Fallega 2011, se place d'emblée sous l'autorité de la poésie et du souvenir. La voix de Mahmoud Darwish et celle de celle du narrateur enveloppent de leur chaleur, des moments de communion et de bonheur. C'était le 22 Janvier, des jeunes de Menzel Bouzaiane, suivis par d'autres groupes décident d'organiser un sit-in sur la place du gouvernement d'el kasbah, ce sera El kasbah 1. Leurs revendications : La dissolution du RCD, le départ du gouvernement de Ghannouchi et l'élection d'une assemblée constituante. Les nuits sont froides en ce mois de Janvier, à peine adoucies par les lumières nocturnes de la place et les promesses du jour nouveau. La parole, engagée, véhémente structurée, parfois maladroite mais toujours sincère, insuffle à ces corps engourdis par la rigueur de l'hiver le courage, la foi, et l'espoir fou d'une victoire certaine. Ceux que des médias aux ordres ont qualifié de « Gueux » de « va nu pieds » de « Fallega », n'ont que leurs mots et l'énergie de leur jeunesse pour combattre le régionalisme encore fortement ancré dans les inconscients et les mentalités. Quand vient le jour, les voix se taisent, faisant place aux rumeurs de la ville, à la frénésie des corps. Petit à petit, le mouvement attire autour de lui la sympathie des Tunisois. La police d'abord discrète, recourt à l'intox pour monter les riverains de la place contre les jeunes du sit-in avant de les infiltrer et les attaquer au gaz lacrymogène. Aux antipodes d'un travail de reconstitution de la chronologie d'un mouvement, populaire, spontané, indépendant et autogéré, Rafik Omrani, choisit de faire de « Fallega 2011 », une ode à la liberté où « l'événementialité » s'efface au profit d'une saisie sur le vif et parfois à son corps défendant, (en témoignent ces plans de la police qui charge les manifestants aidée en cela par des jeunes des quartiers avoisinants remontés contre « ces hordes » venues de l'intérieur) des moments de communion grappillés ici et là dans ce lieu devenu l'espace de quelques jours, le centre névralgique de la » pureté révolutionnaire ». Empathique, la caméra du réalisateur l'est incontestablement, elle leste ces corps agglutinés autour d'un feu d'une grâce qui les héroïse, aidée en cela par les très belles lumières nocturnes d'El kasbah. Ces plans de nuit presqu'irréels, impriment de la poésie à « Fallega ». Ce parti-pris poétique se trouve renforcé par des moments de contemplation pure au cours desquels, la caméra s'attarde sur une posture, sur le regard un peu perdu d'un adulte, sur une affiche, un slogan ou tout simplement nous invite à voir la place de la Kasbah comme on l'a rarement montrée, belle, majestueuse et comme protégée par les lumières artificielles et les premières lueurs du soleil qui commencent à pointer. Le travail de mise à distance entrepris par les deux voix, la voix-je du narrateur et la voix-nous des sit-inneurs( très bien interprétée par Abdallah Chamakh) inscrit le film dans le registre de la mémoire, de ses bégaiements et sa propension à l'embellissement de ce qui a été. Ces voix en étant plus présentes dans le film auraient pu contribuer à le densifier , à l'ouvrir sur l'infini du hors-champ et faire oublier quelques redondances qui alourdissent certaines séquences. En dépit de ces imperfections, « Fallega », fort de sa sincérité, réussit à éviter les écueils de la simple restitution du réel et à s'arrimer au territoire de la poésie filmée. Ikbal Zalila
"Fallega 2011" remporte la figurine "Sembène Ousmane" à Marseille Le film tunisien "Fallega 2011" de Rafik Omrani vient de remporter la figurine immortalisant Sembène Ousmane, grand prix de la cinquième édition du festival "Miroirs et cinémas d'Afrique ", annonce la lettre d'information d' Africultures. Le documentaire primé, lit-on encore, "nous restitue des pans entiers du Printemps arabe passé au filtre esthétique d'une inspiration et de talents réels". Pour rappel, ce festival qui s'est déroulé du 29 novembre au 04 décembre à Marseille et dans la ville de La Ciotat (France) vise à promouvoir et montrer cette diversité des images et des cultures qui valorise l'histoire, la mémoire, et le patrimoine issu des migrations. Pour cette édition, le second prix Youssef Chahine est revenu au marocain Mohamed Cherif Tribak pour son film "Le temps des camarades". Le prix du jeune public a été attribué à la jeune Burkinabé Eléonore Yameogo pour son premier documentaire "Paris mon Paradis", qui donne un regard renouvelé et neuf du drame de l'émigration. La mention spéciale du jury a été décernée à Salma Bargach jeune réalisatrice marocaine pour sa première fiction "La cinquième corde".