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«L'alliance «Ennahda/CPR/Ettakatol» repose sur une logique de partage du gâteau» Eclairages : Hamma Hammami, secrétaire général du (PCOT) sort de ses gonds
Le Temps : En tant que dirigeant d'un parti qui défend les intérêts des «masses laborieuses», comment réagissez-vous à l'appel de Moncef Marzouki à une trêve politique et sociale pendant six mois ? Hamma Hammami: Je pense que cet appel est insensé. Le gouvernement doit d'abord reconnaître l'existence d'un grand malaise social. Le chômage endémique, la cherté de la vie et la détérioration des services sociaux sont autant de fléaux qui pèsent lourd sur de larges franges de la société tunisienne. Le gouvernement de transition de Béji Caïd Essebsi a fermé les yeux sur tous ces problèmes sociaux dont l'intensité a, par conséquent, augmenté au fil des mois. Au lieu d'appeler à une trêve sociale, le nouvel exécutif aurait dû s'atteler à prendre des mesures urgentes pour alléger la souffrance des classes ouvrières, des laissés pour compte et des oubliés du pseudo-miracle économique tunisien, qui avait longtemps servi de faux bouclier au régime de Ben Ali face aux attaques sur les atteintes aux libertés et aux droits de l'Homme. Plus précisément, le triumvirat vainqueur des élections aurait pu, à titre d'exemple, accorder des allocations aux chômeurs de longue durée et décider une baisse des prix des produits de première nécessité. De même, le prélèvement de quatre jours de travail sur les salaires prévu par le projet de budget de l'Etat 2011 constitue une décision inappropriée et précipitée qui est de nature à augmenter la souffrances des couches sociales défavorisées ou à revenu limité. Il est affligeant de constater que le gouvernement tente de renflouer les caisses de l'Etat sur le dos des pauvres au lieu de chercher d'autres ressources financières pour boucher le trou budgétaire.
La Tunisie étant un pays aux ressources naturelles limitées, comment le gouvernement peut-il réellement trouver des financements urgents sans toucher aux salaires ?
Il existe plusieurs solutions sérieuses. A titre d'exemple, le gouvernement peut négocier la suspension du paiement de la dette extérieure pendant trois ou quatre années avec les bailleurs de fonds internationaux. Cette solution a été déjà expérimentée avec succès par l'Argentine. L'Etat peut également décréter un impôt sur les grandes fortunes ou prendre des mesures d'austérité en matière de dépenses publiques. Autre piste à explorer: la confiscation des comptes des membres du clan Ben Ali. Selon les experts, des montants colossaux détenues par ce clan dorment dans les coffres des banques tunisiennes ou circulent dans le circuit parallèle.
Que pensez-vous d'un gouvernement composé de 41 membres en ces temps de crise nécessitant le recours à l'austérité budgétaire ?
A mon avis, la Tunisie aurait mieux fait par ces temps difficiles d'opter pour un gouvernement restreint pour réduire les dépenses publiques, mais aussi pour assurer l'efficience de l'action gouvernementale. Or, il est désormais clair que l'alliance entre Ennahdha, le Congrès pour la République et Ettakatol repose sur une logique de partage du gâteau. Ces partis tentent aussi de récompenser leurs militants par des postes ministériels sans se soucier de l'intérêt national. La troïka sera confrontée à plusieurs difficultés d'autant plus qu'elle n'a pas été constituée sur la base d'un programme économique et social commun mais sur la base d'intérêts partisans.
Que pensez-vous du programme économique du mouvement Ennahda ?
Ennahda a un programme économique ultra-libéral qui n'est pas différent de celui appliqué par le régime de Ben Ali. L'application de ce programme dans le cadre d'une conjoncture économique mondiale très difficile marquée par la contraction de la demande européenne sous l'effet d'une grave crise de la dette pourrait mener le pays à une seconde révolution. La Tunisie a aujourd'hui besoin de rompre avec le libéralisme sauvage et de s'orienter vers une économie au service de la population.
Comment répondez-vous à vos détracteurs qui vous qualifient souvent d' «indécrottable contestataire» et d' «éternel opposant » ?
Ce sont des qualificatifs très simplificateurs. L'histoire a prouvé que notre opposition frontale au régime de Ben Ali ne relevait pas d'une logique de contestation infondée et encore moins de surenchères. Nous avons également été les premiers à appeler à l'élection d'une Assemblée Constituante, un choix qui s'est révélé judicieux. Nous disposons, par ailleurs, d'alternatives sérieuses sur tous les plans et d'un programme économique et social capable d'assurer la croissance et le bien-être social.
Comment explique-vous, alors, les résultats médiocres du PCOT lors des élections ?
Nos résultats modestes (3 sièges à l'Assemblée Constituante, NDLR) s'expliquent par plusieurs facteurs. Je cite notamment la partialité des médias qui avaient fait pencher la balance du côté d'Ennahda, l'argent politique qui a coulé à flot, l'instrumentalisation des mosquées à des fins politiques et les campagnes de dénigrement prétendant que les militants de notre parti sont des mécréants. Néanmoins, nous avons commis beaucoup d'erreurs Stratégiques comme la présentation de liste baptisées l'Alternative révolutionnaire» sans mentionner la dénomination du parti. Propos recueillis par Walid KHEFIFI