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Notes libres Par Hélé Béji
Ces salafistes, nos enfants
Publié dans Le Temps le 29 - 11 - 2012

Il est difficile de comprendre, il est douloureux d'admettre que, après la Révolution de la dignité et de la jeunesse, deux jeunes salafistes tunisiens, Béchir Gholli et Mohamed Bakhti, à peine sortis de l'adolescence, soient morts des suites d'une grève de la faim en prison, parce qu'ils protestaient de leur innocence et de leur « éminente dignité », selon le mot de Bossuet.
Leur arrestation avait suivi une expédition punitive contre l'ambassade des Etats-Unis à Tunis, le 14 septembre dernier, et l'autodafé d'une école – crime de lèse-majesté dans un pays qui a fait de la scolarisation son mythe fondateur. N'eût été leur évacuation précipitée, les élèves auraient péri dans les braises de leur bibliothèque calcinée. Tout cela à cause d'une improbable offense faite à l'islam, sortie d'on ne sait quel film glauque que personne n'aurait remarqué, si une foule d'ignorantins fiévreusement endiablés par leur zèle divin n'avait recouvert de gloire obscène les âneries que les réseaux sociaux savent enfler de ricanements cyniques et de jeux fanfarons. Cette farce sinistre a tourné au tragique avec la mort cruelle de ceux là mêmes qui se sont révoltés jusqu'à leur dernier souffle pour l'honneur de leur foi, inséparable de leur idée de justice.
Certes, le fossé est immense qui sépare cette confrérie ultra-dévote de la société tunisienne. Même les islamistes au pouvoir, dont ils sont pourtant une des jeunes pousses les plus exaltées, ne reconnaissent plus en eux leurs disciples. L'opinion publique, qui les craint comme la peste, ne les plaint pas outre mesure : « Ils se sont punis eux-mêmes, la société est quitte, Dieu est grand ! » entend-on ici et là ; ou « Bon débarras ! » chuchotent les plus cyniques, ponctué malgré tout d'un « Paix à leur âme ! » ; ou bien « Ces fanatiques ont retourné contre eux-mêmes leur folie, personne n'y peut rien » ; ou encore « Il faut pleurer leurs victimes, et non cette graine de bourreaux » ; « Les Tunisiens aiment la vie, ces idolâtres aiment la mort » ; « C'est des Martiens, pas des Tunisiens ! », etc. On s'accommode de leur suicide comme de la conclusion inéluctable de leur égarement hors du sens commun, et de leur crime contre l'ordre public et contre la religion elle-même.
Pourtant, il est difficile de se satisfaire de quelques sophismes pour apaiser sa conscience. Quel que soit le jugement que l'on porte sur cet orgueil chimérique, quelle que soit l'idée révulsée qu'on a de l'exaltation obstinée de ces martyrs impénétrables, avec leurs figures longitudinales semblables aux Christ agonisants et aux ecclésiastiques en surplis peints par El Greco, quel que soit l'effroi général que suscitent en Tunisie les agressions dont leur mouvement s'est rendu coupable contre leurs concitoyens, y compris contre les dirigeants islamistes eux-mêmes, on ne peut pas ne pas être saisi de terreur et de pitié face à cette vérité funeste : la nouvelle démocratie tunisienne les a laissés mourir sans daigner leur porter secours. Je ne sais si, oui ou non, ils furent coupables des actes pour lesquels ils ont été détenus, la question n'est pas là. Mais je suis secouée par le fait qu'ils aient préféré mourir sous les yeux secs de leurs maîtres et chefs spirituels, des pouvoirs publics, de la classe politique et intellectuelle, de la société dans son ensemble, plutôt que d'abjurer leur innocence.
Certes l'indifférence à leur sort, sous couvert d'une fatalité inscrite dans leur obscurantisme, exprime en réalité l'incompréhension que leurs concitoyens éprouvent à leur égard. Les Tunisiens écarquillent les yeux devant leur zèle néophyte. Leur prosélytisme offusque le bon sens par l'usurpation difforme de la mémoire ancestrale. Ces prêcheurs novices ont jeté tant d'anathèmes sur les Tunisiens ordinaires, ils ont tellement bafoué le respect des aïeux, attaqué les cultes populaires, déguisé leurs femmes de ténèbres, empoisonné la vie universitaire, molesté les intellectuels et les journalistes qu'ils ont introduit des germes de guerre dans un pays clément qui, il y a deux ans à peine, avait réussi une révolution non religieuse sans violence, dont le monde entier a salué le prodige. Il ne faut pas s'étonner de les voir rejetés non seulement comme étrangers à leur propre société, mais comme fléau de son caractère tolérant, sous leurs noirs étendards de pirates de la foi qui tétanisent même les voyous de quartier les plus endurcis, en comparaison plus inoffensifs que des gardiens de la paix.
Mais cette opinion commune suffit-elle à nous faire accepter qu'on les ait laissés périr comme des parias, au bout d'un jeûne dont l'issue fatale, si conforme soit-elle à leur âpre soif de sacrifice, ne peut dédouaner la puissance publique de ne pas avoir tout tenter pour les sauver, surtout quand elle se légitime d'une nouvelle éthique démocratique ? Ces prisonniers, même s'il s'avérait qu'ils étaient coupables, ont-ils été traités avec toute l'humanité, toute l'équité, toute la protection qu'ils étaient en droit de recevoir de leur Etat post-révolutionnaire ? Ils ont provoqué eux-mêmes leur martyre par leur penchant morbide pour l'extrême ? Soit. Mais est-il supportable de ne pas s'en émouvoir sous prétexte qu'ils sont des antidémocrates, dont il découle que leur vie ne vaut pas grand-chose, que leur mort est une peccadille ?
L'argument qui prévaut chez les responsables qui se sont exprimés sur cette affaire est que la Justice tunisienne, après la Révolution, est désormais indépendante, et ne permet donc aucune intrusion politique dans les procédures judiciaires, aucune intervention, médiatique ou autre, qui perturberait le cours de ses enquêtes et la souveraineté de ses décisions. Mais, même si nous savons encore peu de choses de la manière dont l'instruction a été menée, même si la détention provisoire aura respecté toutes les procédures (au dire des premiers témoins et des avocats, rien n'est moins sûr), je ne suis pas convaincue que la raison du nouvel ordre démocratique, derrière la séparation des pouvoirs et le respect des libertés individuelles, ne les a pas laissés périr par une négligence et un mépris de la vie similaires à ceux qui les aurait broyés et voués à la peine capitale dans une dictature aveugle. La démocratie qui, depuis le 14 janvier 2011, leur avait donné le droit de vivre, les a enfermés aujourd'hui dans l'obligation de mourir. Ces jeunes gens (et le fait qu'ils soient salafistes ou fanatiques ne change rien à l'affaire) ont préféré la désobéissance civile qui les a conduits à leur fin, plutôt que de céder aux lois de la Cité, dont ils ont mis en doute l'esprit de justice. Rappelons-nous Antigone.
Cette rébellion intérieure qui, dans des circonstances exceptionnelles, donne à la volonté l'aptitude surhumaine de servir une cause qu'elle juge supérieure à sa propre vie, et dont la vérité lui paraît plus sacrée, est comparable à celle qui avait conduit Bobby Sands et ses compagnons irlandais, tous emprisonnés pour délits criminels, à mourir d'une grève de la faim en 1981, sans que leur fin inexorable ait ébranlé celle qui y avait gagné son surnom de dame de fer, Margaret Thatcher, dont la dureté sans merci avait soulevé une vague de réprobations non seulement en Irlande du Nord où 100 000 personnes avaient défilé, mais dans le monde. Même le pape Jean-Paul II, à l'époque, s'en était mêlé.
La question que doit se poser ici la démocratie tunisienne est celle du scrupule moral dans le traitement de ses « ennemis ». Notre démocratie peut-elle se débarrasser de ses enfants terribles en les regardant se suicider librement, sans ciller, les éliminant passivement, pour ne pas le faire activement comme la dictature ? Le respect de la liberté individuelle peut-il aller jusqu'à la non-assistance à personne en danger, sans perdre son sens ? Le corps médical tunisien n'est-il pas ébranlé par ce manquement déontologique ? Le Conseil de l'Ordre des médecins n'en ressent-il pas le souci ? Certes, selon le droit international, le médecin est tenu de respecter le refus délibéré du patient de s'alimenter et de se soigner. Mais lorsque l'état physique de celui-ci l'a plongé dans un brouillard où son libre-arbitre n'est plus en mesure de s'exercer, ne faut-il pas lui porter secours, à son corps défendant, surtout si c'est un être jeune dont la crise religieuse n'est peut-être qu'un accès insensé passager ? Dans cet affrontement dramatique entre la raison d'Etat et la liberté de conscience, le droit à la vie n'est-il pas une priorité sacrée ? N'est-ce pas à leurs aînés d'en assurer la garde, au-delà de toute considération juridique ou idéologique ?
Notre démocratie est face au devoir impérieux d'une sérénité institutionnelle suffisamment forte pour ne pas maltraiter ceux qui désobéissent aux lois de la République, et ne pas succomber à la tentation d'une cruauté que les militants islamistes aujourd'hui au pouvoir connaissent, de l'avoir endurée durant leur longue résistance, et qu'ils attribuaient alors au despotisme laïc, combattu pour cette raison même par de multiples grèves de la faim dont ils étaient sortis vivants. Maintenant qu'ils ont gagné légalement leur statut de notables sur leur ancienne condition de parias, qu'en est-il du serment de rompre avec des méthodes peu conformes à la charité de croyants ? S'ils se comportent déjà de manière aussi insensible, « démocratiquement insensibles » avec « leurs enfants », qu'en sera-t-il demain avec les autres ? Comment concilier cette brutalité avec la piété musulmane dont ils se réclament, sensée gouverner avec le cœur autant qu'avec la raison? Les salafistes sont leurs dissidents, comme eux avaient été les dissidents de l'ancien régime qui avaient abattu froidement sur leur tête la raison d'Etat. Mais eux, les nouveaux élus de la Révolution, n'ont-ils pas l'obligation de cultiver cette mansuétude fraternelle qui devait mettre les « démocrates islamistes » au-dessus des « rationalistes athées »? Après l'excès d'indulgence coupable avec laquelle ils ont laissé leurs rejetons chahuter la paix civile, faut-il maintenant qu'ils les punissent au-delà de toute mesure, de toute compassion, de tout altruisme parce qu'ils n'ont pas été assez sévères avec eux quand il le fallait ?
Il arrive un moment où, quel que soit l'extrémisme d'une cause, si contre-nature nous paraisse-t-elle dans ses visions et dans les menées de ses adeptes, une force indépendante de leur passion bornée ou leur folle utopie se détache de leur croyance. Au-delà de leur sectarisme, dès l'instant où ils se sont mis en l'état de mortels souffrants, prenant à partie la conscience du monde qui les condamne, ils ne sont plus ni salafistes, ni fanatiques, ni musulmans, ni d'aucune religion ou d'aucun parti que ce soit. Leur aspect inhumain disparaît à nos yeux qui ne distinguent alors que l'évidence de pauvres créatures vulnérables, craintives et tremblantes, qui se sont séparées de leur communauté, pour ne laisser voir que la dernière attache de leur vie de réprouvés, de leur corps exténué, sur lequel toute conscience humaine doit veiller, quelle que soit sa réprobation. Si étroite fût-elle, leur solitude butée s'est élevée à la grandeur de leur condition humaine, dont l'agonie a été offerte à tous ceux qui n'ont pas voulu la reconnaître, la dernière lueur de leur espoir où leur âme esseulée frissonne, abandonnée par les siens au courant glacé de la disparition. Cette désincarnation précoce, ce corps dénutri d'où se lève, plus éthérée et plus inaccessible, la volonté de l'esprit, exerce une puissance morale redoutable sur les fidèles, et jette dans la société des sentiments d'angoisse accrus. La grève de la faim était la méthode triomphante que Gandhi avait initiée dans l'histoire pour prouver la supériorité spirituelle de la non-violence dans son combat contre l'injustice coloniale.
Ces jeunes-vieux, abreuvés de puritanisme, d'austérité, d'antiaméricanisme et d'antisémitisme, d'hébètement théologique et d'ignorance scolastique, qui ont reçu tous les ingrédients mentaux pour retourner la violence de leur préjugés contre eux-mêmes, uniquement parce que personne n'a pris la peine de leur expliquer que le goût du savoir peut n'être pas séparé de la liberté de croire – ces vieillards prématurés ne sont que des enfants immatures. Oui, ces enfants aux pâleurs pathétiques sont aussi « nos » enfants, même s'ils ne nous rappellent rien de notre jeunesse, ils ne sont que des enfants, des gosses ânonnant, des gamins endoctrinés qui se sont interdit la joie innocente de se mêler à la foule heureuse des filles et des garçons qui ont rempli ces derniers jours les cinémas de Tunis, à l'occasion des Journées cinématographiques de Carthage.
Et pourtant, ils auraient pu eux aussi être ces enfants-là ! Ils auraient pu faire partie de cette bande joyeuse, si un tourment inconnu ne les avait jetés dans les obscures manigances d'imposteurs qui ont couvert leur esprit d'une crédulité funèbre. Oui, ils auraient pu rejoindre la compagnie rieuse de ces jeunes spectateurs affamés des beautés de leur époque, de ces enfants émerveillés qui attendent avec un coeur impatient les lumières d'un écran magique. Ils auraient pu partager l'enthousiasme de leur âge bondissant, et se laisser bercer par le fleuve multicolore des mille et une nuits de leur époque. Oui, ils ne sont pas différents, ils portent tout autant que les autres le besoin de se désaltérer aux sources du Beau, de boire l'ambroisie dont tout organisme vital a besoin pour croître en harmonie, en plaisir, en santé, n'eût été leur âme impressionnable qu'une épouvante enfantine proférée dans un jargon féroce a pour jamais brouillée. Oui, ils auraient pu être de la fête claire, au lieu de s'éloigner dans le tic tac d'un cachot sombre, écoutant l'horloge fatidique, avilis par les privations de la soif et de la faim, mourant comme des orphelins, bredouillant leur détresse sans qu'aucun réconfort humain ne leur prenne la main pour les sauver, si ce n'est la miséricorde divine de la prière, qui a effleuré leur dernier soupir de sa caresse muette.


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