La Tunisie postrévolutionnaire a connu une vraie révolution en matière de liberté d'expression et de communication politique, au point qu'on a constaté des dérapages qui se sont manifestés notamment par une polarisation excessive de la société autour de débats idéologiques controversés. Les politiciens et analystes tunisiens associent cela, en majeure partie à un discours politique irresponsable soutenue par des hommes de politique d'un côté et des pages facebook à vocation politique de l'autre côté. L'application des techniques de communication en politique est vivement critiquée à la fois par les citoyens et ceux qui l'étudient. L'offre politique est en réalité complexe parce que composée d'un amalgame d'éléments matériels et immatériels. Il est alors plus difficile de communiquer l'offre auprès des divers publics.
Une dérive des pratiques est à ce jour mise en évidence dans la littérature. Elle met l'accent sur l'importance des questions éthiques dans le domaine et mérite ainsi d'être discutée.Les dérives en matière de communication politique provenaient essentiellement des activistes au sein des communautés virtuelles. Toutefois comme l'a affirmé M Aymen Chaabane doctorant à la Faculté de sciences économiques et de gestion de Tunis « une analyse des déclarations accordées par certains politiciens supposés être responsables, nous a prouvé que le problème touche aussi la communication institutionnelle. Sur le plan institutionnel, nous constatons que la communication entre les partis et le public cible est faible et n'obéit pas à une logique Marketing, en ce sens que les messages transmis par les politiciens ne sont pas en harmonie avec les ambitions des électeurs. Par ailleurs, certains partis politiques ont consacré la plupart de leurs efforts communicationnels à la critique de leurs adversaires plutôt qu'à la présentation de leurs programmes. Nous constatons, d'ailleurs une abondance des attaques explicites ou implicites de personnalités politiques. Ces attaques sont parfois à caractère violent.
La communication politique institutionnelle en Tunisie est, enfin marquée par la prédominance des débats idéologiques au détriment des programmes économiques, ce qui est de nature à diviser la société. Du côté de la communication citoyenne, les soupçons quant à l'indépendance des principales pages à vocation politique ont commencé à se consolider à mesure que les administrateurs de ces pages exhibaient des affinités politiques. Cela s'est répercuté sur les débats qu'ils soulevaient, en effet, ces débats qui étaient à l'origine pacifiques, se mutaient en guerres acharnées polarisant la société Tunisienne. Les principales manifestations de cette mutation sont : L'attaque violente de personnalités ou d'orientations politiques par le biais d'informations peu crédibles, la publication de rumeurs pouvant mettre en danger la paix sociale et l'emploi d'un langage extrémiste. Pour synthétiser, nous pouvons dire que la communication politique en Tunisie est en crise du point de vue de la qualité mais aussi du point de vue de l'éthique. Cette situation ne nous paraît pas étrange étant donné que les compétences de la plupart de nos politiciens en matière de communication sont faibles, que la culture citoyenne est à un stade embryonnaire et que le paysage politique tunisien est, en lui même en cours de restructuration. Notre ambition est, par conséquent de contribuer à cette restructuration de la communication politique en proposant des orientations susceptibles de permettre l'instauration d'un cadre éthique respecté par tous.
Pour un respect rigoureux des valeurs éthiques par les politiciens
L'importance de l'éthique dans le contexte politique est incontestable, en ce sens que si la publicité mensongère ne ferait que causer l'insatisfaction des clients, un message irresponsable de la part d'un politicien pourrait, en revanche mener à la guerre civile. Cela dit, estime M Chaabane « L'éthique du marketing politique a été traditionnellement appréhendée sous l'angle restreint de la communication institutionnelle. Or, il se peut que les dirigeants d'un parti respectent littéralement les valeurs éthiques, mais cela n'aurait aucune valeur si les supporters de ce parti qui sont eux-mêmes acteurs Marketing, ne les respectent pas. La motivation principale de mon étude est, justement de proposer des mesures pratiques susceptibles d'étendre la notion d'éthique à tout intervenant pratiquant une forme de communication politique, qu'il soit affilié à un parti politique ou non.
Nous devons remarquer a priori que la résolution des problèmes liés au dérapage du système de communication politique n'incombe pas uniquement aux partis, d'autres institutions sont tenues elles aussi d'y contribuer. Toutefois, étant donnée l'étendue et la conjoncture de cette recherche, nous allons nous limiter aux propositions ayant trait aux partis politiques, en espérant que des études ultérieures en sociologie ou en politologie puissent nous apporter des éclaircissements quant aux actions devant être entreprises par les autres intervenants à l'instar des médias ou de l'état.Tout d'abord, force est de signaler que le politicien est pour l'activiste ce que le leader d'opinion est pour le consommateur. Par conséquent, le respect rigoureux des valeurs éthiques par les politiciens est, en partie garant du respect des mêmes valeurs par les activistes. Le point de départ est, de ce fait l'homme de politique, ce dernier est tenu d'adopter un discours plus responsable basé sur des faits et, plus généralement d'apprendre à communiquer. D'autre part, les partis sont conseillés d'éviter les discours idéologiques susceptibles de cloisonner la société et d'orienter la plupart de leur effort communicationnel vers la présentation de leurs programmes plutôt que l'attaque de leurs adversaires. Dans le même esprit, les actions de communication politique ne doivent plus avoir pour unique motivation l'obtention de l'adhésion des électeurs. Elles doivent en outre contribuer à la création d'une certaine cohésion sociale orientée vers les intérêts communs, et à la promotion d'un climat de tolérance et de diversité fondé sur l'acceptation de l'autre. Nous suggérons, par ailleurs l'intégration des jeunes au sein des structures des partis. Ceci va permettre, d'un côté de mieux communiquer avec un corps électoral composé en majorité de jeunes, et de l'autre côté de responsabiliser les jeunes activistes et de canaliser leurs efforts politiques en leur évitant de s'investir dans des pages animées essentiellement par des débats idéologiques insensés.
Mieux informer est, en outre une des mesures de base que nous préconisons. La transparence informationnelle nous évitera, en effet la propagation de rumeurs. Nous ajoutons à ce niveau que le message transmis par le politicien ne doit pas contenir des zones d'ombre pouvant faire l'objet d'interprétations divergentes. Les partis doivent, aussi contribuer à l'amélioration de la culture politique des citoyens, car la majorité des débats violents entrepris au sein des réseaux sociaux sont dûs à une méconnaissance de la politique. Nous suggérons, d'ailleurs d'animer des réunions entre les partis avec la participation des jeunes et de certains activistes et ce en vue de rapprocher les idées et de sortir de la vanité des guerres idéologiques virtuelles.
De plus, un effort doit être entrepris pour canaliser les discussions politiques sur la toile au sein des pages officielles des partis et/ou de pages à caractère responsable pour pouvoir gérer les débats et les orienter. Sans oublier la nécessité pour le parti d'être à l'écoute du citoyen pour absorber la volonté d'expression politique et éviter qu'elle ne « s'explose » sous forme de discours extrémistes sur la toile ».Bref, le marketing politique a-t-il un bel avenir en Tunisie ? Même s'il ait une réelle influence sur l'opinion publique et les élections, il est temps de le canaliser et le restructurer plus "