Une chaleur insupportable s'abat sur les lieux. Durant ces heures où il est déconseillé de circuler, le jeûne aidant, les manifestants, composés de société civile, de partis politiques et de citoyens, étaient tous au rendez-vous, en ce jeudi 9 août à 14h devant le siège de l'Assemblée nationale constituante à Tunis. Motif primordial de ce sit-in : la détérioration patente de la situation politique en Tunisie depuis des mois.
Ils étaient par centaines à répondre à l'appel du réseau Doustourna, qui, après le refus du ministère de l'Intérieur de lui accorder l'autorisation de manifester le 5 août dernier, a dû reporter le rassemblement pacifique pour se réunir hier.
Un ras-le-bol général
L'image de la manifestation non-autorisée à la ville de Sidi Bouzid, berceau de l'émeute tunisienne nous replonge, de par ses images choquantes et la répression policière outrancière, dans un passé que l'on croyait enterré à jamais. Des tirs de bal en plastique et du gaz lacrymogène ont été notés suite à des affrontements entre les manifestants et les policiers devant le local du gouvernorat de ladite ville.
Conjointement, le rassemblement du 9 aout a été nettement moins violent mais scandait les mêmes revendications que les habitants de Sidi Bouzid, à savoir le ras-le-bol général contre le gouvernement, ses agissements. Les manifestants au Bardo, revendiquaient l'indépendance de la magistrature et celle de l'Instance des élections, l'égalité entre homme et femme et la dénonciation du projet de loi de dédommagement des prisonniers d'opinion dans un pays où l'économie peine à se redresser.
Jawher Ben Mbarek (Réseau Doustourna et coorganisateur du rassemblement)
Sur place, nous avons rencontré Jawher Ben Mbarek qui nous a expliqué en quelques mots les objectifs primordiaux du rassemblement : «Il s'agit aujourd'hui, dans ce contexte politique inquiétant, d'axer notre rassemblement sur trois revendications intrinsèques au futur de la Tunisie. D'abord, le chapitre qui concerne les droits et les libertés où il s'agit des droits de l'Homme et des libertés publiques. Ce que nous dénonçons par le biais de ce rassemblement c'est la procédure, la logique et le contenu de ce draft de la Constitution. Il est hors de question de toucher aux libertés et aux droits les plus élémentaires de tout citoyen. Notre seconde contestation c'est par rapport à la situation des instances de régulation, telle que la magistrature dont nous réclamons son indépendance par rapport au gouvernement. Aussi bien, l'indépendance de l'instance supérieure des élections pour être sûrs quant à l'équité et la transparence des résultats. Nous revendiquons par la même occasion, la liberté des médias de toute intervention gouvernementale. Ce que nous voyons, maintenant, est très inquiétant! D'un autre côté, le rassemblement conteste l'autocratie effectuée par un parti majoritaire sur les agissements et les travaux de l'Etat, rouages et manigances sur l'appareil administratif et la main mise sur l'argent public pour des intérêts personnels qui ne vont pas de pair avec les attentes des Tunisien . Conclusion : la Constituante et le gouvernement classe les priorités de manière erronées».
Une des centaines de femmes présentes sur place, professeur de son état, se confia à nous : «On est de plus en plus outrés et scandalisés par l'absurdité des débats au sein de la Constituante ! Le statut de ces institutions de régulation dont l'indépendance est sacrée est outrageusement remis en question. La magistrature, l'instance des élections, le statut de la femme sont de nouveau menacés. On est là pour rappeler à ces constituants que nous dénonçons cette politique de régression. Quant à la dilapidation des deniers publics pour servir des intérêts personnels !c'est une autre paire de manche !! »