Avant la Révolution, il était de bon ton, dans les journaux de chez nous, de publier le plus souvent possible des articles sur le temps qu'il fait. Lorsqu'il pleuvait sur Tunis, les plumes rivalisaient d'imagination et d'emphase aussi pour décrire les rues de la capitale complètement inondées, les regards bouchés qui vomissaient sur les piétons leurs excédents d'eaux usées et les quartiers embourbés. On trouvait l'occasion idéale pour fustiger les agents des travaux publics, pour dénoncer l'incurie des édiles, des ouvriers municipaux et des employés de l'ONAS, et pour s'en prendre aux chauffeurs de taxis qui snobaient tout le monde. D'autres journalistes plus zélés se répandaient, après les « pluies bénéfiques » (elles le sont toutes ici), en prévisions très optimistes quant à la saison agricole et escomptaient des records de récoltes dans les « régions arrosées ». En été, on nous permettait de déplorer la canicule (tout en prenant soin de ne jamais dramatiser la situation et donc d'annoncer toujours un rafraîchissement imminent des températures), nous étions autorisés également à râler après certaines « autorités compétentes » qui se montraient plutôt incompétentes face par exemple à la prolifération des moustiques, aux nuisances sonores diurnes et nocturnes et face à la petite comme à la grande délinquance. C'étaient là les « audaces » dont on nous laissait de temps à autre faire preuve. Aujourd'hui, en cette dernière semaine d'avril qui a vu s'abattre d'impressionnantes quantités d'eau sur Tunis et plusieurs villes du pays, on n'a pas vraiment le cœur, entre journalistes, à parler de météo. Un réchauffement graduel de la températutre Comme l'immense majorité des Tunisiens, nos journalistes suivent avec le plus grand intérêt les graduations d'un autre baromètre bien plus préoccupant, ces derniers temps, que celui de l'institut national de météorologie. Ils scrutent plutôt le ciel de la Révolution qui, pour l'heure, n'augure rien de bon. En effet, quand ils ne pataugent pas au milieu de l'épais brouillard ambiant qui les empêche d'y voir clair, ils font face à un obscurcissement soudain de l'horizon qui « voile » tout devant eux. Des roulements de tonnerre sont nettement perceptibles à gauche comme à droite. Et ça gronde tout aussi fort au centre. Les nuages amoncelés semblent venir du nord et du sud, de l'est et de l'ouest. Depuis la terre, on les voit tour à tour se rapprocher, se repousser, se fractionner, s'unir à nouveau pour enfin se séparer et se perdre en flocons minuscules happés aussitôt par les masses nuageuses les plus denses. Le soleil ne fait au milieu de ce bal incessant que des apparitions très timides qui n'autorisent pas encore, en cette fin d'avril, à se découvrir d'un fil. Par contre, il pleut beaucoup de critiques contre le gouvernement, contre la police, contre les protecteurs de la Révolution, contre les islamistes, les RCDistes, et tous les « istes ». Il pleut des pierres et des projectiles sur les stades ; des articles les « faux » martyrs ; des coups sur les manifestants, sur les artistes, sur les laïcs. Le vent souffle dans tous les sens et perturbe les joueurs. Quelques tempêtes sont néanmoins provoquées par ceux qui n'ont pas intérêt à ce que l'atmosphère se calme. Le temps sera-t-il plus stable au mois de mai ? Ce n'est une certitude pour personne. Mais l'on s'attend de toutes parts, à un réchauffement graduel de la température. C'est pour cette raison qu'il vaut mieux, d'ici le 24 juillet prochain, s'équiper en appareils de climatisation fiables, sans quoi les chances de protéger la Révolution et de réaliser ses objectifs seront « grillées ». Il restera bien sûr une chance de survie aux « brûlés » : se jeter à l'eau ! Encore faut il savoir nager, autrement c'est la noyade assurée ! Les petits et gros poissons se chargeront du reste. Espèces jamais menacées Hier et avant-hier en tout cas, des trombes d'eau se sont déversées sur Tunis. Ce qui n'était pas pour déplaire aux escargots. Depuis Guillevic, nous savons tous que quand le ciel fait grise mine pour les humains, c'est beau temps chez ces mollusques qui sortent alors de leurs coquilles et roulent leurs bosses un peu partout dans la Cité. Les grenouilles aussi raffolent du temps pluvieux. Envieuses des grosses vaches, comme dit la fable, elles n'ont de cesse de s'enfler et de se prendre pour ce qu'elles ne sont pas. Les vers de terre sortent de leurs trous, eux aussi, et se pavanent d'un coin à l'autre du jardin. Quelques uns se font écraser, d'autres finissent dans le gésier des passereaux, mais jamais l'espèce n'est sérieusement menacée. Notre révolution non plus ne saura pas l'épuiser. Bien au contraire, disent certains ; elle leur offre une belle opportunité, aux vers comme aux escargots et aux grenouilles, de se reproduire à loisir. Et donc de perpétuer leurs races respectives !