Commerces à vendre, lit-on, déjà, sur un grand écriteau accroché à la façade d'un nouvel immeuble en cours de finition à la corniche de la Goulette, tout près de la plage. A une dizaine de mètres, à sa gauche, dans le même pâté, des ouvriers et des maçons s'affairaient à achever un autre nouvel immeuble de même type, composé d'une galerie commerciale au rez- de chaussée surmontée de quatre étages formés d'appartements de différentes dimensions. De nombreux autres chantiers de constructions sont ouverts un peu partout dans la ville, certains sont des projets réalisés par des opérateurs immobiliers, mais beaucoup sont des extensions et des agrandissements entrepris par des particuliers. Le mouvement est général, à vrai dire. L fièvre de construction a été, toujours, à l'œuvre, en Tunisie, mais jamais avec autant d'ardeur, à se demander, par les temps difficiles qui courent, d'où les gens sortent-ils l'argent nécessaire. Il y a, certes, les crédits bancaires. Cependant, cela n'explique pas tout, fait remarquer, avec raison, Oussama, jeune homme de 27ans, de la Goulette, diplômé du supérieur, qui nous servait de guide. Comme dans la Capitale Tunis et les cités des environs hautement urbanisées, les projets initiés par les opérateurs immobiliers sont des projets de rénovation et de 'rajeunissement'' urbain, pour ainsi dire. D'anciennes propriétés sont acquises, démolies et à leur place, sont édifiés de nouveaux immeubles, à usage commercial ou mixte, habitation et commerce, qui reviennent chers. Aussi, les prix de vente des locaux qu'ils renferment sont élevés. Dans un immeuble récemment construits à l'avenue Habib Bourguiba, à la Goulette, à la place d'une ancienne villa dont on disait qu'elle était habitée par les esprits, un appartement de deux pièces et salon est vendu à plus de 160 mille dinars( 160 millions millimes). Le comble est que tous les appartements ainsi que les locaux commerciaux du rez- de chaussée ont trouvé, vite, des acquéreurs. Les occasions ne sont pas plus propices, dans les projets réalisés ou en cours de réalisations sur des terrains à bâtir, dans la grande zone voisine, entre la Soukra, Ain Zaghouan, les Berges du Lac de Tunis, au sud, et la ville de la Marsa, au nord, des deux cotés de la route Tunis- la Marsa.
Progrès, dites-vous ? La zone est couverte, de long en large, d'immeubles nouvellement construits, et, curieusement, tous occupés, alors que les prix de vente des appartements à usage d'habitation, calculés au mètre carré couvert, sont très chers. L'urbanisation a beau être un signe de progrès, tout ce qui brille n'est pas, non plus, de l'or. Comme l'a signalé le jeune Oussama qui nous guidait, lors des dernières fortes précipitations, les eaux pluviales ont inondé, complètement, durant vingt quatre heures, l'avenue Habib Bourguiba, à la Goulette, bloquant les mouvements des riverains qui s'étaient trouvés condamnés à rester, tout ce temps, chez eux, y compris ceux qui avaient déboursé plus de cent soixante millions millimes pour avoir un appartement confortable dans le nouvel immeuble signalé. Et c'est un exemple parmi des milliers d'autres.
Sans accuser quiconque, un citoyen, interrogé, a rappelé l'état désastreux où avait été réduit le cadre de vie urbain, dans toutes les villes tunisiennes, sans exception, au lendemain de la Révolution, suite aux nombreuses atteintes à la propreté et à l'environnement causées par les constructions anarchiques, les étalages commerciaux sauvages, les rejets des déchets incontrôlés dans les rues et les places publiques. Au même moment, la presse et les médiats ne cessent de s'inquiéter de la détérioration continue des équipements collectifs, écoles, hôpitaux, routes, sans parler de la congestion de la circulation routière. Un officiel est catégorique. Les autorités font de leur mieux, mais leur marge de manœuvres est faible, faute de moyens. Selon lui, les responsables se trouvent coincées entre des milieux d'affaires courant, toujours, derrière des profits faciles, et des citoyens que rien ne satisfait, mais les uns comme les autres oublient, souvent, qu'ils sont, en premier lieu, des contribuables.