Les pouvoirs publics donnent l'impression de se plaire dans cette nouvelle tendance à la banalisation de certains événements historiques marquants et hautement significatifs de notre pays, souvent accueillis paradoxalement avec indifférence, négligence et sans trop de cas. Tel était le cas de la Fête de l'indépendance du 20 mars, ou celle de la République du 25 juillet ; aujourd'hui encore, à la journée du 13 août, consacrée d'habitude à la commémoration de l'anniversaire de la promulgation du Code du Statut Personnel, l'indifférence était de mise, et aucun signe révélateur de fête n'était malheureusement perceptible à Djerba, comme ailleurs dans les autres villes du pays. Rien en apparence n'a été fait pour raviver la mémoire collective et ressusciter le temps d'une commémoration le souvenir de l'avènement d'un tel exploit qui allait révolutionner de fond en comble la jeune nation naissante savourant fraîchement les délices de l'Indépendance. Mais, la société civile, toujours au rendez-vous, se substituant aux pouvoirs publics, s'est acquittée à bon escient de la besogne en tenant résolument à fêter dignement l'événement. En effet, dans ce contexte de polémique ouverte au sujet du si controversé article 28 adopté par la commission des droits et des libertés à la Constituante sur proposition d'une dizaine de constituants nahdhaouis, toujours eux, pour consacrer le principe de la complémentarité de la femme avec l'homme, l'heure était plus que jamais à la rescousse et à la mobilisation. Dans ce sens, et conformément aux objectifs qu'elle s'est assigné, en l'occurrence la consolidation des valeurs de la citoyenneté et de l'esprit civique, la promotion de la culture de la tolérance et de la solidarité entre les citoyens et les groupes sociaux, la défense des libertés , etc... l'Association Citoyenneté et Liberté a pris l'initiative de mobiliser l'opinion pour créer l'événement et célébrer le 56è anniversaire de la promulgation du CSP : ainsi, le 11 août, une soirée hommage a été organisée à la Maison de la Culture de Houmt-Souk, agréablement animée par des jeunes musiciens talentueux issus du conservatoire de musique Al Farabi de Houmt-Souk, et couronnée par un défilé de costumes traditionnels en usage dans l'île, représentatifs du richissime patrimoine vestimentaire insulaire, et dont M.Houcine Tobji, conservateur du musée de Guellala, a savamment et élégamment interprété les richesses et les symboliques ; le 13 août au soir, et toujours sur initiative de l'Association Citoyenneté et Liberté, jointe par d'autres composantes de la société civile et des partis politiques agissants dans l'île, nombreux étaient à répondre à l'appel au rassemblement ; des citoyens des deux sexes et de différents âges se sont retrouvés à 22 heures à la même place de l'avenue Habib Bourguiba à Houmt-Souk, convertie depuis le 14 janvier en un espace de rassemblement et de manifestation de masses, avant d'entamer une marche à travers les artères particulièrement animées de la ville et les placettes bondées d'hommes attablés, loin de s'attendre à un tel rassemblement mouvant. Ils brandissaient des banderoles, toutes à l'honneur de la femme, et scandaient, parcours faisant, à l'unisson et de vive voix, des slogans hostiles aux détracteurs du Code du Statut Personnel pour dénoncer ces tentatives à répétition, émanant toujours des mêmes, visant à porter préjudice aux acquis historiques et avant-gardistes de la femme tunisienne, et pour dire leur ferme détermination à contrecarrer toute velléité à l'atteinte à ses droits irrévocables.