En l'an 50 de l'Hégire Okba Ibn Nafaâ, le général arabe planta la première mosquée à Kairouan à l'intérieur d'un Fort et près de son quartier général, en disant à ses troupes et fidèles musulmans «Hadha Kaïrawanoukoum» (Ceci est votre forteresse). Le stratège envoyé par le Calife Omar pour islamiser l'Afrique du Nord, avait raison. Kairouan est à 60 km de la mer et à 60 km des montagnes de Oueslatia, El Aâla et Kesra au Nord-Ouest. Il fallait pouvoir observer l'ennemi, les « Roums » (Romains) du côté de la mer et les «Barbar» (les Berbères) du côté des montagnes, et avoir suffisamment de temps pour préparer la défense de la ville et briser les vagues ennemies bien visibles et prenables dans la plaine. Depuis Kairouan est le symbole de l'Islam maghrébin et sa grande mosquée est l'une des plus belles au monde et des plus rayonnantes. Je me rappelle de mes entretiens fréquents avec feu le vénérable Cheikh Abderrahmane Khlif que je considère comme mon père. Grand érudit de l'histoire de la civilisation musulmane et premier Imam de la grande Mosquée de Okba, pourtant cet homme d'une intelligence rare et d'une finesse exquise comme l'étaient d'ailleurs nos grands cheikhs et oulémas Tahar Ben Achour, Chedly Naifer, Habib Belkhoja etc…, était perçu et classé par « l'Establishment et le système politique, comme étant un orthodoxe musulman pur et dur alors qu'il n'en était rien. Il était plutôt d'une ouverture d'esprit sans nulle autre pareille, modeste, apaisé jamais en colère, toujours souriant et disponible pour prêcher la bonne parole, la solidarité, la paix de cœur et surtout l'amour de l'Islam tolérant la « Sira » lumineuse de notre prophète et sa vie exemplaire. Un jour les statistiques fraîchement publiées, en main, j'allais le voir pour lui proposer un « détour » du côté des vergers de Aïn Jeloula qu'il aimait beaucoup. En cours de route, je lui ai fait part de ma grande préoccupation, qui était aussi et surtout celle du Président Bourguiba, au sujet du planning familial. Kairouan avait à l'époque presque le double de l'indice de natalité à l'échelle nationale. Je lui ai expliqué statistiques à l'appui, que nous risquions à l'avenir de véritables déséquilibres et une démographie galopante qui ruinerait notre effort de développement. J'ai sollicité très courtoisement son aide surtout au prêche très populaire du vendredi pour sensibiliser les citoyens à cette question vitale. Le cheikh en a pris note et à mon grand étonnement, il m'a cité par cœur des sourates du Saint Coran et des hadiths du Prophète qui aident à rationaliser le développement démographique et humain, assurer l'équilibre social et promouvoir le développement durable. J'ai appris par la suite qu'il avait consacré trois conférences à ce problème épineux au regard des coutumes et même de la doctrine musulmane où les avis sont très partagés, et où il défendait la pratique du planning familial. Rahima Allah Cheikhouna Al Jalil Abderrahmane. C'est dire que l'Islam tunisien n'a rien à apprendre aujourd'hui ni demain de l'Orient fanatique et obscurantiste de M. Wajdi Ghonaïm. Depuis l'Imam Souhnoun de Kairouan en passant par sidi Tahar Ben Achour, El Khedher Hassine qui a été d'ailleurs grand Imam et doyen de « El Azhar » lui-même au Caire et en arrivant au Cheikh Abderrahmane Khlif, l'exégèse et l'interprétation des textes fondateurs de l'Islam par la doctrine tunisienne constituent la référence la plus crédible et la plus solide dans le monde musulman tout entier. Cette doctrine a façonné notre identité et sculpté notre manière d'être et de vivre. En Tunisie nous n'avons pas besoin d'un Islam politique guerrier parce que l'Islam est en nous et coule comme une belle rivière bienfaitrice dans cette terre bénie et dans nos veines. La politique, elle, a peut-être besoin des valeurs musulmanes tunisiennes qui prêchent la tolérance, la solidarité, l'égalité (Al Moussawet) et surtout la sacralité de la vie et sa protection contre le fanatisme et la violence. Notre Islam c'est la liberté dans son sens le plus noble et le plus pratique « lakoum dinoukom, wa lya dini », « Addin yusr wa leiça osr » ! Chacun est libre, de son être et de son corps tant qu'il ne nuit pas à autrui. Alors de grâce dites à la catastrophe « Ghonaïm » et ses semblables fanatiques irréductibles, grands ignorants de l'Islam d'aller prêcher ailleurs qu'en Tunisie ou de s'inscrire à l'Université prestigieuse bien tunisienne de la « Zitouna » pour apprendre à disserter sur l'Islam… Encore faut-il, qu'ils aient le Baccalauréat !