«Le laxisme des municipalités est la cause fondamentale de ces montagnes d'ordures.» Si nos ancêtres nous ont légué comme héritage le savoir et les vestiges du passé, nous, citoyens des Temps modernes lègueront à la postérité un monde d'ordures, de déchets et de remblais. La Journée de la Terre deviendra sous peu une légende, un leurre. A ce rythme-là, la Tunisie sonnera bientôt le glas de l'environnement.
Des odeurs nauséabondes empestent dans nos quartiers et violent nos demeures en s'infiltrant par les fenêtres et les portes. Un amas d'ordure s'entasse partout où nos pas nous mènent. Des sacs en plastique survolent nos cieux, des tas d'ordures, de déchets domestiques ou industriels envahissent nos forêts, nos ravins, nos bas-côtés, nos fleuves et rivières, empoisonnant nos animaux et nous gâchent le quotidien.
La nonchalance citoyenne conjuguée au laxisme hallucinant des municipalités et du ministère de l'Environnement fait que la Tunisie devienne, aujourd'hui, un dépotoir ambulant et à ciel ouvert de tout ce que les Tunisiens jettent et de tout ce que nos usines avortent.
Désespérée, la société civile qui milite pour l'environnement tente tant bien que mal et avec les moyens dont elle dispose, d faire face à ce fléau. Des marches, des actions de nettoyage, des ateliers de sensibilisations au quotidien ont été programmés et ont sonné le tocsin. La dernière en date, l'association «Pour une Tunisie Propre et Verte», nouvellement fondée et présidée par Mme. Camélia Mathlouthi, professeur de son état prend le taureau par les cornes.
A l'occasion de la marche qu'elle organise ce 29 septembre 2012 à 11h devant la Coupole et qui prendra fin devant le ministère de l'Environnement, Le Temps l'a rencontrée :
Le Temps : Quand et comment est née l'association écologique Pour une Tunisie propre et verte ?
Camélia Mathlouthi : Nous sommes, tout d'abord, une association apolitique ouverte à tous et aux amoureux de l'environnement. La création de l'association date du 17 août 2012, mais nous militons depuis deux ans environ. L'idée est née alors que le paysage des rues de Tunis et du reste du pays se défigurait de jour en jour par les déchets non amoncelés, c'est à ces moments-là que j'ai décidé de créer une page verte avec le slogan «Pour une Tunisie propre et verte» sur un site multi média. Aussitôt créée, aussitôt la page attira beaucoup de sympathie sur le plan National et au-delà des frontières. Des sympathisants étrangers ainsi que les Tunisiens résidents à l'étranger. Cette page comptabilise, aujourd'hui, plus de 3080 membres, un nombre toujours croissant. Je coordonne via ma page des opérations et des campagnes de sensibilisation, de formation de comité de quartier, de nettoyage et d'atelier d'enfants. La dernière en date, je l'ai organisé avec la collaboration de la libraire libr'air à Ennasser. Ce fut un véritable succès. Face à l'intérêt qu'a suscité cet atelier et avec le conseil d'un consultant International en communication, j'ai fondé «Pour Une Tunisie Propre Et Verte » comme association à but non lucratif.
Quels sont les objectifs de «Pour une Tunisie propre et verte» ?
Notre travail consiste surtout à sensibiliser la population sur l'importance de l'écologie en informant massivement les gens sur les impacts de leur négligence quant à l'avenir de la planète. Nous luttons, notamment, à ce qu'on ait des villes et des cités propres. Notre objectif est d'embellir les quartiers avec des espaces verts, chose qui doit se faire dans la durée. L'état de nos villes est alarmant et l'on est obligé de militer pour avoir des rues propres !
En quoi consistent concrètement vos actions en tant qu'association environnementale ?
Nous ne faisons pas d'actions de nettoyage car nous considérons que nous payons déjà des taxes pour que les municipalités nettoient nos rues. Par contre, nous faisons pression pour qu'on fournisse aux citoyens la logistique nécessaire pour maintenir des rues propres (poubelles, etc.) et nous poussons le citoyen à faire des efforts pour garder les rues propres.
Nous avons déjà mis en place des ateliers de recyclage, nous avons passé des courts-métrages à des jeunes au terme desquels ont été organisés des débats.
Le grand rendez-vous est pour le 29 septembre 2012 ? Pourriez-vous nous donner de plus amples détails sur cette journée ?
Le 29 septembre à 11 heures, nous organisons une marche qui débutera devant la coupole d'El Menzah I et se terminera devant le ministère de l'environnement. Le dessein de cette marche est d'attirer l'attention de l'Etat quant à la situation dégradée dans laquelle se trouvent nos rues à cause de l'absence de poubelles.
La marche du 29 septembre se veut dénonciatrice du laxisme des municipalités qui est la cause fondamentale de ces montagnes d'ordures. Il n y a plus de dépotoirs (nous ignorons les détails et les raisons). Le ministère de l'Intérieur et son homologue de l'Environnement en sont responsables ! C'est au ministère de l'Environnement de s'occuper du tri des déchets ! Le troisième responsable est le ministère de la Santé publique qui devrait prendre des mesures concernant l'hygiène et la santé des citoyens. En dernier lieu, les citoyens, sont aussi responsable vu qu'ils participent à cette catastrophe environnementale lamentable dans nos rues et quartiers par leur nonchalance, leur irresponsabilité et dans leur attitude de vie quotidienne.
Le désespoir a fait que nous recourons à la rue pour exprimer un mécontentement et notre peur que la Tunisie devienne un des pays les plus sales du monde!
Nos rues et ruelles sont devenues des dépotoirs et les gens semblent plutôt obnubilés par la politique. Pensez-vous que cette marche aura de l'effet à l'échelle gouvernementale ?
C'est ce qui nous tracasse le plus mais nous ne baisserons pas les bras. Nous réclamons un minimum de logistique (poubelles etc.) pour tenir nos rues propres. Certes, le citoyen doit aussi se sentir concerné mais nous estimons que le Tunisien n'est pas le seul à blâmer en ce qui concerne la situation actuelle. Nous tenons à ce que notre voix soit entendue afin de faire pression sur les municipalités pour qu'elles se mettent enfin au boulot.
Nous voulons également provoquer une prise de conscience et attirer l'attention de la masse trop absorbée par la politique, l'économie, le social, etc. Car notre environnement se détériore dangereusement. Si ça continue, nous observerons des cas de choléra, de peste, de tuberculose, de tétanos, de bronchite chronique, de cancers etc. Nous voulons également sensibiliser et informer les personnes présentes et/ou de passage sur la question du développement durable.
Melek LAKDAR
Le "citoyen" s'en moque
Nous avons par la même occasion, donné la voix à l'un des membres de l'association «Pour une Tunisie Propre et Verte», Mohamed Said Guirat : «Les ordures s'accumulent, s'entassent puis débordent. Le "citoyen" s'en moque. Quant aux autorités, c'est une autre paire de manche ! Elles n'existent plus ! Au final, c'est la terre qui subit. Chaque jour de nouvelles infractions, de nouveaux tas se versent sur les bas-côtés, dans les terrains publics ! Ne parlons pas des forêts et cours d'eau. A croire qu'il n'y a pas de solutions! Où va la TUNISIE? Que font le ministère, les agences et organismes environnementaux?? Un seul constat: Si on ne bouge pas, les conséquences seront irréversibles.»