L'Iran lance une 18e vague de représailles contre l'entité sioniste    CA – Aujourd'hui l'assemblée générale élective : Plus qu'une échéance électorale !    Décès d'un jeune Tunisien en Suède : le ministère des Affaires étrangères suit l'enquête de près    Djerba-Zarzis en tête des destinations tunisiennes avec 1,3 million de visiteurs    Ciel peu nuageux et températures en hausse    69e anniversaire de la création de l'armée nationale : Une occasion pour rapprocher l'institution militaire du citoyen    L'églantine: Une petite rose, beaucoup de bienfaits et une véritable richesse pour la région de Zaghouan    Nafti, à Istanbul, pour participer à une réunion extraordinaire des ministres arabes des Affaires étrangères    Coupe du monde des clubs- Groupe D- EST-Los Angeles FC (1-0) : Magnifique Belaïli, sacré Ben Saïd !    Coupe du monde des clubs : L'Espérance de Tunis bat le Los Angeles FC    Oui, des Israéliens fuient par l'Egypte, mais pas de "réfugiés" installés dans le Sinaï    Le groupe espagnol SEAT prévoit d'élargir ses investissements en Tunisie    Séisme de magnitude 5,1 frappe le nord de l'Iran    Amnesty pointe la répression des humanitaires et la criminalisation de la solidarité    Tarak Cherif : Capitaliser sur les IDE existants pour renforcer l'attractivité du site Tunisie    Fausse gifle, vraie manipulation : ce que cache la campagne contre Hend Sabry    El Amra : les autorités démantèlent un nouveau camp de migrants subsahariens    Les musées militaires tunisiens ouvrent leurs portes gratuitement ce dimanche    Israël, l'Occident et l'hypocrisie nucléaire : le sale boulot à deux vitesses    Face au chaos du monde : quel rôle pour les intellectuels ?    Festival arabe de la radio et de la télévision 2025 du 23 au 25 juin, entre Tunis et Hammamet    Révision des dispositions relatives au crime de détournement de fonds : examen des propositions d'amendement de l'article 96    Ons Jabeur battue au tournoi de Berlin en single, demeure l'espoir d'une finale en double    Carrefour Tunisie lance le paiement mobile dans l'ensemble de ses magasins    Céréales : une campagne prometteuse malgré les aléas climatiques    WTA Berlin Quart de finale : Ons Jabeur s'incline face à Markéta Vondroušová    Caravane Soumoud de retour à Tunis : accueil triomphal et appels à soutenir la résistance palestinienne    Après le succès de sa grève, l'Organisation Tunisienne des Jeunes Médecins brandit la menace d'escalade    Météo en Tunisie : légère hausse des températures    CUPRA célèbre le lancement du Terramar en Tunisie : un SUV au caractère bien trempé, désormais disponible en deux versions    AMEN BANK, solidité et performance financières, réussit la certification MSI 20000    15 ans de prison pour le nahdhaoui Sahbi Atig    Sahbi Atig condamné à quinze ans de prison pour blanchiment d'argent et faux témoignage    Mourir à vingt ans aux frontières de l'Europe : quand la solidarité est criminalisée    Médina de Tunis : des commerces sanctionnés pour non-respect des règles d'hygiène    Joséphine Frantzen : rapprocher la Tunisie et les Pays-Bas, un engagement de chaque instant    Grève générale dans le secteur agricole tunisien prévue le 25 juin : la fédération lance un avertissement    Kaïs Saïed : un ancien ministre se permet de donner des leçons alors que c'est un escroc !    Kaïs Saïed, Ons Jabeur, Ennahdha et Hizb Ettahrir…Les 5 infos de la journée    Berlin Ons Jabeur en quarts de finale face à Markéta Vondroušová    Skylight Garage Studio : le concours qui met en valeur les talents émergents de l'industrie audiovisuelle    Festival Au Pays des Enfants à Tunis : une 2e édition exceptionnelle du 26 au 29 juin 2025 (programme)    Découvrez l'heure et les chaînes de diffusion du quart de finale en double d'Ons Jabeur    Le Palais de Justice de Tunis: Aux origines d'un monument et d'une institution    Skylight Garage Studio : Le concours qui met en valeur les talents émergents de l'industrie audiovisuelle    Salon international de la céramique contemporaine du 20 juin au 15 juillet 2025 à la médina de Tunis    Tunisie : Fin officielle de la sous-traitance dans le secteur public et dissolution d'Itissalia Services    La Tunisie mobilise les soutiens en faveur de son candidat l'ambassadeur Sabri Bachtobji, à la tête de l'Organisation Internationale pour l'Interdiction des Armes Chimiques (OIAC)    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Grand prix de la compétition internationale au FID Marseille
Le documentaire tunisien Babylon
Publié dans Le Temps le 11 - 07 - 2012

Babylon, le documentaire tunisien réalisé par Ala Eddine Slim, Ismaël Louati et Youssef Chebbi (EXIT PRODUCTIONS), a obtenu, lundi 9 juillet 2012, le grand prix de la 23ème compétition internationale du FID MARSEILLE, le plus prestigieux festival de la région consacré au documentaire de création et au cinéma d'essai.
Ce prix vient nous dire de manière retentissante, qu'une nouvelle génération de cinéastes est bel et bien là. Elle ne se fait d'ailleurs pas prier et ne se fait pas attendre non plus : elle s'impose.

Dès le 14 janvier, de jeunes réalisateurs ont répondu à l'appel des événements et se sont lancés caméra au poing dans le feu de l'action. Ala Eddine Slim, Ismaël Louati et Youssef Chebbi ont couru vers Ras Jedir sans avoir véritablement l'intention de réaliser un film. Ils savaient que toutes les agences de presse du monde couvriraient l'événement de manière journalistique et n'avaient pour objectif que de participer à leur manière à l'accueil des milliers de réfugiés qui affluaient à la frontière tunisienne. Très vite, leur élan de générosité cède le pas à l'urgence de filmer et se transforme en nécessité de témoigner. Cela donne une fresque d'une grande intensité: Babylon. Un titre qui évoque un lieu mythique où l'on parle toutes les langues.

Au camp de Ras Jedir, où se retrouvent pas moins de quinze nationalités de réfugiés, la survie s'improvise en dépit des difficultés à communiquer. Les cinéastes improvisent eux aussi, accompagnant les événements au jour le jour. Ils tâtonnent et cherchent leur place dans cet univers apocalyptique battu par les vents de sable. En perte de repères comme les personnes qu'ils filment, ils s'adaptent, ils s'immergent complètement dans l'expérience et c'est cette initiation qui donne à ce reportage toute sa profondeur, lui conférant sa dimension documentaire. Chaque plan est l'occasion d'une méditation. Chaque plan porte en lui la marque d'un engagement humain, citoyen et artistique. La gravité vient non seulement de la tragédie elle même, mais du sens du devoir qu'ont les cinéastes à son égard. La beauté réside alors dans l'attitude morale qui s'incarne dans leurs images. Empathique sans jamais être pathétique, l'observation reste sobre. Là encore, le minimalisme et l'épure nous ramènent au mythe.

Respectant les situations et la dignité des personnes, la caméra ne force jamais l'identification en privilégiant des individus par rapport à d'autres. Elle ne choisit pas de manière prédatrice des exemples soi- disant significatifs. Peu ou presque pas d'interviews! Les seules paroles entendues sont celles des échanges qui fusent ça et là par bribes. On perçoit les situations, mais on ne comprend pas nécessairement tout. L'approche est en effet aux antipodes de ce que requiert la télévision. Rien de sensationnel dans cette évocation où l'on tente de restituer le plus simplement du monde une atmosphère.

Fureteuse, la caméra prend le risque de se laisser surprendre. C'est pourquoi elle découvre sans cesse sa propre ingénuité, d'où les nombreuses trouvailles visuelles qui fascinent et qui entretiennent notre curiosité. Nous sommes continuellement dans l'expectative alors qu'il se passe peu de choses. Le film dure deux heures et on ne s'ennuie pas un seul instant.

Pour filmer cette masse humaine à la dérive, principal personnage du film, le plan large est de rigueur comme pour tenter de trouver des marques et pour cerner l'ensemble d'un phénomène avec une certaine amplitude. La distance n'est donc pas ici une garantie de neutralité mais de visibilité.

C'est l'acceptation du fait qu'elle soit en perpétuelle recherche qui confère à la caméra toute sa vulnérabilité. S'il lui arrive d'approcher un visage ou un corps, d'être prise dans la dynamique d'une discussion véhémente, d'une bagarre ou d'un mouvement de foule, elle est toujours en péril, en éveil, en questionnement. Nous avons donc l'impression de participer à l'action tout en réalisant qu'il est impossible dans certaines conditions de tout analyser, disséquer et comprendre.

Le refus de sous titrer le film s'inscrit d'ailleurs dans cette logique et trouve ainsi toute sa cohérence. Du coup, le spectateur est lui aussi parachuté dans un univers où il est obligé de se raccrocher à l'essentiel. Ici, les faits sont tellement forts qu'ils se passent de tout commentaire, de toute explication et si l'on ne saisit pas tout, à l'instar des réalisateurs, on n'en ressent pas moins des émotions et l'on sort de ce film, imprégnés par la puissante énergie de cet espace, véritable no man's land emblématique où se joue le sort de milliers d'individus. Entre incommunicabilité et solidarité, entre documentation et poésie, le film trouve, dans un plan, la figure du balancier qui illustre parfaitement son mouvement interne.

Babylon a donc une portée universelle qui dépasse les niveaux anecdotiques et conjoncturels pour se situer au niveau de la condition humaine. Ce témoignage qui relate l'une des tragédies de notre temps suscite l'intérêt car il explore des territoires purement cinématographiques avec une écriture résolument tournée vers l'expérimentation qui se base sur le doute, assume la fragilité, l'ignorance, l'incomplétude. Sa force vient pourtant de la confiance qu'il place en la capacité de l'humain à résister et à survivre dans le chaos. Là encore, une référence au mythe de Babel impose ce film non comme un simple document à valeur archivistique mais comme une œuvre au sens fort du terme porteuse d'une vision sur le cinéma et sur un monde sans cesse menacé.

La dramaturgie de Babylon est on ne peut plus classique. La construction de la narration est en effet très rigoureuse. Elle agit par rapport à la profusion d'images tournées de manière sauvage de la même façon que le cadre d'accueil est mis en place par les autorités frontalières pour construire des infrastructures et définir des règles à même d'endiguer la déferlante des réfugiés. Entre ordre et désordre, cette chronique de l'attente est donc un exercice formel mais, sans maniérisme aucun, où le sujet et sa mise en œuvre, trouvent naturellement leur symbiose.

Ce grand prix du FID Marseille qui couronne Babylon est un encouragement à tous les cinéastes indépendants tunisiens. Il est l'indice que quelque chose de nouveau est en train de fermenter dans notre cinématographie et qu'il y a lieu de s'en réjouir.

Hichem Ben Ammar


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.