Le Parti du Travail Patriote Démocrate (PTPD) a tenu dernièrement une conférence élargie de ses cadres en présence de 150 cadres venant du Grand Tunis, du Nord Ouest, du Centre et du Sud du pays. Abderrazak Hammami, président de la Haute Instance Politique du parti se livre au Temps pour l'entretenir du contenu de cette conférence, ses positions concernant la situation politique dans le pays, les différentes questions qui se posent sur la scène politique, l'unification des forces patriotes et démocrates, la constitution d'un Front de Gauche, Nida Tounès, l'Instance Supérieure des Elections...
Le Temps : quel a été l'objet de votre dernière conférence de cadres et ses principales conclusions ?
Abderrazak Hammami : lors de la conférence des cadres nous avons passé en revue la situation dans le pays, un climat caractérisé par la détérioration de la situation politique, ajouté à cela les divergences politiques dans l'élaboration de la constitution, le retour des procès politiques, le regain de la tension dans les rapports entre les différentes parties. Nous avons conclu que ce paysage représente un recul lié aux prochaines échéances politiques. Des promesses générales sont tenues sans garantie sur la tenue des échéances électorales à leur rendez-vous. Des craintes persistent quant à la monopolisation des forces de décision politique et des articulations de l'Etat, sans oublier des appréhensions que la prochaine instance des élections ne garantisse une certaine transparence. Dans le retour des procès politiques, notre parti est le premier visé. La crise sociale ne fait que s'amplifier. Le nombre de chômeurs augmente. Des ouvriers des chantiers ne sont pas payés. Le courant électrique et l'eau sont coupés dans plusieurs régions. Les déchets s'entassent à des dépotoirs et des cités entières deviennent polluées. Des images désolantes. Nous avons conclu qu'il faut militer pour l'indépendance de la décision nationale. Le grand slogan de la prochaine étape est la consécration du côté civil, pour qu'il n'y ait pas de retour en arrière.
Dans quel cadre doit se faire cette lutte ?
La lutte doit se faire dans un cadre pacifique loin des surenchères et des violences et à caractère civil en rapport avec le pouvoir et les partis politiques. Les rapports entre le pouvoir et les partis politiques doivent changer. Les partis d'opposition ne doivent pas se cantonner dans un rôle stérile. Ils doivent défendre les acquis du pays. Il faut unir les forces démocratiques, de la Gauche sociale aux forces libérales républicaines.
Est-ce-que Nida Tounès fait partie de ce faisceau ?
Nida Tounès a pour le moment fait une déclaration de principe qui ne présente pas de sujets de désaccords entre Tunisiens. Il y a certaines réserves contre certaines personnalités parmi les fondateurs. Nous, nous analysons les programmes politiques. Nous croyons que chaque responsable politique qui ambitionne de prendre part à la gestion de la chose publique, ne doit pas avoir été impliqué dans la politique de despotisme.
Que pensez-vous du projet gouvernemental d'Instance Supérieure des Elections ?
Je ne suis pas d'accord avec la procédure de nomination du président de l'Instance. Le fait qu'il soit désigné par les trois présidents ne lui confère pas l'unanimité ou le consensus dont il a besoin. C'est une désignation qui doit faire absolument l'objet d'un consensus. Concernant le rôle administratif de l'Instance, nous croyons qu'elle doit être totalement indépendante sans se soumettre aux mécanismes gouvernementaux ou à des parties politiques. Il faut arriver à une instance nationale forte d'une unanimité afin qu'elle puisse aboutir à des élections sérieuses qui ne seront remises en cause par aucune partie.
Pensez-vous que l'échéance du 20 mars pour les prochaines élections est plausible ?
J'espère bien que nous serons au rendez-vous, même s'il y a déjà des voix d'anciens responsables de l'ISIE qui s'élèvent pour dire que c'est difficile à réaliser. Espérons que les efforts des Tunisiens convergent tous pour la réalisation des prochains rendez-vous.
Où en êtes-vous dans le processus d'unification des Patriotes Démocrates ?
Nous sommes sur la même position. Nous allons vers l'unification qui doit être l'occasion d'un saut qualitatif. Nous voulons un parti avec une conception politique actualisée et des mécanismes démocratiques, avec direction collégiale qui rompt avec les partis pyramidaux, avec un seul dirigeant. Nous sommes pour une direction collective où chaque responsable a une seule responsabilité que ce soit au niveau central, régional ou sectoriel.
Le Front de Gauche. Quelles sont les conditions de sa formation ?
Le Front de Gauche est une chose positive. Toutefois, nous ne voulons pas d'un front constitué sur la base de l'instrumentalisation politique, pour servir des intérêts catégoriels privés que certains considèrent comme un bien privé ou se prennent pour une pièce maîtresse avec prétention et infantilisme politique qui a mené aux catastrophes subies par les forces de Gauche le 23 octobre. Nous voulons éviter cette débâcle. Nous refusons que le Front soit fait sur mesure pour une partie donnée et où on opposerait un véto contre tout ajout. Nous ne voulons pas que ce Front soit un outil pour diviser les rangs des forces démocratiques au nom d'une prétendue pureté. Le Front doit être un facteur de construction d'un projet civil et démocratique pour le pays.