Il n'était nullement sorcier de deviner que la session 2011 du baccalauréat allait connaître des difficultés. La conjoncture est très particulière et donc les conditions de son déroulement le sont également. Les menaces de sabotage qui ont alerté tout un peuple et qui planent toujours sur nos établissements scolaires sont devenues une psychose. Toutefois, la prise de conscience et la mobilisation générale sont parvenues à en atténuer la portée, le danger est minimisé voire dissipé. Les citoyens tous âges et toutes catégories sociales confondus ont fait montre d'un patriotisme et d'un dévouement inégalables : parents, voisins, amis, ils étaient tous là avec les professeurs, le personnel des centres d'examen et les forces de l'ordre pour former un rempart contre les éventuelles incursions des milices du régime déchu. Les tentations de l'impunité Mais s'ils ont réussi à bien garder les entrées et à empêcher ces derniers d'y pénétrer, les soldats du pays n'ont pas pu pour autant imposer leur loi à d'autres perturbateurs qui, eux, se sont faufilés à l'intérieur : il s'agit des candidats condamnés à cinq ans d'interdiction pour fraude ou écart de conduite grave et graciés par le ministre de l'Education. Cette attitude compatissante a été lourde de conséquences : certains de ces ex interdits du bac ont semé la zizanie dans les centres d'examen. Le pire c'est que les directions régionales sont allées trop loin dans leur complaisance en inscrivant quelques uns de ces desperados, dont le nombre approche les 400, dans les mêmes centres où ils ont commis leurs graves méfaits. La réapparition sur les mêmes lieux de ces visages familiers est un défi à la limite de l'insulte à la présidence du centre et aux professeurs dont certains pourraient être ceux mêmes qui ont rédigé les rapports les incriminant, ceux qui ont subi leurs outrages. L'autre impact d'une telle mesure est d'ordre psychologique : la présence de ces ressuscités est de nature à influencer négativement les candidats que l'impunité tenterait à leur emboiter le pas. Et c'est ce qui s'est effectivement produit : de l'avis de tous les concernés, présidents de centre et enseignants, la surveillance était trop difficile, car plusieurs candidats voulaient frauder de force, passant outre les rappels à l'ordre récurrents. Ce comportement insolent et agressif qui s'est traduit dans quelques cas par des menaces à l'encontre des professeurs-surveillants a poussé certains parmi ces derniers à envoyer des certificats médicaux et à déserter les centres. Mais si leur absence, intervenue dans des circonstances particulièrement difficiles, est à la limite justifiable, celle des autres qui est délibérée ne l'est aucunement. Vu la conjoncture, leur absentéisme est condamné par tout le monde, ils sont même taxés d'irresponsables. D'ailleurs, certains présidents de centres d'examen nous ont affirmé que les pièces justificatives qu'ils ont envoyées ne seraient pas prises en compte et que les congés de maladie requis seraient sans soldes excepté bien sûr les cas maladifs patents. Les conséquences de l'indulgence Cette compassion ne s'est pas uniquement exercée à l'école mais également ailleurs, dans la fonction publique précisément. Par exemple, des milliers des agents de l'ordre licenciés il y a des années ont réintégré les rangs. Qu'ils aient travaillé seulement quelques années ou qu'ils aient chômé pendant de longues années est sans importance, les paramètres de l'expérience et de l'aptitude n'interviennent pas en pareilles circonstances, l'heure est à l'indulgence. Certains de ces graciés ont vieilli et ne sont par conséquent plus aptes à assumer cette fonction délicate pour des raisons de santé, d'autres se sont investis dans le domaine du crime et donc leur casier judiciaire a perdu sa virginité. Faire revenir des gens pareils ne pourrait que nuire davantage à une profession dont l'image est étiolée et qui est encore à la recherche de nouvelles méthodes pour se réconcilier avec ses détracteurs. Au-delà de ces considérations, les raisons mêmes du licenciement de certains parmi eux ne devraient pas leur permettre de bénéficier de cette complaisance. On veut parler des auteurs de crimes et délits. Ce qui s'est produit au ministère de l'Intérieur a certainement son pendant dans les autres établissements publics. On en cite, à titre d'exemple, la TRANSTU où on en a repris des agents limogés pour ivrognerie, collision, absence régulière et appartenance à un parti non autorisé. Si pour ces derniers il s'agit d'une réhabilitation largement méritée, il en est tout autrement pour les autres qui ont enfreint la loi et dont la sanction était amplement justifiée. Toutefois, avantagés et lésés ont tous adopté le même comportement apparemment par solidarité : la barbe et le djelbab, ce sont leurs marques distinctives, leur manière de se faire remarquer. Quand elle supprime le jugement et la sanction, l'indulgence ne peut être qu'une forme d'encouragement, d'exhortation au dérapage et à la récidive, ses vertus suggestives sont susceptibles de provoquer une atmosphère d'insécurité.