Les menaces et les agressions n'ont pas suffi pour dissuader ces inéductibles défenseurs des idées et de la liberté. On passe donc à la vitesse supérieure : les procès pour idées. C'est en un mot l'inquisition. Aujourd'hui deux procès sont intentés, l'un contre Mohamed Talbi et l'autre contre la productrice du film « ni Allah ni maître » Nadia Al Fani. Le but recherché est de museler toute parole libre et de paralyser tout esprit inventif et créateur ! Et en parallèle que voit-on à travers certaines villes ? Des manifestations organisées par les « défenseurs » de la religion, en l'occurrence l'Islam qui se trouve « menacé » selon ces défenseurs. La ville symbole de Kairouan a vu des milliers de personnes répondre à l'appel pour la défense de l'Islam qui se trouve aujourd'hui « attaqué à travers ses symboles ». Voilà une manière pernicieuse et hypocrite pour mobiliser le bon peuple en jouant sur cette sensibilité du sacré de la part de ceux qui se posent aujourd'hui en objecteurs de conscience et professeurs de la foi. Mais le plus dangereux dans ce branle-bas crée de toute pièce c'est cette volonté destructrice de dresser une frange de la population contre une autre dans le dessein cette fois-ci avoué de créer un climat propice à la violence dont les premiers actes ont déjà commencé. La violence comme moyen Au vu de la situation bien particulière que vit le pays et les problèmes sur nos frontières avec la Libye on ne peut espérer une meilleure opportunité pour la réalisation d'un aussi macabre projet où la haine constitue le principal moteur. Haine que suscite le refus de l'autre, son exclusion et au bout du chemin son bannissement total du paysage aussi bien intellectuel que politique. Ces défenseurs de l'Islam oublient une donnée des plus importantes qui est à l'origine du débat sur la religion : ils oublient que ce sont eux qui ont politisé cette religion avec ce qu'on peut appeler l'Islam politique. Ce sont eux qui en faisant descendre le sacré de son piédestal, l'ont banalisé et désacralisé pour qu'il devienne le plus logiquement du monde, sujet à débat. Mais pour eux ce débat devra être canalisé, sa voie bien tracée avec tous les interdits qu'ils dressent sur son chemin, pour qu'en fin de compte on le vide de sa substance qui n'est autre que la liberté de pensée. Un débat dont on délimite les contours où on ne peut traiter de tel ou tel sujet. Dans le cas contraire on crie au sacrilège à l'hérésie et à toute sorte de qualificatifs participant de la diabolisation de ces gens qui dérangent et qu'il est impératif de les mettre hors de circuit de nuire. Ce sont là les priorités de la Tunisie post-révolutionnaire. Ni le chômage, ni l'enseignement, ni non plus l'état alarmant de la situation économique etc… ne figurent parmi les soucis de ces adeptes de la tyrannie de toute sorte. Et cela se comprend. Plus on s'enfonce dans la crise plus cela devient aisé d'avancer ses pions pour réaliser le projet escompté. Mais pour ce faire, il faudrait en priorité faire taire ces voix qui dérangent et qui risquent de faire gripper la machine mise en branle. Il faudrait que Talbi et consorts cessent et immédiatement de penser et de parler. Quant aux artistes – hormis d'ailleurs par le salafisme pour qui l'art doit tout bonnement disparaître – ils doivent se tenir à carreau, sinon ils sont voués à la vindicte et aux gémonies. Ces fauteurs de troubles, il faut qu'ils disparaissent de la circulation parce qu'ils sont gênants pour le projet qu'on concocte et qui sera demain le programme imposé et non proposé aux Tunisiens. Tout ceci procède d'une stratégie évolutive qui commence par l'intimidation passant par l'agression pour ensuite verser dans la violence et la terreur sous toutes ses facettes. Les procès dont ils est question de nos jours ne sont qu'une de ces facettes, elle est certes la moins brutale, mais elle est très significative, si l'on se réfère à l'histoire. Celle-ci nous enseigne qu'Isabelle la catholique ou Isabelle de Castille qui se rallia à Ferdinand d'Aragon pour que l'Espagne après la chute de Grenade devienne une nation encourageant l'inquisition pour mieux asseoir son pouvoir. C'est au nom d'une certaine lecture du catholicisme que les procès inquisitoires ont été intentés contre tout esprit ne partageant pas cette vision. Et l'on connaît les horreurs qui s'ensuivirent et dont ne furent épargnés, ni penseurs ni artistes ni non plus les adeptes des autres croyances. Sommes-nous à la veille en Tunisie d'un remake à l'espagnole ? Au vu des derniers événements et l'allure qu'ils prennent, il y a lieu de s'inquiéter pour tirer la sonnette d'alarme. Le danger quoi qu'on dise est réel avec la talibanisation à laquelle on assiste dans nos cités. Allez voir du côté des quartiers populaires et à la sortie des mosquées et vous allez constater que nous n'exagérions en rien le phénomène ! L'alerte doit être prise au sérieux avant qu'il ne soit trop tard. Cela signifie nullement l'exclusion de quiconque du paysage, mais une vraie vigilance pour que chacun comprenne que la Tunisie n'acceptera jamais de prendre modèle sur l'Afghanistan des Taliban ou encore le Ouaziristan du Pakistan talibanisé par la force au grand dam de l'Etat central et du pouvoir central. Faisons donc barrage à l'inquisition et refusons ces procès d'un autre âge. La société civile et les institutions de la République doivent réagir et fermement à la déferlante fanatique pour que notre pays demeure comme il l'a toujours été et pour que notre peuple soit préservé des dangers de l'éclatement qui le guette à cause des agissements le moins qu'on puisse dire destructeurs d'illuminés qui vivent en dehors de l'Histoire. Malek SLIM zarzour [email protected]