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Une terre de larmes et de sang
Publié dans Le Temps le 31 - 03 - 2012

Ton histoire commença, un jour sombre, en 1948, quand tu fus usurpée par les armes. Conquise par la force, ton peuple fut dépossédé de ses terres, de ses villages, de ses vergers verdoyants, de ses maisons. Tragédie d'un peuple chassé et pourchassé, souffrances et tourments. Jour de « nakba » : expulsions massives, destruction de quatre cents villages, la terreur pour pousser les habitants à partir. Sept cent cinquante mille palestiniens forcés à abandonner leurs maisons. Colère, révolte. Martyrs, blessés, trois cents personnes arrêtées.
Villes et quartiers de Galilée déclarés zones militaires. Villages sous couvre-feu. D'autres brûlés. Population jetée sur les routes d'un exil sans retour. Désespérance et déchirures. Familles séparées, le manque, l'absence et un rêve brisé. Les trois quarts de la population chassés. Des jours à marcher, à se cacher, à courir, à ramasser ses forces pour fuir l'horreur, des nuits à veiller des enfants harassés et apeurés, des nuits à trembler au moindre souffle d'air et à espérer le matin. Les chemins et les sentiers ont des souvenirs douloureux de l'arrachement à la terre. Ils gardent la mémoire des pas précipités des pieds ensanglantés, des sanglots étouffés :
« J'emporterai les chemins dans ma valise
J'emporterai les palmiers
Je cueillerai le matin et les plaines
J'enfermerai les larmes dans les cahiers du soir
Je fermerai les saisons »
( May Assayigh)
Un drame qui a dépeuplé villes et villages, ne sont restés que ceux qui ne pouvaient pas partir. Pays exsangue, vidé de toute son élite intellectuelle, économique, religieuse. La population restée a perdu tous ses repères, même les poètes se sont tus.
Tes drames se succédèrent, plus sanglants les uns que les autres, plus poignants. Mais, la population s'est relevée, a ramassé ses oripeaux. Peu à peu, une génération est née, ayant une conscience de classe, s'est formée, s'est ouverte sur le monde et s'est mobilisée politiquement. Un éveil prometteur. Le 11 Mars 1976, le gouvernement israélien publie un plan d'expropriation de plus de deux mille hectares des villages en Galilée afin de créer de nouvelles colonies juives et des zones militaires. Il multiplie les confiscations des terres, le « Haut Comité des terres Arabes » déclare une grève générale le 30 Mars, l'armée impose un couvre-feu. Mais, la grève générale s'étend de Galilée jusqu'au Neguev. L'armée et les policiers sont envoyés : Six tués, des douzaines de blessés. Journée de deuil et de pleurs :
«En Mars, cinq fillettes sont passées devant les lilas et les fusils
Elles se sont enflammées de roses et de thym du pays
Je suis la terre
Et la terre, c'est toi
Khadija ! Ne ferme pas la porte
N'entre pas dans l'oubli »
Connaissent-ils cette douleur qui vous transperce et triture les entrailles quand on perd son enfant ? Connaissent-ils les jours pétrifiés et les nuits sans sommeil ? Savent-ils combien d'éclats de rire et de sourires ont-ils fanés ?
Journée de la terre, journée symbolique, journée de combat contre le projet sioniste de judaïsation. Toute la Palestine fête sa journée de la terre pour s'unir dans la lutte contre la colonisation et le racisme, combat contre la poursuite de la construction de colonies et le mur de la honte qui annexe plus de terres. Un territoire morcelé, réduit comme peau de chagrin. Protester et lutter pour le droit à la terre, le droit au retour, le droit à l'indépendance et à la liberté
Des milliers de réfugiés attendent la délivrance, loin de la terre perdue, écorchée, éventrée par les bulldozers et les bombes, minée, défigurée, les oliviers gaulés pour gagner quelques mètres, les arbres arrachés. La souffrance étreint la gorge. Profond, le déracinement, insondable, le désarroi:
« Si l'olivier se souvient de son planteur
Son huile se transformera en larmes »
(Darwich)
Un sentiment intense et pesant de manque laissé par une terre lointaine, inaccessible, volée, une terre qui geint, méconnaissable :
« La pomme de mon cœur
J'ai peur qu'elle pourrisse
Car je suis sans patrie »
(Racim Almadhoun)
Personne, jamais, ne pourra ressentir ce sentiment âpre d'être spolié de sa terre, de ses racines, d'être dépossédé d'un coin de verdure et d'une étendue de ciel, du chant de la mer, de la chaleur d'un chez-soi, de la beauté d'une pierre, du murmure d'une source, de la magnificence d'un grenadier en fleurs, d'un amandier dans toute sa splendeur, d'un olivier qui rêve d'une récolte à venir:
« Là où nous résidons, nous semons des plantes luxuriantes
Et nous récoltons des tués »
Amer est ce sentiment d'injustice, d'être irrémédiablement, séparé de la terre nourricière, de se sentir abandonné par un monde indifférent à cette douleur, d'éprouver un sentiment d'injustice face à un ennemi implacable :
« Père, est-il vrai que tous les hommes, en tous lieux
Ont du pain, des espoirs
Et un hymne national ?
Pourquoi avons-nous si faim
Et chantons-nous des poèmes tristes ?»
(Dawich)
Terre violée, griffée, bétonnée, abandonnée, tu es évoquée dans les chants douloureux des ancêtres, dans les mélopées poignantes répétées par les grand-mères, les jours de nostalgie et de désespoir. Les souvenirs glanés qu'on ramasse, qu'on entasse, dans un coin de la mémoire meurtrie, qu'on tente de retenir, de graver, ultime bien, unique richesse, ultime trésor à offrir à des enfants médusés et émerveillés par le récit d'un éden inaccessible, d'un lieu fertile, frissonnant et vivant, d'un lieu idyllique qui sent le pain chaud, le thym et le basilic. La voix se fait caresse et tendresse et la terre est transfigurée :
« Je n'exige pas de la terre plus que cette terre
Les senteurs de la cardamome et de la paille
Entre le cheval et mon père
Je n'exige pas du soleil plus qu'une orange
Et l'or qui coule de l'appel à la prière »
( Darwich)
Terre dont l'odeur est à nulle autre pareille, promesse de jours sublimes et de merveilles, tu es rêvée, réinventée, enfantée, chaque nuit, chaque heure, goutte de bonheur :
«Nous voulons un fil du ver à soie pour tisser notre ciel, clôturer cet exode
Nous ouvrons la porte du jardin
Pour que le jasmin inonde les routes comme une belle journée »
( Darwich)
Les interrogations sont incessantes, les doutes et les incertitudes sur l'existence de cette terre :
« Naîtras-tu de l'herbe ?
Emergeras-tu de l'inconnu ?
Ou n'es-tu qu'un impossible lendemain ?
( Samih Al-qassim)
Alors, durant cette interminable errance, on emporte sa terre avec soi, dans son balluchon, dans son cœur :
«Je suis celui qui porte dans sa peau
Gravée par les chaînes
Une patrie »
Patrie imaginée, rêvée, au ciel azuréen, aux oliviers majestueux, aux orangers généreux :
« Ici, sur les pentes des collines, face au couchant
Et la béance du temps
Près des vergers à l'ombre coupée
Tels des prisonniers
Tels des chômeurs
Nous cultivons l'espoir »
( Darwich)
Terre aimée, symboliquement représentée par une clé en fer forgé, celle que l'ancêtre a enfouie dans son bagage dérisoire et qu'il garde, jalousement. Talisman contre le mal du pays, contre cette tristesse insondable, les jours de nostalgie, ultime don d'une terre lointaine. Elle est accrochée partout, dessinée sur les murs étroits des camps, dessinée par les jeunes écoliers, démesurément grossie, présence obsessionnelle rassurante. Clé qui les relie à la terre, à la vie, promesse d'un retour à un paradis retrouvé.


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