Le gaz de schiste est un gaz naturel caractérisé par une localisation géologique particulière. Piégé dans des couches rocheuses étendues et présentes sur tous les continents, il représente un enjeu majeur pour le renouvellement des réserves mondiales de gaz. Utilisé comme matière première dans les centrales électriques à la place de ce dernier, il pourrait offrir une production d'électricité plus compatible avec les engagements de réduction de gaz à effet de serre, en diminuant la production de CO2. Le ministère de l'industrie a offert à la société Shell le droit d'explorer le sous-sol tunisien à la recherche de gaz de schiste. La technique pour ramener le gaz à la surface est nouvelle, délicate et surtout, désastreuse sur le plan environnemental.. Trois «ingrédients» sont nécessaires pour créer ces mini séismes : des quantités phénoménales d'eau (entre 15 000 et 20 000 m3), des produits chimiques (plus de 500) pour attaquer la roche et des micro-billes pour maintenir ouvertes les failles. Aux Etats-Unis, le bilan de l'extraction de ces énergies fossiles est catastrophique : pollution massive des nappes phréatiques et de l'air, destruction des paysages et de milieux naturels, etc. Leur exploitation, en Tunisie, conduirait inéluctablement aux mêmes dégâts. Largement inconnu du public tunisien il y a quelques mois, le gaz de schiste fait tourner la tête des industriels, tétanise la population et mobilise les partis politiques et la société civile. Il fait polémique en Tunisie et dans le monde. Mais savons-nous au moins de quoi il retourne? Quels sont les avantages et les inconvénients de l'exploitation de ce gaz? Est-ce une aubaine pour l'économie nationale ou bien s'agit-il d'une catastrophe à éviter? Autant de questions mises en débat à l'occasion de la conférence du Professeur Mohamed Larbi Bouguerra intitulée « Gaz de schiste, trésor empoisonné ou nouvel eldorado pour la Tunisie ? » co-organisée par l'Association d'Education Relative à l'Environnement (AERE) et le Rotary Club Hammamet dimanche 9 décembre 2012.Un public nombreux, une conférence de haute facture et un débat et des échanges fort intéressant. Telle est l'impression à chaud de la majorité des participants à la sortie de Dar Sebastian au centre culturel international de Hammamet, où s'est tenue la manifestation. Monsieur Bouguerra a su merveilleusement bien simplifier et vulgariser un sujet pourtant complexe et très technique.Sur le fond, voici ce qu'il faut retenir de cette intervention du Pr Bouguerra : - Nous ignorons encore les quantités de gaz de schiste dont recèle notre sous-sol . - Nous devons toujours garder à l'esprit et ne jamais perdre de vue les enjeux géostratégiques qui se cachent derrière les projets d'exploration et d'exploitation du gaz de schiste. - Les activités de forages ne sont pas très pourvoyeuses d'emplois et on estime à 03 le nombre de poste d'emploi créé par puits. En effet, un puits qui entre en service est par la suite automatisé et son exploitation ne requiert aucune embauche. - Le méthane CH4 qui est le principal gaz de schiste est un gaz à effet de serre 25 fois plus nocif que le gaz carbonique CO2. Son impact sur le réchauffement climatique ne doit pas être sous-estimé. - La fracturation hydraulique, procédé utilisé pour extraire le gaz de schiste est très vorace en eau. Des milliers de m3 d'eau par forage sont en effet nécessaires. Or, la Tunisie vit depuis des décennies une situation de stress hydrique, elle ne peut donc pas se permettre un tel gaspillage de ses ressources en eau. - Les produits chimiques mis en circulation sont nocifs pour la santé, certains sont même cancérigènes, d'autres sont perturbateurs endocriniens et on ignore les effets à long terme des métaux lourds et autres dérivés radioactifs mobilisés du sous-sol. - La focalisation de l'attention sur le gaz de schiste entraîne un relâchement des efforts en matière de recherche et d'investissement dans le secteur des énergies renouvelables comme le solaire, l'éolien ou la biomasse. Il retarde par conséquent la transition escomptée vers une société post-énergie fossile, et ce, au grand dam des écologistes. Le débat public avec la société civile, les écologistes et les rotariens a permis de dresser un inventaire complet des conséquences environnementales, sanitaires, économiques et sociales de cette «nouvelle folie industrielle» certains ont même demandé un gel immédiat des prospections et la suspension des permis de recherche de gaz et pétrole de schiste sur l'ensemble du territoire tunisien. D'autres ont exigé la transparence totale dans les attributions des permis d'exploration et d'exploitation aux groupes pétroliers, l'information et la consultation du public et des élus locaux, ceux-là mêmes qui auront à supporter les impacts de ces projets sur leurs territoires.