, se doter de moyens, ouvrir son capital, aller sur le marché pour trouver les moyens financiers, nécessaires à son développement. La concurrence public-privé permettra d'améliorer la formation et de la rendre plus opérationnelle, répondant aux besoins des entreprises, avec des formations au management des ressources humaines, à la communication, aux NTIC, à l'apprentissage des langues, matières jusque là négligées dans nos universités. Le diplôme doit couronner des têtes bien faites et non pas des têtes bien pleines. L'employabilité ne se décrète pas, elle se construit avec les partenaires de l'université qui doivent être associés davantage à cette formation, sous diverses formes. Il faudrait établir des relations entre l'école, l'université et son environnement. Il faudrait multiplier les formations en alternance, donner du sens au diplôme, permettre à l'élève, l'étudiant de comprendre le sens de son diplôme. On ne réinventera pas la roue. Il suffit de s'inspirer des méthodes, des expériences qui marchent, d'abandonner celles qui n'ont rien donné, comme la méthode globale. Les élèves ne partent pas évidemment avec les mêmes égalités de chance, n'ont pas tous les mêmes facultés d'abstraction, de raisonnement. Il faudrait donc pouvoir se donner les moyens de faire progresser tout un chacun à son rythme, au lieu de constamment le situer par rapport aux autres, de le détruire avec des appréciations d'un autre temps, nul, bon à rien, parle pour ne rien dire, peut mieux faire, confus etc. Apprenons à construire les enfants, au lieu de les détruire à petit feu. Apprenons la psychologie à nos enseignants. Leur métier, leur mérite est davantage de faire progresser des enfants en difficulté que d'accompagner les plus brillants d'entre nous, pour reprendre la célèbre phrase de Chirac au sujet de Juppé.
Le résultat est le même pour tous les secteurs, comme la santé publique, un secteur sinistré avec le départ de tous les éminents professeurs vers le privé, les cliniques qui n'offrent plus qu'une médecine de confort, où la recherche a été sacrifiée au profit de monnaies sonnantes et trébuchantes, soit les valeurs de cette ère nouvelle, promise en 1987 qui s'est brisée, à notre bonheur, un 14 Janvier 2011, lorsque le volcan s'est réveillé, que le cratère a craché le feu. On y reviendra, tout comme sur l'ensemble des secteurs et activités à réformer, dans de prochaines articles et nous souhaitons que les spécialistes, les compétences, s'expriment dans tous les domaines d'activité pour préparer les ébauches des programmes des partis politiques, censés nous représenter aux prochaines élections.


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